

PUBLICATIONS LIX
Récit fictionnel

JEAN-MICHEL TARTAYRE
UNE ENQUÊTE D’ART JUNGLE
Le Poème oublié
Récit fictionnel
CHANT DE L’ÉTÉ
Je ne boude pas
Le bonheur quand il est là. –
Fort du grand respect
Eu égard au Beau
Qu’il propose à mon regard. –
Tel cet or massif
Dont la splendeur mue
En absolu de parfum. –
Jusqu’aux nues ravit.
S’ensuit l’idéal
Dont notre existence est faite. –
Celui de la Grâce.
« – Voici, Lieutenant. Je vous donne à lire ce poème, me dit le Commandant O. Ce pourra être une pièce à conviction. On vient de cambrioler deux appartements, il y a une heure, au 47 Rue des Lys. Le premier vol fut commis au rez-de-chaussée, appartement 6 ; le deuxième au premier étage, appartement 19.
– Comment ont-ils procédé, vous le savez ?
– Ils se sont servis d’un pied-de-biche apparemment. Les deux portes d’entrée sont fracturées. Dans les deux cas, on peut supposer que les délinquants n’ont pris que des objets de valeur, aux dires du témoin.
– Pourquoi ce poème, Commandant ?
– Il fut trouvé, paraît-il, dans l’escalier, juste après le deuxième cambriolage, à 13 H 15. Il se voyait à peine, ayant glissé entre le bord d’une marche de l’escalier central de l’immeuble et la paroi du mur de fosse. Une personne vient de nous le remettre. Elle est encore là. Le Capitaine B. recueille son témoignage.
– Vous connaissez l’identité de cette personne, mon Commandant ?
– Madame W. Lisez ce texte en attendant d’interroger le témoin à votre tour.
– Il est sous scellés.
– Bien sûr. Vous pouvez le lire à travers la pochette en plastique, n’est-ce pas ? … avant que vous le présentiez au Service des OGS pour analyse. Je reviens vous voir au signal du Capitaine B.
– Excusez-moi, mon Commandant ?
– Oui, Jungle ?
– Le témoin a-t-il saisi le poème à mains nues ?
– Non. Madame W. nous a assuré l’avoir ramassé après avoir mis ses gants. »
Aussitôt que le Commandant O. est sortie de mon bureau, je lis le mystérieux poème. Je retiens que c’est un hymne composé en l’honneur de la belle saison. Sa forme est brève. L’autrice, ou l’auteur, s’est attaché(e) à utiliser l’allégorie, faisant de l’été un aède, un poète. Tandis que je commence à réfléchir sur le mode de prosodie pratiqué, le Commandant O. réapparaît et me dit :
« –Vous pouvez aller dans le bureau du Capitaine B. Il a terminé de questionner le témoin. Ils vous attendent tous les deux.
– J’y vais, mon Commandant. »
Lorsque j’entre dans le bureau du Capitaine B. que j’ai déjà salué ce matin, Madame W. est debout, discutant avec mon coéquipier.
« – Bonjour, Madame, dis-je en lui serrant la main.
– Bonjour, Lieutenant.
– Je n’ai que deux questions à vous poser avant que vous partiez. D’abord, est-ce que vous connaissez bien les victimes ? Ensuite, avez-vous entendu des bruits suspects ?
– Voilà, Lieutenant. Je réponds oui à votre première question. L’une est d’ailleurs ma meilleure amie, Madame R. Et toutes deux se connaissent, puisqu’elles sont elles-mêmes amies. Je connais moins Madame S., mais oui, bien sûr, nous sommes trois amies. Pour répondre à votre deuxième question, non, je n’ai rien entendu. Cela s’est passé entre Midi et 13 heures, Quand je suis rentrée déjeuner à Midi, il n’y avait rien d’anormal, la porte de l’appartement 19 était intacte, même constat s’agissant de l’appartement 6. Je regarde la télévision avant de repartir travailler à 13 H 15, les murs sont bien insonorisés, donc je n’ai effectivement rien entendu. J’ai constaté les dégâts commis sur la porte de l’appartement 19, celui de Madame R., puis l’effraction de l’appartement 6 en sortant à 13 H 15. C’est en descendant l’escalier que j’ai vu aussi le bout de papier plié en quatre. Heureusement, j’avais mis mes gants de conduite, étant donné qu’il fait frais en cette période de saison des pluies. J’ai de suite prévenu les victimes, puis vos Services.
– Une troisième question, excusez-moi, Madame W. Savez-vous ce que faisaient les victimes au moment de la pause méridienne ?
– Oui, Lieutenant. Elles déjeunent toujours ensemble, au centre-ville, près de leurs commerces respectifs.
– Elles sont donc commerçantes ?
– Exactement, Lieutenant.
– Quelle forme de commerce, s’il vous plaît ?
– Le commerce indépendant. Madame R. tient la Bijouterie « Le Carré d’Or », Rue du Front de Mer, et Madame S. la Parfumerie « Essences et Merveilles », sur les Allées du Port. Une cinquantaine de mètres à peine sépare les deux établissements.
– Et vous-même, Madame, sans vouloir être indiscret ?
– Je suis infirmière libérale.
– Bien, je vous remercie Madame W. Une dernière question : comment fonctionne la porte d'entrée de votre immeuble, s'il vous plaît ?
– Chaque résident possède une clé pour ouvrir. La porte ne s'ouvre automatiquement que de l'intérieur.
– Quand vous êtes ressortie à 13 H 15, ...
– La porte d'entrée était bien fermée, Lieutenant.
– Vous comprenez le sens de ma question, n'est-ce pas ?
– Oui. Comment lui, elle, ou eux, se sont-ils procurés la clé de la porte d'entrée ? Je vous réponds que je n'en sais rien du tout.
– Je vous remercie, Madame.
– Je vous en prie, Lieutenant. »
Elle sort. Je discute avec le Capitaine B., qui me fait lire ensuite le témoignage. Puis il me dit : « Il est 14 H 45. Il nous faut y aller, Lieutenant. Nous passons d’abord au Labo du Département OGS leur apporter le poème sous scellés, puis direct Rue des Lys. » Je vais dans mon bureau, récupérer le poème. Avant de prendre la 508 PSE, nous nous rendons tous deux dans le bureau du Commandant O. « À tout à l’heure, Messieurs. Soyez vigilants. Oui, Lieutenant, pensez à porter le poème aux OGS. », dit-elle.
À 15 heures 15 min, nous sommes sur les lieux, au 47 Rue des Lys. Les deux victimes et plusieurs voisins discutent sur le seuil de la porte de l’appartement 6, celui de Madame S. Nous nous présentons puis le Capitaine B. leur explique que Madame W., au titre de premier témoin, a repris les visites auprès de sa clientèle. Madame S. et Madame R. nous adressent tour à tour la parole avec un brin de nervosité dans la voix. J’interroge Madame R., après qu’elle m’a conduit dans son appartement, tandis que mon collègue reste au rez-de-chaussée et s’entretient avec Madame S. Après avoir constaté les dégâts, je demande à Madame R. :
« – Vous vivez seule, Madame R. ?
– Oui, Lieutenant. Mon compagnon vient me voir de temps à autre.
– Et tout se passe bien entre vous ?
– Oui, tout à fait, Lieutenant. Mais nous vivons séparément. Nous nous connaissons depuis moins d'un an. Mon compagnon n’est autre que le Directeur du Théâtre National de K.
– Bien. Vous êtes vous-même propriétaire de la Bijouterie « Le Carré d’Or », Rue du Front de Mer, n’est-ce pas ?
– Exactement.
– Avez-vous eu récemment des problèmes avec une personne en particulier ?
– Au moment où je vous parle, je n’en ai pas le souvenir, non.
– Une dispute avec quelqu’un ?
– Mmh. Attendez. Je réfléchis, mais non.
– Vous ne vous êtes fâchée avec personne donc.
– Non, Lieutenant. J'ai simplement tourné la page de ma dernière relation amoureuse. En revanche, mon amie, Madame S., fut confrontée dans sa parfumerie à un cas étrange.
– Vous pouvez être plus précise, s’il vous plaît ?
– Eh bien, d’après ce qu’elle m’a dit, un homme est venu à trois reprises dans son établissement, durant la journée d’avant-hier, non pas pour acheter un article, mais pour lui faire la cour. La troisième fois, elle a fait appel à l’agent de sécurité sur place, qui a sorti l’individu du magasin manu militari, avant qu’il n’en franchisse le seuil. Cet homme prétendait être un ami d’enfance de Madame S.
– Très bien. Merci, Madame R. Passez le plus tôt possible à la brigade pour faire le dépôt de plainte.
– Je souhaiterais venir demain matin à 10 heures, avec mon amie, pour porter plainte, Lieutenant. Pour l’heure, nous avons appelé un serrurier. Il doit arriver dans une demi-heure.
– Très bien. Une seconde, s’il vous plaît, … je note le rendez-vous. Voilà … Oui, une dernière question, Madame. Écrivez-vous des poèmes ?
– Cela m’arrive bien sûr.
– Et votre compagnon ?
– Je vois où vous voulez en venir, Lieutenant. Madame W, mon amie, m’a tout dit. Ce poème a été dérobé dans ma grande boîte DIOR, avec ma bague de fiançailles, deux présents de mon compagnon, car nous sommes fiancés depuis le mois de juillet dernier, cela fera demain exactement cinq mois. La bague vaut 31 000 euros. Il l’a achetée dans ma Bijouterie.
– Je vous remercie beaucoup pour cette information. À demain, Madame R.
– À demain, Lieutenant. Merci. »
Il est 16 heures 20 min quand le Capitaine B. et moi sortons de l’immeuble résidentiel de la Rue des Lys. Nous parlons et surtout argumentons à propos du cas « Ami d’enfance ». Une fois arrivés dans le hall de l’établissement principal du Secteur 3, le Commandant O. nous invite à la suivre dans son bureau. Puis :
« – Alors, Messieurs ? … Oui, Capitaine B. ?
– Nous nous accordons en l’occurrence, mon collègue et moi, sur un cas suspect, après avoir entendu respectivement les deux victimes.
– Quel cas ?
– Celui que nous appelons, le Lieutenant Jungle et moi, le cas « Ami d’enfance », et qui ressemble à un cas de harcèlement. Les deux témoignages se recoupent sur ce point, mon Commandant.
– Vous connaissez l’identité du suspect ?
– Oui, mon Commandant. Madame S., que j’ai interrogée, m’a donné un nom. En outre, le comportement suspect est enregistré par les caméras du système de surveillance de la Parfumerie.
– Cet enregistrement pourra servir de pièce à conviction, avec le poème. Ce que vous me dites est intéressant, car nous avons reçu le résultat des empreintes suspectes de la part du Département des OGS, s’agissant des analyses réalisées sur la feuille de papier où fut écrit le poème. L’homme est connu de nos Services. Il a déjà fait 5 ans de prison ferme. Venez vérifier, Messieurs … Voilà, c’est lui. À confirmer avec Madame S., Capitaine, lors du dépôt de plainte. Elles passent toutes les deux demain, je crois. Quelle heure ?
– 10 AM, mon Commandant, dis-je.
– Merci Lieutenant Jungle. On patiente Messieurs. Vous pouvez rentrer chez vous. Je vous attends demain à 8 AM. »
Le Capitaine B. et moi reparlons quelques minutes de cette affaire sur le Quai du Secteur 3, devant l’emplacement où est amarré mon bateau. Avant que je monte à bord, mon coéquipier me demande :
« – Dites, Jungle. Il vous faut combien de temps pour rentrer chez vous ?
– 30 minutes, mon Capitaine.
– Oui, ce n’est pas loin. Bon, pour ma part, je retourne à la caserne. Mon épouse ne rentre que dans deux heures. Je vais lui préparer un homard à l’armoricaine, suivi d’un quatre-quarts.
– Vous avez des origines bretonnes, Capitaine ?
– Non, mais j’ai fait mes classes à Brest, Lieutenant.
– La grande promotion, Capitaine.
– C’est vrai. J’en suis plutôt fier.
– Vous pouvez. À demain, Capitaine.
– 8 AM, n’oubliez pas, Lieutenant. Je vais quand même repenser au plan établi par le cambrioleur, ou les cambrioleurs …
– Oui, on ne peut encore être du chiffre exact.
– C’est ça. À demain, Jungle. »
J’amarre mon hors-bord à 17 H 45 sur le débarcadère de M., rentre chez moi et m’installe dans mon jardin sis au pied de la Montagne-qu-parle, après m’être préparé un thé à la menthe. J’écris, en émettant des hypothèses.
Ce cas « Ami d’enfance » me surprend, d’abord parce que Madame S. n’a pas reconnu l’homme du tout ; ensuite, et cela est fondamental, le nom qu’il lui a donné et qui est supposé être son vrai nom demeure également inconnu à Madame S. Pour être simple, Madame S. a plu à cet homme et lui n’a pas supporté qu’elle refuse ses avances, un refus radical et expéditif. La réaction de l’homme est brutale. Mais qui vise-t-il exactement : Madame S. ou Madame R. ? Il a pu les suivre l’une et l’autre, repérer leurs domiciles respectifs, leurs horaires. Madame S. a dit aussi au Capitaine B. qu’elle recevait depuis quelque temps des appels anonymes et ce de manière répétée. « Quatre à cinq appels par jour », a-t-elle dit à mon collègue. « L’Ami d’enfance » est un prétexte pour mieux se camoufler. L’homme a déjà été condamné pour trafic de stupéfiants. Il agit vite, en moins d’une heure, en connaissant les habitudes de ses victimes. Il s’approprie le bien des gens et considère que c’est normal. Peut-être se montre-t-il faussement généreux avant de passer à l’acte. Cela commence par une volonté de destruction. Il s’agit pour cet individu de détruire le bonheur des personnes. Deux ordres sont concernés : les biens matériels et la psychologie de la personne. Madame R., quant à elle, l’aurait-elle déjà rencontré bien avant cette affaire ? Pourquoi a-t-il emporté le poème écrit, de surcroît, par le fiancé de Madame R. à sa Dame ? Par jalousie ? Où Madame R. et son futur fiancé se sont-ils rencontrés pour la première fois ? Était-ce une discothèque ? Un restaurant ? Le suspect était-il déjà là au moment de leur première rencontre ? Le poème révèle un esprit honnête voué à sa Dame. Le poète, fiancé à Madame R., a fait le choix d’une prosodie très rythmée, qui s’organise autour des effets de rupture et de la suggestion. Il l’a écrit en été, le jour des fiançailles. Le suspect l’a trouvé dans la boîte à bijoux et n’a pas hésité. C’est un acte délibéré. On ne vole pas un poème inconsciemment. Il connaît donc la victime. Madame R. dit avoir tourné la page de sa dernière relation amoureuse. Quant à l’ami d’enfance, n’est-ce pas un moyen de détourner l’attention sur quelqu’un d’autre ?
Je pose mon stylo et ferme mon carnet. Il est bientôt 19 H. Je vais au village manger le véritable Pan Bagnat, recette niçoise parfaitement appliquée par le restaurateur Monsieur L., notre Chef étoilé. Un thé. Je rentre me coucher.
Le lendemain matin, à 8 AM, j’entre dans mon bureau et commence ma journée devant l’écran d’ordinateur, à consulter le fichier du suspect et celui d’un éventuel complice, car il est certain que le cas « Ami d’enfance » est un leurre. Nous verrons à 10 AM, avec les deux victimes, au moment de leurs dépôts de plainte respectifs. Ça y est, je pense avoir identifié le deuxième suspect. Le Capitaine B. entre à 9 AM pour me demander si je n’aurais pas une agrafeuse pour relier les feuilles sur quoi il nota hier soir ses réflexions. J’ouvre le tiroir sous ma table de bureau et la lui remet. Il me dit :
« – Vous savez, Lieutenant, je me fais toujours des réflexions après un début d’affaire. Je me sers des notes ensuite pour étayer l’enquête.
– Moi aussi, Capitaine. Vous avez raison. Écrire est un moyen de progresser dans l’enquête pour trouver l’assise nécessaire à l’instant T. Je peux lire ?
– Faites. Tenez. »
Je constate, en découvrant le texte de mon supérieur, qu’il a structuré le plan d’action de deux suspects et de façon extrêmement cohérente. Le Capitaine B. a indéniablement du génie. Au terme de ma lecture, je lui dis :
« – Vous pensez qu’ils sont deux. Vous les voyez agir l’un et l’autre à quelques minutes d’intervalle. Je vous cite : Pendant qu’un tel fracture la porte et cambriole, tel autre surveille.
– Oui, c’est trop risqué sinon.
– Je comprends, mon Capitaine.
– Le tout est réalisé en un quart d’heure. Ce sont des experts de la cambriole, des délinquants confirmés. Je dirais qu’ils ont opéré entre 12 H 30 et 12 H 45. Ils savent que Madame W. entre à Midi chez elle et qu’elle n’en ressort qu’à 13 H 15. Ils l’ont pistée, elle aussi, depuis des jours, voire des semaines.
– Je suis tout à fait d’accord, Capitaine. Et que pensez-vous du système de fermeture de la porte d'entrée de cet immeuble résidentiel ?
– Oui. J'ai pensé à cela. Cette porte principale fut ouverte normalement, avec la clé que possèdent tous les résidents. Donc, j'en déduis que l'un des deux suspects a un double.
Le Commandant O. entre à son tour dans mon bureau pour nous dire que les deux dames sont déjà arrivées, avec vingt minutes d’avance. Nous acceptons, le Capitaine B et moi, de les recevoir, moi m’occupant de la déclaration de Madame R. et le Capitaine de celle de Madame S. Tout en saisissant la plainte de la victime, je pose des questions et en viens à l'interroger sur sa dernière relation amoureuse, celle qui l'a amenée à rompre, avant de trouver le bonheur avec son fiancé. J'insiste sur la problématique de la clé, Madame R. me répond alors qu'elle se souvient avoir prêté une journée entière ladite clé de l'entrée à son ancien compagnon, parce qu'elle en possédait le double chez elle. À 10, 30 AM, les deux dépôts de plainte sont faits. Je demande à Madame R. de m’attendre quelques minutes dans le bureau, le temps que j’aille chercher le Capitaine B., la plaignante dont il a la charge et le Commandant O. Nous revenons tous les quatre au terme de cinq minutes. Je fais la synthèse des deux dépôts de plainte. Le montant du butin se monte à 41 000 euros, la bague de fiançailles de Madame R. à 31 000 euros et Le N°5 Parfum Grand Extrait dans sa version 1000 ml, à 10 000 euros, de Madame S. « La quantité est minime ; ils ont exclusivement choisi les objets de luxe », remarque le Commandant O.
10, 45 AM, j’oriente mon deuxième écran d’ordinateur en direction des plaignantes, afin qu’elles puissent lire confortablement, et sous le regard vigilant de mes deux supérieurs hiérarchiques. Je demande :
« Madame R., Madame S., connaissez-vous ces deux hommes ? »
Madame R. identifie immédiatement son ex-compagnon, celui à qui le poème échappa au cours de sa marche précipitée vers la sortie de l’immeuble résidentiel. Madame S. confirme que le visage du faux ami d’enfance est bien celui qui apparaît sur l’écran. Le Commandant O. découvre la liste des antécédents judiciaires de ce dernier et constate : « 15 ans de prison pour trafic de stupéfiants et vol à main armée. »
Notre Cheffe ajoute : « Bien, Messieurs, nous avons maintenant deux adresses. Il est temps. Deux patrouilles. Vous vous rendez sur place, l’un et l’autre. Chacun avec une patrouille. Les deux domiciles sont séparés de 7 km. Je vois : l’ex-compagnon vit dans une villa sur la Côte et le faux ami dans un appartement cossu, boulevard de l’Océan. Mesdames, je vous remercie pour votre participation. J’appelle le Commandant N. du Groupe d’Intervention. Allez-y, Messieurs. »
En 5 minutes, les deux patrouilles sont là, dans la Cour d’Honneur. Trois hommes montent avec moi dans la 508 PSE. Deux hommes, dont le Commandant N., et une femme officier, montent avec le Capitaine B. à bord de la Mustang Shelby 1000.
À 11, 30 AM, j’arrête la 508 à quelques mètres du portail de la villa sur la Côte. Il est ouvert. Nous entrons dans le parc fleuri. La porte d’entrée est ouverte aussi. Ils ne se méfient pas. Je fais signe à mes coéquipiers pour leur indiquer la piscine derrière. Notre groupe se divise de part et d’autre autour des murs de façade. Un tireur d’élite, le Sergent T., s’est posté à 100 mètres face à l’entrée ; L’ex-compagnon de Madame R. prenait le Soleil avec d’autres personnes autour du bassin. Je l’interpelle, on fouille l’intérieur de la belle demeure, quand l’Adjudant-Chef E. me dit : « Lieutenant, j’ai trouvé le poème et la bague. » On entend les gyrophares du Renfort. Nos collègues embarquent les cinq personnes de la villa. Le Capitaine B. m’appelle pour me confirmer la deuxième interpellation dans l’appartement du boulevard de l’Océan. Il conclut :
« Le poème oublié dans la cage d’escalier est, non seulement une preuve d’amour sincère d’un homme envers sa Dame, mais aussi la parole significative de Fortune qui réjouira doublement les victimes. À la faveur des Vertus, Jungle. »
