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PUBLICATIONS XXIII

Poèmes

AC / DC - Thunderstruck (Official Video).
A YouTube doc.

PROSE POUR UNE PIANISTE

 

         Ce sont des rythmes drainant quelque écriture qui porte à soi les paysages glorieux, telle l’aube côtoyée lorsque je me lève tôt pour jouer au piano des airs évoquant les scènes ornées des grands lustres. J’écris donc ces notes comblant les salles où l’élégance importe nécessairement. Puisque rien n’est comparable à ce moment. Et sans imaginer outre mesure, sinon ne me disposer qu’au langage du clavier. Ma vision est intacte. Ce pourrait être en haute montagne ou en haute mer. C’est selon. Seule l’écriture importe où tel paysage le souhaite. Je m’y tiens assisse, sereine. Du reste, me laisse dicter en tout mouvement.

       Ce pourrait être aussi bien l’après-midi, le soir, la nuit. Son piano sera toujours disponible afin que je m’y ravisse. Elle, présence unique. – Melpomène. À laquelle déesse, je me dois. Toute note concédant aux accords l’essence de la partition qu’Elle souhaite, qu’Elle dicte. – Tel paysage. Où je cours, de mes mains aériennes. Ainsi des mouvements que je partage sous son égide ou sous les grands lustres. On m’applaudira. Si j’en suis digne. Elle en est toujours digne. Lors ne manquant pas à l’appel du jour quand la déesse le veut. Je n’ai qu’un objet, mon piano cher. Et mon travail demeure féroce du fait de la discipline exigée. Je dois demeurer au-dedans de ma sphère, selon l’ordre du compositeur qui s’affirme. Moi, en l’occurrence. Ne négligeant jamais de conférer à ma plume la solidité de la baguette. – Non des mots, des notes. De cette baguette qui peut tournoyer, suivre la ligne horizontale ou verticale. Qui peut ployer. Par son adaptation au règne des instruments. – Elle chante.

         Au sein des grandes salles pressenties, déjà combles, Melpomène les voulant toutes de lumières, tenue au cadre strict de l’orchestre. – De raison. Y proposant au public l’aventure humaine, fraternelle, soit dans l’ordre, sublime, des choses. Ce faisant, vouée à Melpomène qui, je le sais, me portera. J’irai au-devant de Vous. Sans nul sentiment autre que Vous. Vous, tous mes moments. Vous, bouquets de fragrances. – Elle, forte de la durée des silences et des lois cruciales de l’improvisation, chantera.

 

 

 

LA PLUME, LA POÉTESSE

 

          Au-dedans et par le fait d’une observation sereine du ciel et de la mer, leurs mouvements, leurs variations. Celle de l’auteure. J’écris, peut-être une histoire, peut-être un poème. Limitée strictement au rythme de la fable où je n’apparais pas. Si ce n’est que le temps de l’écriture m’oblige à son procès ; en d’autres termes, à suivre un acte d’inspiration.

          Il pleut sur la mer. Un ciel de circonstance propose des nuances gris bleu, s’accorde aux vagues du large, nombreuses, dont la succession laisse percevoir des formes libres pareilles à celles des nuages. Un motif à peindre certainement. S’ensuit un regard. Il pleut sur la mer. Le ciel par variations se reflète à la surface de l’eau. Le moment se suffit à lui-même et m’écrit, de la main inspirée de l’auteure. Grâce à sa présence, participant du rythme de la succession des mots, des phrases, qu’elle produit, comme vagues et nuages dans leur avancée, tantôt rapide, tantôt lente. Une prosodie rigoureuse. Ainsi de ce haïku au bord de l’eau fondé sur l’expérience de l’auteure, le temps ni le lieu ne correspondant à ceux de l’écriture. Une projection au-delà de sa table, simplement.

       Un souci créatif. La volonté poétique d’offrir à la page blanche une matérialité sensorielle. À l’azur lointain / Le contemplant j’y retrouve / Telle caryatide. La page, soit l’embellie où je vole. Non sans notre considération de droit pour l’encre, ses pigments.

LA DAME AUX FLEURS

           Le ciel, où cristallisent des éclaircies plus régulières, ce jour, propose des variations nuageuses autant que chromatiques. Leur masse en effet se caractérise par des figures blanches ou grises sur fond azuré, puisque le vent leur confère des rythmes s’accordant à ceux d’une marche paisible, naturellement aérienne. On pourrait la peindre.

           C’est aussi un motif musical qui inspire la tranquillité, un sujet d’écriture. Un spectacle apaisant somme toute. Le regarder comble. On s’y oublie, comme si l’on recevait un bouquet de fleurs. Cette dame, par exemple, au-devant de qui je me rends afin de lui acheter du muguet et des roses. Instants où je n’existe que pour cette dame, en réalité pour la fonction qu’elle occupe dans la société. Dûment je règle et sors enthousiaste sous le ciel printanier, ce ciel évoqué sur son mode d’éclaircies musicales. Lors, en un même mouvement trois thèmes demeurent, autour desquels mes mots vont : la dame aux fleurs, le ciel et sa marche printanière. De la sorte, me sentant disponible et à la faveur de telle conjecture, inscris au khôl leur prégnance.

             Il s’agit d’abord d’une cité ! Où s’aimantent phrases et figures relatives à ce jour, entre autres. Soit le cadre essentiel du propos, moi-même juste sis au titre de témoin, servant l’objectivité toute harmonie florale, permanente. Fait pratique d’amuïssement du je. – Outre que s’y réalisent les partitions et leurs concerts d’applaudissements.

LA BAIE VITRÉE

             Raison d’un support, cette œuvre collective où, se proposant, tel style peut se lire. Musique, paysage, aventure, … dans les limites de quelque fable qui ne suffira qu’à elle-même. Une structure autonome ne renvoyant à personne, y compris et surtout dans les caractères présentés. De fait, un ensemble de signes qu’un auteur fixa. Ainsi de ce texte.

            Un regard printanier sur la nature. On voit des figures nuageuses blanches et rares parcourir l’air bleu, un peu comme les mouvements d’une écriture poétique. Rien n’est heurté, rien ne heurte. Le champ, remarquable sur le plan de la légèreté, pourrait induire un envol. Les sens s’y réalisent, à distance néanmoins. Par son étendue, réalisme oblige, le champ nous tient à notre place ; nous ne nous préoccupons que du point de vue de l’humilité qui nous fut accordé là, ici. Notre premier travail s’y résout dûment.

          Tel support conçu comme la scène des signes que nous observons puis transcrivons ou traduisons, sans n’y ajouter rien que ce que l’inspiration dicte. Un départ recommencé malgré nous, à l’unique faveur de la mimèsis ; grâce à quoi la raison du support s’augmente de l’objet convoquant la fonction dudit support : un ciel de printemps. Il aurait pu aussi bien pleuvoir. – Donc plutôt le moment qu’inspira un ciel de saison, dans le cadre strict de l’échappée que je sers et mets à votre disposition. J’aurais pu aussi bien être absente.

PROSE POUR UNE PAGE BLANCHE

            La page blanche ou ce moment de silence parcouru bientôt d’échappées sémantiques, n’ayant pour référent que la page blanche ; à la fois topos et support du topos, tout un, objet / sujet. L’aspect, précisément la figure évocatrice, qui prendra forme selon le rythme syntaxique, de l’inspiration, jusqu’à l’accomplissement révélé à son auteur, soit l’aspect perfectif.

             Régnant autour les ensembles lyriques, elle en fixera la substance. Quant à l’auteur, conscient d’en être partie intégrante, lui-même participe de la figure dans le mouvement induit. Figure où cristallisent en amont des structures harmonieuses, tant musicales qu’iconographiques, qui convergent sur le plan de la trace écrite, sur chaque point de l’énonciation, sur chaque période exigée.

            Attendu que l’auteur ne s’y projette pas mais en suit le rythme proposé par lesdits ensembles, notant les pulsations. Or, la figure demeure, et s’impose naturellement, motif de rencontre. On va au-devant sans savoir le nombre de lignes ou de vers, excepté quant il s’agit de poèmes à forme fixe, de compositions préétablies, ni de manière exacte le temps qu’il faudra, jusqu’au degré d’accomplissement ; en l’occurrence, ici. Le constat est une écriture en prose.

AUX PORTES D’UN OPÉRA

           Des notes de musique pour fin d’une écriture concentrée sur elle-même. Une partition ouverte sur des paysages où prévaut le printemps dont les ciels suggèrent des alternances entre pluies et beau temps, dans le juste équilibre de la saison, véritable motif d’inspiration.

         Ce sont d’abord les silences quand s’organisent les signes avant que la dimension acoustique leur donne la forme et le volume orchestraux. Cordes, vents, bois, joueront ensuite dedans le cadre très strict fixé par les mouvements d’une baguette ou d’un jeu de mains tenant lieu de repères fondamentaux quant à l’exécution optimale des parties, des tableaux, des actes. S’offre alors une matérialité de l’écriture que la scène révèle grâce à la voix et à la nature de chaque instrument, bienfaitrice à l’égard des sens, à l’égard de soi.

           Un temps d’écoute dont on peut ignorer la durée, qui nous transportera par les paysages sonores, d’après lesquels d’autres naîtront ainsi que coule une source du haut de la montagne, formant les cours d’eau qui iront jusqu’à la mer. D’autres paysages, autant de lieux d’universalité dont on se voudra digne d’être présent à chaque espace, à ses limites. D’y trouver le bonheur simple, s’agissant de l’assise à laquelle, dans sa générosité, l’occurrence oblige.

SENTINELLE

          D’un regard porté au loin, l’horizon gris bleu ne laisse présager que la douceur de vivre et les variations sublimes de l’air du large, tout envols des goélands, passage de maints navires conduisant à l’antique rêverie des routes commerciales, des paysages d’Orient où elles commencent et reviennent à fins de beaux décors auxquels on voue les grandes rencontres, simplement entre soi et l’idée du bien vivre en harmonie avec les autres.

            Un ciel n’ayant d’autre objet que la quiétude qu’il m’offre dans son infinie générosité à cet instant où je me dois très humblement de le considérer.

             L’ordre m’incombe d’observer avant toute chose la moindre perturbation, fixer ma vigilance sur l’éventualité de la moindre perturbation. Mon constat demeure clair, soit négatif. Il n’est rien de fait qu’un horizon gris bleu ne laissant présager que les occurrences ordinaires du large. Je vais bientôt poser ma plume. Parce que la relève arrive dans quelques minutes, lui confier la plume, le support adéquat, et que la relève puisse à son tour graver le moindre indice de nature extraordinaire. La relève découvrant par là même ce que j’inscrivis. Une note officialisant ma fonction à ce poste : « Rien à signaler ». Au demeurant, les saluts respectifs de rigueur, le départ pour rejoindre nos compagnons.

PROSE POUR UNE NOTE MUSICALE

          D’une fidélité sans faille à la partition, je demeure et m’accorde aux rythmes multiples exigés selon quelque clef ordonnatrice. J’entre ainsi dedans un ensemble musical auquel je me dois, y enrichis le volume, soit la figure que l’auteur a écrite. J’apparais, réapparais, au sein de cette chorégraphie aérienne que mes partenaires et moi proposons aux oreilles de l’auditeur.

          Au-delà de l’écoute, signes de l’écriture inspirée que la Muse conçut. D’abord, mouvements d’une plume, nous prenons forme, sens, du fait des limites tracées par la plume qu’un orchestre ensuite amplifiera. L’Olympe nous créa.

              Inscrite dans la composition qui se joue sous le regard vigilant de l’auteur, à cette occurrence de concert joué devant des milliers de personnes, je vole, danse, avec mes partenaires symboliques d’après un ordre que nous suivons stricto sensu, non pas à la façon d’un écho mais d’une réalité sensorielle, et ce pour le plaisir de chacune des personnes présentes, un ordre universel que l’auteur entend suggérer par la puissance des cuivres, des bois et des vents auxquels nous obéissons. Il s’ensuivra des émotions, des dépaysements, une sagesse. Et au terme de telle figure imposée, des silences, enfin les applaudissements, peut-être des acclamations, jugeant l’exactitude de la durée et de la danse.

PORTRAIT D’UN GUITARISTE

           La marche en premier lieu, rapide s’il en est, bondissante. Il file sur la scène comme on filerait la métaphore, de sorte qu’on le suit des yeux durant ses allers et venues incessants, ainsi du boxeur sur le ring. Des sons électriques accompagné, il dessine sillages et figures. Un tableau, certes, acoustique, dont on pourrait penser, mais à défaut de peinture, qu’il s’anime. Tout à la fois mobile, qui nous fixe à ses mouvements, et immobile par la magie considérable qu’il offre, nous cristallisant à sa virtuosité. Il joue. Et la vitesse qui caractérise son jeu de mains, son jeu de jambes, le consacre en outre icône.

         S’y révèle une énergie n’ayant d’égal que l’énergie des salles combles, un phénomène autour duquel s’organise l’ensemble orchestral, qui le soutient, par-delà l’admiration du public. Il joue. Nul n’en sait les techniques.

          Il joue les mélodies des nuits solaires, des nuits pluvieuses dont se satisfont les jardins, nourrissant les fragrances. Sa guitare est un arrosoir de notes d’où naissent les joies sereines. Il joue des héritages, les offre sans compter aux gens, fidèle en cela au code du Rock’n Roll. Il joue, il roule. Des variations telles qu’on y appareille et navigue dessus au souvenir des mers, des rivages de sel lointains étudiés à l’école. Tel, géographe, historien, de la matière phonique, grâce à son jeu, il s’incarne. Pour le bien de l’ensemble, sons, lumières.

POÈME POUR UNE SURFEUSE

               Le drapé d’or et d’argent qui va le long de la Côte aux rivages blancs me révéla la déesse. Elle m’apparut une après-midi rythmée par les pluies régulières à cette saison, néanmoins dans l’air cyan qu’encadraient de part et d’autre plusieurs nuages, dont celui plus massif, plus ombré, d’où venaient les précipitations. Ce temps n’empêchait pas les gens de se promener sur la plage, aux surfeurs de surfer. J’allai sans savoir, à mon retour du marché et des terres en couleurs, sur le sable marmoréen, quand je la vis. Elle sortait de l’eau habillée en fleur. Lors le lieu se transmua.

             Je demeurai fort humble de me trouver au sein de la grande cité des jardins, cette cité même dont parlent les historiens de l’Antiquité ; je n’en sais plus le nom. Les gens que je croisais ou rencontrais avec leurs enfants étaient des grandes familles, connues sous le terme de tribus. On devisa en plusieurs langues. Dès le premier regard posé sur elles, je les aimai. La déesse m’avait pris par la main au commencement afin de me les présenter, puis on se lia selon la coutume du bon accueil. Nectar et ambroisie furent servis à table, au milieu d’une végétation millénaire. Il pleuvait encore mais les immenses feuillées nous abritaient. L’air cyan transportait les essences des fleurs qui éclairaient les verdoiements aux couleurs de l’arc-en-ciel. J’y disparus, dans un envol chromatique d’oiseaux.

            Le son du tonnerre me réveilla. Il annonçait un orage au loin. Une surfeuse passa devant moi. L’océan se drapait d’or et d’argent. Ne me restait qu’à rejoindre l’hôtel et ses jardins, si ce n’est ce rêve en deux temps que les vertus de l’île conditionnent parfois lorsqu’on s’est confronté aux vagues.

                                               Jean-Michel TARTAYRE

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