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montagnes

PUBLICATIONS XXVII

Drame

Quatuor à cordes
Noir et blanc trafic

FILATURE

Drame en trois tableaux

 

I

Cinquième jour du mois d’août. Dans une voiture très puissante. Elle est à l’arrêt, tous feux éteints. Le décor autour est le quartier résidentiel d’une grande ville française. Le silence règne à l’extérieur. Il fait nuit. Une rangée symétrique de réverbères éclaire la rue déserte.

 

A.– Quelle heure est-il ?

B., il a un accent anglais – Deux heures du mat.

C., elle a un accent espagnol – Je confirme.

B. – Ça va faire quatre heures que nous sommes ici.

Silence.

B. (ouvrant une glacière à côté de lui, sur la banquette arrière) – Je mange. Quelqu’un veut un kebab ?

A.– Merci, ça va. Un Coca par contre, avec plaisir.

C.– Oui, je veux bien un kebab, s’il te plaît.

Chacun se restaure. Silence. Après que B a récupéré la cannette, l’emballage papier du kebab et l'essuie-tout que ses deux coéquipiers sis à l’avant de l’automobile lui ont remis, il les dépose avec l'essuie-tout et l’emballage papier de son propre repas dans une poche poubelle qu’il ferme puis range aussitôt à l’intérieur de la glacière.

A.– Qu’est-ce qu’il fout ?

C. – Il dort c’est sûr.

B. – Oui, c’est sûr. Mais alors quel intérêt, je vous le demande.

A.  – Vous le savez aussi bien que nous, Lieutenant.

B.  – Soit. C'était de l'humour.

C. – Mmh ... Dix braquages à son actif de suspect, ce n’est pas négligeable.

Silence de dix minutes, au terme duquel une voix résonne dans l’émetteur-radio de la voiture.

VOIX OFF. – Alors Capitaine ?

A. – Rien, toujours rien, mon Commandant. Il a éteint la lumière. Il n’a pas sorti la voiture du garage, ne s’est pas montré du tout. Nous sommes confiants.

VOIX OFF. – Bien. Patientez.

A. – N’ayez crainte, mon Commandant. Nous veillons.

VOIX OFF. – Bonne continuation donc, bonne veille à vous et votre équipe Capitaine.

 

 

II

Silence. Vingt minutes sont passées durant lesquelles B a fumé une cigarette après avoir légèrement baissé une des deux vitres arrière, quand soudain :

C. (bas) – Messieurs !

A.(bas) – Oui.

B. (bas) – Yes, I see that, ... let's shut up.

Leurs visages sont tournés vers la maison du suspect.

A. – Une ombre …

B. (regardant sa montre) – Bientôt 3 AM.

A. – C’est l’autre.

C. – Le hall s’allume. Ils ne vont pas tarder. C’est bien prévu pour cette nuit. Maintenant on peut en être sûr.

A. – On le sait. Compte-tenu des informations recueillies, … et des probabilités. Je vous le rappelle Lieutenant.

C. – Oui, mon Capitaine.

B. – Trois heures. Look. Regardez … le garage.

A. – Baissez-vous !

Le suspect sort son bolide avec, à son bord, un autre homme.

A. (parlant dans l’émetteur-radio) – Mon Commandant ? … J'ai démarré le M139. Nous les prenons en filature.

VOIX OFF. – Bien reçu Capitaine. Nous les attendons.

Silence de dix minutes. L’équipe suit le véhicule suspect selon les normes de distance de sécurité qu’impose pareil cas.

VOIX OFF. – Nous les avons en vue Capitaine. Relais pris !

A. – Bien Commandant. Reçu cinq sur cinq. Nous assurons le renfort.

Quelques minutes après, on entend retentir des sirènes du plus loin de la ville.

III

Toutes les rues résonnent et s’éclairent, au son des sirènes des Forces de l’Ordre, à la lumière de leurs gyrophares. La voiture banalisée de A, B et C s’arrête à une centaine de mètres du lieu de l’interpellation. Les brigades du Commandant ont en effet formé un barrage conséquent qui empêche les fuyards de faire la moindre manœuvre. A, B et C sont les premiers arrivés, leurs neuf millimètres pointés sur eux. Les deux suspects se rendent enfin, à la suite de quoi le Commandant et plusieurs agents les font monter, menottes aux poignets, dans les voitures de Police. Puis le Commandant va au-devant de A, B et C.

LE COMMANDANT. – Il était temps. Merci Capitaine.

A. – Nous avons fait notre devoir, mon Commandant.

LE COMMANDANT. – Il était temps.

A. – Certes Commandant. C’est un beau travail d’équipe. Je vous présente le Lieutenant C et le Lieutenant B.

LE COMMANDANT. (il salue C et B) – Madame, Monsieur, je vous remercie.

C. – Commandant.

B. – Commandant.

Le Commandant serre les mains de A, C et B.

LE COMMANDANT. – Quelle heure est-il ?

B. – Bientôt 4 AM, mon Commandant, dans dix minutes.

LE COMMANDANT. – Il était temps.

A. – L’heure du décollage, mon Commandant, n’est-ce pas ?

LE COMMANDANT. – Oui, Capitaine. Ils devaient s’envoler à 4 AM comme vous le savez.

A. – Oui mon Commandant. Le pilote du jet et l’hôtesse de l’air sont des membres de notre équipe, comme vous ne l’ignorez pas non plus. Et puis, surtout, nos calculs de probabilité s'avèrent exacts, attendu que notre objectif était de résoudre cette affaire, entre autres, par un résultat de probabilité nulle.

LE COMMANDANT. – Pouvez-vous être plus explicite, Capitaine ?

A. – Oui, mon Commandant. La probabilité que nos deux infiltrés fussent identifiés. Au mieux, que le départ du jet fût reporté en conséquence ; au pire, qu’il fût annulé.

LE COMMANDANT. – J'entends. C’est juste. Je salue le travail et la bravoure de tous les membres de votre équipe, Capitaine, sans qui, je vous l’avoue …

Il incline très rapidement sa tête en signe de reconnaissance sans jamais quitter A, son vis-à-vis, du regard. Silence. Il s’adresse ensuite aux trois officiers, A, B et C.

LE COMMANDANT. – Vous pouvez disposer officiers. Madame, Messieurs. Bon boulot. Vous avez su prendre la mesure du temps pour le bien de notre économie et des foyers, outre les présumés coupables. Dans deux heures, l’aube trônera au-dessus de notre cité. Oserai-je vous souhaiter une bonne nuit ? Non. Mais simplement, ici, vous dire ma gratitude par un : « Reposez-vous un peu, à demain, l’affaire est maintenant sous les ordres du Parquet. »

FIN

                                           Jean-Michel TARTAYRE

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