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                                                                                        aux enfants,

                                                     à mes sœurs et frères d’armes

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PROPOS SUR L’ESSAI

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D’abord faire abstraction de toute chose extérieure à la Pensée, ce afin de pouvoir dire,  - un terme de Jacques Brel et cher à mon coeur.

 

C’est là, je pense, le principe de tout essai.

 

Je m’essaye, ou plutôt, je vais essayer, d’écrire et de traduire avec fidélité, fidélité maximale, ce que m’ordonne la Pensée ; et cela nécessite, non seulement une concentration ferme, mais, en outre, une remise totale de sa propre volonté à une beaucoup plus grande.

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L’essai peut alors être considéré comme une affaire et une posture intellectuelles de grande modestie et, notamment, au regard des précédents, des œuvres antérieures.

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Les grandes dames, les grands hommes, ont tous écrits, indéniablement. Vis-à-vis d’eux, c’est bien la moindre des choses de traiter le sujet, celui de l’essai précisément, avec respect, un respect absolu. Faire abstraction de soi, de toute chose extérieure certes, mais surtout de soi. Sans être antisocial, reprenant ici le mot de Bernie Bonvoisin.

 

Qu’est-ce qu’un essai ? En l’occurrence, c’est obéir à un contexte d’écriture, celui d’une chambre où j’écoute de la musique. C’est aussi le fruit d’une réflexion d’après une question que je me pose souvent : Qu’est-ce qu’écrire un essai ? La lecture fonde cette question. La lecture quotidienne d’une œuvre philosophique ou d’un recueil de poèmes, avec parcimonie. Mais la lecture quotidienne oui, et de mes auteurs de prédilection qui, à mes yeux, ont bâti une œuvre immense, et pas seulement qu’à mes yeux, de cela je suis persuadé. Ainsi, la lecture permet de réfléchir et, par conséquent, d’écrire. La lecture est d’ailleurs une réflexion, souvent immense.

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Le livre est un objet de lumière, un objet lumineux.

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Et dans cet esprit de lumière diffusé par l’objet livre, j’essaie de conduire à mon tour le faisceau qui me construit en compulsant l’objet.

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Je pense que l’éclairage du Signe et de ses combinaisons infinies est le principe.

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Ainsi, je dois m’effacer afin d’être le véhicule le plus fidèle à ce que me commande le Signe. C’est un ordre. Je fais l’effort de. Et le Signe, dans sa forme et sa matérialité, se fixe. L’essai est donc une question d’adhésion totale au Signe. Je regarde autour de moi et je produis les signes qui me sont donnés à intégrer dans l’écriture.

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Quand René Descartes traite de l’essai, il considère que c’est un principe, non seulement de découverte, mais aussi d’apprentissage : Je ne désespère pas d’apprendre, écrit-il dans le Discours de la Méthode. L’essai peut se percevoir de la sorte comme une approche des choses liée à la question d’instant : Cogito ergo sum. C’est une pensée qui accouche. Et ce concept de Maïeutique date de l’École de Socrate. Il en est le fondateur. Concept repris par Platon au sein de l'Académie, puis par Aristote au sein du Lycée.

 

L’essai serait de fait un phénomène d’accouchement de la Pensée, par le support d’un questionnement qui n’attend pas de réponse donnée par un autre que soi-même.

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Bruce Lee écrit L’ICI ET MAINTENANT est la substance de la pensée.

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Écrire sur un thème demande de la part de l’essayiste une complète adhésion à la dictée de notre pensée, sans résister, sans forme d’hésitation ou de peur, qui sont seulement des formes d’ignorance. Faire abstraction de ses sentiments négatifs ; je veux dire, de haine ou de colère. Quand j’écris, je ne combats pas, tout au moins contre moi-même. L’écriture n’est nullement une affaire de ressentiment, de revanche prise sur je ne sais qui ou je ne sais quoi.

 

L’Écriture n’est pas une affaire personnelle. Elle Est. Et Se Suffit à Elle-Même. Et y adhérer, avec un maximum de volonté, nous permet de mieux voir. L’Écriture m’éclaire mais Elle n’a pas besoin de moi pour exister. Tout a déjà été dit.

 

Non, l’écriture de l’essai n’a, selon moi, rien à voir avec nos propres sentiments. Je n’aime pas les pamphlets.

 

Lorsque Molière écrit au Roi, il situe l’Écriture avant tout comme un moyen de dénoncer les travers de son époque. Mais l’Écriture ne peut se concevoir comme un ensemble d’arguments ad hominem. Lorsque Molière écrit, il ne s’en prend à personne en particulier. Il s’en prend à un système qui dysfonctionne.

 

L’Écriture interpelle dans l’essai ; comme Elle interpelle dans les autres genres, pour se manifester et libérer celui qui écrit, selon le concept de Don. L’Écriture s’offre et se présente par un acte qui vient de soi.

 

Le choix du sujet est aussi divers que ce que l’Écriture nous permet d’observer autour de nous. Et les mass médias nous informent à ce propos tous les jours. Les sujets sont nombreux. Personnellement, je désirais en écrivant, je le répète, observer à quoi peut renvoyer l’idée d’Essai. Et au fil des lignes, je me rends compte que c’est un moyen de s’éclairer soi-même et cela me suffit. J’apprends, autrement dit, à me remettre en question.

 

Le phénomène d’écriture implique nécessairement, je m’en aperçois, une attitude absolument innocente ou modeste, qui est celle de l’enfant. Victor Hugo comparant le poète à l’enfant, le dit lui-même. Monsieur Victor Hugo, cet enfant de la République, n’avait pas froid aux yeux. La lumière perce partout où il les pose.

 

L’essai est donc une affaire de franchise surtout. Je dis en écrivant et je ne mens pas. C’est, je pense, le fondement de l’essai. Suivre, sans marquer d’arrêt, ce qu’exige le sujet ; c’est-à-dire l’Écriture elle-même. Pour le reste, je suis absent.

 

Dans l’essai, je n’obéis qu’à moi-même et à ce que demande la Pensée. Et la compromission, terme très souvent évoqué par Bernard Lavilliers dans ses textes, doit être absolument chassée, comme le fait entendre précisément le grand poète Lavilliers.

 

Je ne joue pas avec les mots dans un essai, c’est l’affaire de Don Quichotte, pas la mienne.

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Et surtout, je ne recherche aucun profit, car la compromission est affaire de profit.

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Mon seul profit, quand j’écris, ce n’est même pas la reconnaissance, c’est d’être en phase avec moi-même et avec ce que les grands auteurs, j’inclus évidemment les auteures, m’ont enseigné et continuent à m’enseigner. Michel de Montaigne, le fondateur du genre, auquel il m'est dû de rendre hommage, cite lui-même les auteurs de sa prédilection comme arguments d'autorité pour disserter.

 

L’Essai est, dans l’absolu, une proposition et une non-proposition que l’on se donne à résoudre par écrit. Quand je lis Blaise Pascal, j’entends par ce terme une écriture méditative, un Acte de Foi structuré autour de ce concept d'Union de p et non p.

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Quand je lis le Manifeste de Karl Marx, j’entends un appel à résoudre les dysfonctionnements sociaux-économiques, écologiques, de la même façon que Molière dans son Œuvre.

 

Somme toute, l’Essai peut se concevoir, selon moi, comme un objet littéraire, philosophique, dans lequel je ne se justifie pas. Mais il opère une démonstration d’ordre naturellement mathématique. Comme l’écrit Arthur Rimbaud dans la Lettre du Voyant  : Je est un autre ; et cette formule fait référence à l’observation très aiguë des choses, à la justice et à la charité, nécessairement. Rimbaud pense à l’avenir, pour ne pas dire il le voit.

 

 

                                                                                       Jean-Michel TARTAYRE

It's my experience that you really can't lose when you try the truth.

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                                                 Sharon Stone

The only failure is not to try.

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                                                                 George Clooney

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