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montagnes

PUBLICATIONS XXII

Poème

QUELQUE JARDIN DE BORD DE MER

 

I

Les plantes vertes, le lilas et les roses

Dialoguent, dirait-on, mais je ne sais rien

De leur langage. – Sont-ce vers ou bien proses 

Sur le jardin, sur la pluie qui fait du bien ? –

Je ne sais, ni ce qu’elles pensent des choses,

Ni le secret cristallisant, très ancien,

Autour des chromatismes bleus, verts ou roses

Que chacune arbore en signe olympien.

Il pleut et je les vois depuis ma fenêtre

Converser avec des couleurs chatoyantes,

Auxquelles ajoute l’eau venue du ciel.

Il pleut et je sais apprécier sans paraître

L’originalité du propos des plantes,

Des fleurs. – N’en sachant rien, si ce n’est le miel.

 

 

II

Dans le jardin, j’entends la pluie tomber drue,

Toute en rythmes multiples et variations

Lentes, dès lors mainte parole perçue

S’y accorde en d’étranges intonations.

Ainsi s’expriment plante et fleur à la nue

Comme bénissant ses précipitations

Mais j’en ignore le propos sauf la vue

D’une brume au comble des colorations.

Sont-ce voix dont la réalité m’échappe

Ou bien d’un autre règne la discussion ?

Quoi qu’il en soit du jardin naît le Poème.

Des rythmes de la pluie qui aux carreaux tape,

Ma fenêtre close offre la pulsation –

Attendu que la pluie fixe chaque sème.

 

III

Ce sont arômes d’essences idéales

Que les combinaisons des grands parfumeurs

Vont résoudre en des affaires commerciales

Sans intérêt autre que nos bonnes mœurs,

Satisfaisant aux rencontres dans les salles

Grandes et splendides où sont les rhéteurs

Qui à la tribune et en perruques pâles

Parlent, – ou bien aux gens appréciant les fleurs.

De ma fenêtre avec vue sur le jardin

Pluvieux, j’observe un dialogue singulier,

Le même que tel bouquet sur ma table offre ;

Des doux parfums, de fait, ce dialogue est plein

Et je le transcris grâce au vers régulier

En une évocation tenant lieu de coffre.

 

IV

Souvent je goûte aux saveurs instantanées,

Tant mon jardin est riche de sains produits

Durant la belle saison où les feuillées

Luxuriantes ploient sous le faix de leurs fruits.

Je les cueille comme toutes les années

Se cueillent, conscient de tels trésors construits

Grâce, entre autres, aux pluies qui seront tombées

Et dont ce jour j’entends des gouttes les bruits.

Leurs rythmes produisent des airs mélodieux

Qui servent l’inspiration et le plaisir

De goûter à la floraison du Poème, –

Soit ce poème sur le jardin pluvieux

Dans lequel n’entrera nul mauvais désir

Mais le désir d’y cultiver maint lexème.

 

V

L’air que je sens est somme toute agréable,

C’est l’air du jardin dont j’observe les faits,

Faits de nature, simples, d’un lieu notable

Au vu de sa joliesse, toute de bienfaits.

Un spectacle hors du temps propice à la fable,

À la rêverie autour de beaux portraits

Personnifiant l’oiseau, la branche d’érable

Sur laquelle il se tient, chante des airs gais.

Curieux de cette magie de chaque instant

Que notre jardin côtier suggère en notes

Azurées venues du large, je m’y rends

Avec quelques mots qui me gardent distant,

Car je n’écris qu’en spectateur de ses hôtes, –

Quelque jardin, protégé par les arpents.

      

                             Jean-Michel TARTAYRE

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