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Chroniques - cinéma

Je ne me mets jamais dans une situation où je n'ai pas de liberté créative.

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                                                         Sofia Coppola

Dès qu'on parle une langue étrangère, les expressions du visage, des mains, le langage du corps changent. On est déjà quelqu'un d'autre.

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                                                           Isabelle Adjani

I had chosen to use my work as a reflection of my values.

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                                                                            Sidney Poitier

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Charlie Chaplin and Walt Disney. A Facebook doc.

Sculpture moderne 3D
Rose rose
Piano B & W

L’Art de Maître Ip Man

Le 04 août 2020

Ip Man 4: The Finale [Blu-Ray] [Region Free] (Sous-titres français)

Donnie Yen (Acteur), Scott Adkins (Acteur), Wilson Yip (Réalisateur)

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Détails sur le produit

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Dans la cité de San Francisco, en 1964, Maître Ip Man enseigne la boxe chinoise. Il est reconnu par l’ensemble des pratiquants comme un grand spécialiste. Son fils insiste pour qu’il lui apprenne à devenir comme lui, un spécialiste des arts martiaux, mais Ip Man préfère qu’il poursuive ses études, en lui faisant entendre qu’il l’instruira sur ce plan en période opportune.

 

De nombreux combats sont organisés à cette époque des années 1960, des démonstrations, des tournois. L’un des élèves de Sifu Ip Man, néanmoins, va interpeler tous les experts des arts martiaux lors d’une démonstration télévisée. Cet élève, en outre, écrit des livres qui sont publiés. Des ouvrages autour des techniques diverses du Kung-Fu ; et cela déplaît en hauts lieux au sein de la Fédération chinoise : « Bruce Lee écrit des livres ». Le propos est formulé sur le ton de la sentence et à l’adresse de Sifu Ip Man que les responsables ont convoqué instamment. Mais Sifu Ip Man n’est pas inquiet face à son aréopage. Il se montre rassurant.

 

Doté de qualités exceptionnelles sur le plan de la sérénité et de la maîtrise des techniques de combat, son sang-froid est craint. Il le prouve et l’a prouvé en mainte occasion dans son école mais également lors des divers tournois auxquels il participa et participe.

 

Un nouveau tournoi s’annonce. Ce sera son dernier combat, avant qu’il ne prenne la retraite. L’homme auquel il va se voir confronté en l’occurrence n’est autre que l’instructeur en chef des Marines, dont la puissance de frappe, l’agilité et la vélocité demeurent à la mesure de Sifu Ip Man. L’objectif principal de la participation de ce dernier étant de promouvoir les vertus de la boxe chinoise auprès de l’armée américaine.

 

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Bande-Annonce de IP MAN 4, VF (2020). Un document YouTube.

Gladiateurs (titre original : Colosseum : A Gladiator's Story)
Un téléfilm britannique de docu-fiction historique réalisé par Tilman Remme, produit par la BBC en association avec France 2 (2004)

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Gladiateurs est un document audio-visuel qui constitue un bon support pédagogique dans le cadre de l'enseignement des langues et cultures de l'Antiquité. Il s'agit d'une adaptation d'un récit historique du poète et écrivain latin Martial qui relate la vie de deux gladiateurs, Priscus et Verus.

Faits prisonniers lors des conquêtes des Légions romaines sur les armées des Balkans, les deux hommes sont réduits à l'esclavage et employés dans «Le Trou », une carrière de marbre vraisemblablement, qui doit servir à la construction du nouvel amphithéâtre flavien, au centre de Rome. Le contexte politique est celui du règne de l'empereur Vespasien.

Priscus et Verus cassent des cailloux à longueur de journée, jusqu'au jour où un lanista, chargé de recruter des hommes jeunes et forts pour les former dans la ludus au métier de gladiateur, vient visiter le lieu de leurs travaux forcés. Priscus et Verus vont démontrer au cours d'une lutte provoquée par Verus qu'ils sont dignes d'un tel recrutement et vont être engagés.

Le récit montre avec réalisme l'administration d'une ludus romaine et le quotidien des gladiateurs au sein de l'école, le terme latin ludus se définissant par l'acception de « jeu » d'abord, littéralement, mais aussi d'« école d'art du combat »

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On note la grande fraternité qui existe entre les gladiateurs et fonde l'éthique de leur formation. Martial met l'accent sur le stoïcisme et la grave question de l'honneur régissant le comportement de ces guerriers hors du commun, tenus de donner leur vie ou de la faire perdre à l'adversaire en un seul combat.

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La particularité que donne à voir le texte de Martial, d'après ce film réalisé par Tilman Remme et coproduit par la BBC et France 2, est que les deux hommes vont se voir décerner le glaive de bois au terme du combat final dans lequel ils s'opposent et que l'arbitre va déclarer ex-aequo, ce lors de l'inauguration du nouvel amphithéâtre flavien, appelé Colisée, sous les yeux de l'empereur Titus, en 80 après Jésus Christ. Ce glaive de bois est de fait l'objet de leur affranchissement. Priscus et Verus vont dès lors obtenir le statut de citoyens de Rome.

D'un point de vue technique, la réalisation met en valeur la langue, étant donné que les actrices et acteurs s'expriment en latin ; les commentaires dits par le phénomène de la voix-off sont en français et demeurent fidèles, dans la traduction et l'interprétation, au texte de Martial, dont la narration est souvent assortie d'hypotyposes, décrivant l'histoire et l'action de façon très circonstanciée comme par exemple dans ce passage du Chapitre XXIX. - SUR LES GLADIATEURS PRISCUS ET VÉRUS, extrait de son oeuvre PETIT LIVRE SUR LES SPECTACLES : « Ce combat sans issue eut cependant un terme. Les deux champions luttaient avec un succès égal, et la victoire était balancée entre eux. César envoya à l'un et à l'autre la baguette de congé et la palme de la victoire. C'était la juste récompense de leur adresse et de leur valeur. Jamais, excepté sous ton règne, César, on n'avait vu deux combattants être tous deux vainqueurs. »

Le tournage par ailleurs se compose de longues séquences qui rendent sensibles au spectateur la réalité historique des esclaves et du gouvernement de la cité sous le règne de Vespasien et de son fils Titus, enfin du quotidien et des moeurs d'un gladiateur.

  • Studio : France Télévisions

  • Date de sortie du DVD : 14 avril 2004

  • Durée : 75 minutes

La Rafle
Un film de Roselyne Bosch (2010)

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Avec Jean Réno, Gad Elmaleh, Mélanie Laurent, Raphaëlle Agogué, Sylvie Testud, Catherine Allégret.

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À Paris, le 6 juin 1942, dans le quartier de la Butte Montmartre, les heures de cours dans les écoles débutent par le chant de « Maréchal, nous voilà ! » Joseph, onze ans, et ses camarades d'origine juive, s'y rendent tous les jours avec une étoile jaune cousue sur leur veston. À Vichy, en zone libre, on rapporte au maréchal Pétain que cent mille Juifs étrangers résident en France, au regard desquels l'Allemagne hitlérienne commande de prendre des mesures radicales. Ainsi, au siège de la Gestapo parisien, avenue Foch, on parle d'ores et déjà d'internement et de l'ouverture d'un « fichier juif ». Les journées passent, de fait, au rythme des accès de phobie du Führer qui paraît même parfois donner des signes de fatigue à force de hurler sa haine dans le micro de la radio officielle du régime nazi depuis sa résidence de Berghof, en Bavière. La situation évolue à ce titre vers l'interdiction faite aux Juifs de fréquenter les établissements ouverts au public, jusqu'à ce matin du 16 juillet 1942 où les services de police, de gendarmerie et de la milice françaises commettent la rafle de près de dix neuf mille innocents, « dont les trois quarts sont des femmes, des enfants et des personnes âgées », qu'ils expédient dans le Vélodrome d'Hiver, autrement nommé le Vel d'Hiv, dans des conditions absolument indignes (« Seulement quatre suicides, M. Le Secrétaire Général, et pas d'échauffourées. »)

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Roselyne Bosch réalise avec La Rafle un chef-d'œuvre cinématographique qui porte témoignage de l'un des épisodes les plus sombres et les plus inhumains de l'histoire du XXe siècle. La fiction est assimilable à un documentaire tant la qualité de l'interprétation est grande. L'ensemble des séquences se fonde sur un parallèle entre les manœuvres des bourreaux et le quotidien des victimes dans le cadre d'un processus dont la logique d'épuration raciale semble atteindre son apogée de violence et de folie dans la scène de départ du dernier convoi qui doit mener les enfants en Pologne. Pour autant, la violence demeure extrêmement sensible tout du long, dans les images mais aussi dans les dialogues qui rendent la mort d'autant plus prégnante par le fait qu'elle demeure considérée tantôt avec l'humour de l'enfance (« C'est où là-bas ? [...] C'est même pas un vrai train... »), tantôt sous l'angle de la bêtise d'un pouvoir insensé et assassin (« C'est une mesure de salubrité publique qui vient d'être prise. »)

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Ci-contre, la Bande-annonce du film. Un document Gaumont et YouTube.

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Crédits photo :

gaumont.fr,

ladepeche.fr,

cinestarsnews.com

C-dessous le Making-off du film. Un document YouTube

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Léon Morin, Prêtre
Film de Jean-Pierre Meville (1961)

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Avec Jean-Paul Belmondo, Emmanuelle Riva, Irène Tunc, Nicole Mirel.

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Barny évoque ses souvenirs, les situant en majeure part dans le contexte de la seconde guerre mondiale, au moment où le petit village de province qu'elle habitait alors était occupé par des détachements des armées italienne et allemande. Vivant seule avec sa fille depuis le décès de son mari au front, elle confie pour autant que « le poids de cette occupation » lui paraissait « léger ». Employée dans une école de cours par correspondance comme correctrice des devoirs de français, elle ne se cache pas l'attachement et la vive émotion qu'elle éprouvait pour sa supérieure, Sabine Lévy, lorsqu'elle dit : « Je pensais que le commandement devait appartenir aux êtres beaux [...] Quand elle se penche sur mon travail, je me sens à l'ombre d'un palmier. » Les affaires quotidiennes de la jeune femme semblaient ainsi se dérouler sans plus de gravité jusqu'au jour où les lois antisémites commencèrent à être proclamées et appliquées dans toute la région. Dès lors, Barny s'engagea immédiatement, avec l'aide de plusieurs collègues de travail et de résistants, à dissimuler l'identité des enfants juifs du village en les faisant baptiser. À l'issue de cette expérience chrétienne, Barny, qui était une athée convaincue, partageant l'idéal communiste, décida de revenir dans l'église, l'église Saint Bernard en l'occurrence, afin d'éprouver dialectiquement la foi du prêtre. Face à l'alternative affichée sur la porte de la sacristie, sous la forme d'étiquettes, qui l'amenait à hésiter entre deux noms, ceux des abbés Philippe De Manoir et Léon Morin, elle choisit le second et attendit sa venue dans le confessionnal fixée à 17 h 30. À l'heure dite, le prêtre Léon Morin gagna sa place. Barny lui avoua ne pas croire en Dieu, citant dès l'abord ces paroles de Karl Marx : « La religion, c'est l'opium du peuple. » L'ecclésiastique écoutait attentivement et peu à peu parvint à établir avec elle une discussion, au terme de laquelle elle allait consentir, avant de quitter les lieux, à « s'agenouiller et prier sur les dalles »...

Cette réalisation de Jean-Pierre Melville, adaptée du roman de Béatrice Beck, a pour thème dominant la rencontre singulière entre un jeune prêtre et une jeune communiste non-croyante, qui évolue progressivement vers une relation de complicité. À cet égard, la question que soulève un tel sujet pourrait être : dans quelles proportions l'esthétique, et surtout l'attirance, du corps sert-elle très étroitement la parole charismatique au point de transformer le personnage de Barny d'athée en convertie ? De fait, le film donne à voir comment l'amour physique et sensuel qu'éprouve cette dernière à l'égard de Léon Morin se transmue chez lui en ferveur religieuse toujours plus affirmée et conséquemment, chez elle, en une véritable conversion. Melville, ce faisant, accorde la primauté à la parole et se focalise sur la sobriété des liens qui se tissent entre ces deux êtres, la pudeur des sentiments, conférant en outre au dialogue sa part d'humour dans des reparties inattendues du prêtre, telles que : « Ne plus discuter de l'hypostase avec vous, ça me manquerait... », ce au moment où Barny lui déclare sa flamme. Jean-Paul Belmondo et Emmanuèle Riva réalisent du reste une performance exceptionnelle qui donne à l'intrigue la part d'authenticité indispensable à un tel projet de mise en scène, celui du quotidien d'alors, entre un homme et une femme que tout oppose a priori mais que le patient « travail de la grâce », conjugué à la séduction amoureuse, va à terme transcender.

Ascenseur pour l'échafaud
Un film de Louis Malle (1958)

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Florence Carala, épouse du célèbre industriel Simon Carala, s'entretient, dans le cadre d'une conversation téléphonique, avec Julien Tavernier. Ils sont amants et ont formé le projet d'assassiner ledit Simon Carala. Dans une demi-heure Florence signifie à Julien qu'elle l'attendra sur la terrasse du Royal Camée, un café parisien situé Boulevard Haussmann. Julien est de fait le collaborateur de son mari et travaille dans le même immeuble que ce dernier au sein du Consortium Carala, une importante société d'armement. L'appel terminé, Tavernier quitte son bureau et se rend auprès de Geneviève, la secrétaire, pour lui demander qu'elle ne le dérange « sous aucun prétexte ». Une fois rentré, il ouvre le tiroir d'un meuble où sont classés plusieurs dossiers, y saisit une paire de gants, un revolver et un grappin, et sort du bureau par la fenêtre. Dès lors, il parvient à monter à l'étage supérieur en gravissant la façade, s'introduit dans les locaux de la direction pour se retrouver à terme face à Simon Carala. En quelques minutes, Tavernier sort son revolver, une arme qui en réalité appartient à son patron (« Qui vous a donné mon revolver ? Qui ? ») et tue celui-ci. Son intention est de faire croire à un suicide. Aussi, élimine-t-il tous les indices susceptibles de l'accuser pour enfin sortir de l'immeuble sans avoir été remarqué, ni par Geneviève, ni par Maurice, le gardien.

Il est dix-neuf heures trente ce samedi quand il regagne son véhicule dans l'idée d'avoir accompli le crime parfait et de pouvoir profiter du week-end avec sa complice. Mais au moment de démarrer, il s'aperçoit que la corde du grappin est demeurée suspendue. Il revient aussitôt sur ses pas, entre dans l'immeuble et prend l'ascenseur. Cependant, au bout de quelques minutes à peine, Maurice, qui ne l'a pas vu, coupe l'électricité. L'ascension est subitement interrompue. Tavernier se retrouve bloqué dans la cabine entre deux étages ; une situation pour le moins inconfortable d'autant plus qu'entre-temps, Louis, qui fréquente Véronique, une jeune fleuriste du quartier, et trouvant le véhicule de Tavernier, dont le moteur est en train de tourner, très à son goût, monte à bord impunément et propose à cette dernière d'aller faire un tour. Non loin de là, sur la terrasse du Royal Camée, Florence Carala commence à s'impatienter de la venue de Julien, quand elle aperçoit soudain la voiture de celui-ci passer sans s'arrêter avec deux personnes à son bord. Imaginant alors que son amant est parti avec la jeune fleuriste, qu'elle eut par ailleurs le temps d'identifier, Florence commence à errer seule dans les rues en monologuant (« Julien est un lâche. Il n'ose pas être heureux... »)



Cette réalisation de Louis Malle, du reste, se fonde sur une intrigue mettant en exergue l'art du contrepoint. En effet, à l'action principale qui consiste dans le meurtre fomenté par les deux amants, demeure superposé le motif secondaire de l'assassinat d'un couple d'Allemands commis par Louis, jeune délinquant qui usurpe l'identité de Julien Tavernier. Progressivement, néanmoins, l'imbroglio dans lequel semble pris ce dernier se dénoue par le fait de l'ouverture d'une enquête criminelle mise en œuvre par le commissaire Cherrier, laquelle apporte un éclairage sur les tenants et les aboutissants de la culpabilité de chacun. La musique originale de Miles Davis, à cet égard, corrobore le savant usage de la nuance qui caractérise l'interprétation et la mise en scène. Enfin, Jeanne Moreau, Maurice Ronet et Lino Ventura confèrent aux dialogues de Roger Nimier et au caractère des personnages inventés par Noël Calef un style sans égal qui situe cette adaptation au rang des chefs-d'oeuvre du cinéma français, une adaptation qui, selon la psychanalyste Anne Béraud, préfigure le style de La Nouvelle Vague : « Avec "Ascenseur pour l'échafaud", écrit-elle en effet, ce qui était au départ un film policier devient une rêverie très personnelle, qui anticipe sur le style et la désinvolture de ton de La Nouvelle Vague. »

Le Samouraï
Un film de Jean-Pierre Melville (1967), avec Alain Delon, François Périer, Caty Rosier

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Un homme étendu sur un lit fume dans la paix d'un appartement baigné de la rare lumière de fin de journée. Il est six heures du soir ce samedi 4 avril. Quelques minutes se passent comme ça, dans la pénombre crépusculaire, avant qu'il ne se décide à sortir. Il revêt un long manteau de couleur beige et un chapeau. Au pied de l'immeuble qu'il vient de quitter, une DS est garée. Son propriétaire n'a pas fermé les portières à clef, sans doute dans l'intention de faire là un arrêt temporaire. L'homme, profitant de l'occasion, s'installe confortablement dans le véhicule et dépose un trousseau de passe-partout à sa droite, sur le siège du passager avant. Au terme de plusieurs essais et d'autant de clefs vainement utilisées, il parvient à démarrer la DS. L'opération fut réalisée avec un parfait sang-froid. Puis il se dirige chez un receleur qui change les plaques d'immatriculation et lui fournit, non sans réticence, un pistolet, ce en contrepartie d'une somme d'argent. Plus tard, l'homme se trouve sur le seuil d'un nouvel appartement, au sein d'une résidence cossue. Il frappe à la porte. Une jeune femme lui ouvre en prononçant son prénom sous la forme d'une interrogation : « Jef ? » Ils s'installent tous deux sur le lit. L'homme paraît pressé. Il est toujours revêtu de son manteau et de son chapeau. Il dit à la jeune femme que ce même soir il est resté chez elle de 19 h 15 à 2 h du matin mais celle-ci lui confie que l'homme qui l'entretient doit arriver justement vers deux heures du matin.

Pour autant, elle lui confirme qu'elle sera son alibi. Il s'en va dès lors pour rejoindre un groupe de joueurs de poker dans une maison de jeu située au centre de Paris. Il annonce à ces derniers qu'il sera de retour à deux heures du matin et reprend la route à destination d'une boîte de nuit tenue par un certain Martey. Il traverse les lieux et se rend avec une remarquable discrétion dans le bureau du directeur, qu'il tue de deux coups de pistolet. Au sortir du bureau, il se trouve nez à nez avec la chanteuse de bar mais passe son chemin, comme si de rien n'était. Vers deux heures du matin, après qu'il s'est débarrassé de sa paire de gants blancs et de son arme en les jetant dans la Seine et est revenu chez la jeune femme pour feindre devant témoin, l'homme qui entretient cette dernière en l'occurrence et qu'il croise, d'y avoir passé une partie de la nuit, on le retrouve dans la maison de jeu prendre en cours la partie de poker parmi la même assemblée de joueurs que celle qu'il a quittée quelque temps auparavant. Une enquête criminelle est néanmoins ouverte depuis que le corps sans vie de Martey a été découvert gisant dans son bureau...

Au demeurant, la réalisation du Samouraï paraît se fonder sur un travail d'épurement tant dans le domaine du dialogue et du comportement des personnages que dans celui du décor. Jean-Pierre Melville, à cet égard, semble s'être concentré sur la représentation de l'acte sans détours, dans un cadre spatio-temporel aussi froid et efficace que la nature des sentiments exprimés. Le lieu, le temps et l'action sont à l'image du protagoniste principal, Jef Costello, outils d'un langage réduit à sa plus simple expression, que corrobore l'épigraphe : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n'est celle du tigre dans la jungle... peut-être... », une citation extraite du Bushido, Le Livre des Samouraï, et qui ouvre dès l'abord la voie à un chef-d'oeuvre d'interprétation et de technique cinématographique. Alain Delon, François Périer, Caty Rosier et Nathalie Delon y sont d'un naturel virtuose.

Un flic
Un film de Jean-Pierre Melville (1972), avec Alain Delon Michael Conrad et Richard Crenna

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Par une fin d'après-midi de tempête, une conduite intérieure américaine avance lentement dans les rues désertes de Saint-Jean-de-Monts pour finir par s'arrêter devant une agence de la Banque Nationale de Paris. Trois hommes en sortent, après quoi le chauffeur redémarre et va se garer quelques mètres plus loin, prêt à toute éventualité. Ses complices sont entrés dans la banque et paraissent dès lors attendre la fermeture avec quelque impatience, masquent enfin leur visage, sortent des armes de gros calibre, quand un membre du groupe s'adresse soudainement au personnel et aux rares clients encore présents en ces termes : « C'est un hold-up ! Personne ne bouge ! » Durant le transfert de l'argent des coffres dans des sacs prévus à cet effet, un guichetier parvient cependant à échapper à la vigilance des malfaiteurs, déclenche l'alarme puis tire sur l'un d'eux, au moment où ils s'apprêtaient à fuir avec le butin. Les trois hommes réussissent pour autant à monter à bord de la voiture et quittent le quartier désert sans être plus inquiétés. Ils arrivent ainsi à la gare de Saint-Jean-de-Monts ; malgré les difficultés que le blessé éprouve à se tenir debout, les trois acteurs du braquage se présentent au guichet et demandent « trois premières pour Paris », pendant que le chauffeur opère le choix de changer de voiture. De fait, il s'agit d'une manoeuvre de diversion, car aussitôt après avoir pris leur réservation, ils regagnent le nouveau véhicule, modèle Mercedes, et partent à destination de Paris.

Quelques kilomètres plus loin, la Mercedes stoppe dans un champ qui borde la route nationale. Les quatre individus décident d'y enterrer l'argent volé. Des heures après ce forfait, la nuit est déjà tombée sur la capitale française. Le commissaire Edouard Coleman paraît pris par diverses enquêtes de routine et se tient entre autres informé à propos d'une mystérieuse affaire de drogue auprès d'un travesti qui lui sert d'indicateur. Aussi apprend-il que « la marchandise » sera remise à un certain Mathieu la valise, à Bordeaux plus précisément, dans le train de nuit Paris-Bayonne. Le lendemain matin, la une des quotidiens titre : « Hold-up sanglant à St-Jean-de-Monts ». Très tôt, Coleman est amené à établir une correspondance de faits entre l'attaque à main armée de la B.N.P. et l'affaire du Paris-Bayonne...

Un flic est du reste une oeuvre cinématographique dans laquelle Jean-Pierre Melville semble s'être appliqué à construire le personnage du commissaire Coleman, magistralement interprété par Alain Delon, avec le souci d'un réalisme mettant en exergue le caractère intraitable et extrêmement rigoureux du type d'enquêteur investi de l'autorité judiciaire. Melville, à cet égard, confère à sa réalisation tous les attributs de son personnage éponyme, qui sont autant de qualités touchant à l'esthétique de l'épurement, à la visée didactique de l'intrigue et à l'esprit méthodique qui découvre notamment en chacun des personnages la volonté d'asseoir sa démarche sur un objet très clairement défini et posé a priori : la survivance au mépris de la légalité, dans un cas, ou bien le respect du devoir impérieux de justice lorsque la situation l'exige, dans un autre. Jacques Morice, chroniqueur littéraire au magazine Télérama, souligne très justement à ce propos que : « Ce qui est affiné et exacerbé, ce sont les codes du polar, ses gestes, ses mythes. Ce qui subsiste après la mort. La liturgie est languide [...] On glisse dans un monde désaffecté, peu loquace mais très sonore. Tout se passe comme si Delon (beau comme un saint), Deneuve et les autres, statufiés dans leur mutisme, adressaient au spectateur les derniers signes d'une vie possible à l'écran. »

L'Inconnu du nord-express (titre original : Strangers on a Train
Un film d'Alfred Hitchcock (1951)

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Dans le compartiment d'un train à destination de New York, une rencontre insolite a lieu entre Guy Haines, célèbre joueur de tennis américain, et Bruno Anthony qui lui déclare être l'un de ses fidèles admirateurs. À l'issue de cette brève présentation, Anthony confie au sportif qu'il se tient informé de sa vie privée par le biais de la presse quotidienne et lui en donne la preuve lorsqu'il lui dit qu'il sait que Haines est en instance de divorce avec sa femme et qu'il entretient même une relation extraconjugale.

 

Face à la réaction d'étonnement de ce dernier, Anthony n'exprime au contraire aucune émotion et poursuit son discours impassiblement, allant jusqu'à lui faire part du sentiment de haine qu'il éprouve à l'encontre de son propre père. La conversation progresse ainsi vers la formulation d'un contrat verbal entre les deux voyageurs, à l'initiative d'Anthony qui s'engage à tuer l'épouse de Haines, en échange de quoi celui-ci devra de son côté faire de même à l'égard de la personne de son père.

 

En gare d'arrivée, les deux hommes se quittent mais Haines estime ces propos sans conséquences, croyant davantage à l'élucubration d'un déséquilibré. Pour autant, quelques heures plus tard, il devra apprendre avec stupeur que sa femme a été assassinée, morte par étranglement...

Du reste, cette réalisation d'Alfred Hitchcock, adaptée du roman de Patricia Highsmith, met en place dès l'abord, dès cette première scène de rencontre, une mécanique infaillible soutenue par le jeu du personnage de Bruno Anthony, qui instaure un climat d'irréversibilité dans le cheminement vers le meurtre. Ainsi, la tension dramatique demeure très sensible par le fait de l'existence d'un faux contrat que le principal instigateur s'évertue à accomplir et à faire accomplir jusqu'au bout, quitte même à éliminer le second contractant quand ce dernier décide de faire appel à la police, l'ensemble enrôlant le spectateur dans une suite de séquences qui ont la particularité de ménager l'effet de suspense tout du long.

Le Jeu de la mort (titre original : Game of Death
Un film de Robert Clouse (1972)

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Dans un studio de cinéma de Hong Kong, l'équipe de tournage de La Fureur du Dragon est à l'œuvre pour parfaire l'une des dernières scènes de combat entre Tang Lung et Colt, deux personnages incarnés respectivement par deux grandes stars internationales que sont Billy Lo et Chuck Norris. La scène en question est celle qui a lieu dans l'amphithéâtre antique de Rome. Mais, au terme de la représentation, un projecteur se détache soudain et manque de peu de s'abattre sur l'acteur chinois. Quand ce dernier a regagné sa loge, Steiner vient lui rendre visite et tient des propos menaçants à son encontre, qui laissent entendre que « le syndicat », dont il est un des principaux représentants, n'hésitera pas à multiplier ce type d'incidents si celui-ci persiste à refuser son offre d'engagement et de totale prise en charge de ses intérêts personnels. Billy Lo lui fait dès lors comprendre qu'il est déterminé à se battre pour défendre ses droits et préserver son intégrité. Peu après, l'acteur part rejoindre Ann Morris, sa compagne, chanteuse professionnelle, qui termine l'enregistrement de son dernier album, tandis que Steiner de son côté se présente dans le bureau du plus haut responsable de l'organisation, le Docteur Land, pour lui faire part de l'échec subi dans sa tentative d'intimidation de Lo (« Docteur, je crois qu'il faudrait le secouer un peu. ») Aussi, lorsqu'ils quittent le studio d'enregistrements, l'acteur et sa compagne sont-ils suivis par les hommes de main du Docteur Land, avec Steiner à leur tête...

Le Jeu de la mort, réalisé par Robert Clouse, est la dernière oeuvre cinématographique où apparaît Bruce Lee. L'acteur, décédé pendant le tournage, n'a en effet joué que quelques scènes, en l'occurrence celle qui représente le combat entre Billy Lo et un expert du nunchaku, interprété par Dan Inosanto, puis celle qui l'oppose au maître d'Hapkido Jin Han Jae et enfin celle où il affronte « le géant », incarné par Kareem Abdul-Jabbar, un célèbre joueur de basket-ball de NBA. Somme toute, la qualité de l'interprétation et de la chorégraphie en particulier, élève cette production de Raymond Chow au rang des chefs-d'oeuvre du genre.

Opération dragon (titre original : Enter the Dragon
Un film de Robert Clouse (1973)

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Lee est un expert en arts martiaux, formé et éduqué dans un temple de Shaolins. À l'issue d'un entretien à visée didactique avec son maître (« L'ennemi n'est qu'une image, une illusion derrière laquelle se cachent ses vrais motifs. Détruis l'image et il s'effondrera... »), ce dernier lui confie qu'un certain Han a perverti l'enseignement reçu au sein du temple en se hissant à la tête d'un réseau de prostitution de luxe et de commerce d'opium. À l'heure du thé, Mr. Braithwaite, un responsable des services secrets américains, vient corroborer les dires du maître du temple et propose à Lee une nouvelle rencontre dans une succursale de Hong Kong. Le moment venu, Mr. Braithwaite livre des informations plus précises à son collaborateur concernant le cas de Han, documents visuels à l'appui. Ainsi, Lee apprend que celui-ci est propriétaire d'une île au large de Hong Kong où il a par ailleurs fondé « une école spéciale d'arts martiaux ». Braithwaite ajoute que de nombreuses jeunes femmes disparaissent régulièrement sur l'île. Le corps de Mary King, par exemple, fut retrouvé sans vie flottant près du rivage. Après quoi, l'autopsie révéla des traces de piqûres de seringues sur les bras dont les enquêteurs déduisirent qu'elle avait été droguée avant d'être jetée à l'eau. Somme toute, Lee se voit confié la mission d'infiltrer le réseau de Han sous couvert de sa participation au tournoi international d'arts martiaux que ce dernier organise dans l'île et d'y prendre contact avec un agent féminin, Mei Ling, si cela demeure encore possible, car Braithwaite avoue à son invité que depuis quelque temps celle-ci ne fournit plus aucune information...

Cette oeuvre cinématographique réalisée par Robert Clouse, du reste, est conçue selon une trame mettant en valeur la tension dramatique qui oppose la mécanique judiciaire à celle de la corruption, le pragmatisme du personnage de Lee dans sa quête de justice à la malignité de celui de Han, qui n'a de cesse de vouloir conserver ses prérogatives illicites. Enfin, Bruce Lee, outre les performances de Bob Wall, Jim Kelly, John Saxon, ou encore Shih Kien, se distingue avec brio tant par sa maîtrise des techniques de combat que par son interprétation du scénario de Michael Allin.

Adieu poulet
Un film de Pierre Granier-Deferre (1975), avec Lino Ventura et Patrick Dewaere

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L'action se déroule à Rouen. Nuitamment, une Renault 4 L blanche se gare à proximité d'un terrain vague délimité par une bordure en bois où demeurent placardées plusieurs affiches politiques dans la perspective des prochaines élections qui doivent avoir lieu dans la ville. Un petit groupe de colleurs d'affiches descend du véhicule pour faire la propagande de son parti. Presque au même moment, le commissaire principal Verjeat, accompagné de l'inspecteur Lefèvre et d'un troisième collaborateur, se rend dans une maison close afin de constater la mort d'un client. Marthe, la taulière, déclare que le décès est survenu au cours de l'acte sexuel puis, sous la pression grandissante de l'interrogatoire, affirme avoir un réseau de relations que composent de nombreuses personnalités haut placées dans le milieu politique local. Verjeat réagit en homme intègre, au caractère bien trempé, et n'entend pas se laisser impressionner (« Elle a peut-être des relations cette dame mais j'en ai rien à foutre ! ») Après quoi, les trois policiers sont appelés d'urgence sur le lieu de la propagande où l'un des colleurs d'affiche fut lynché puis tué par des hommes de main du candidat Pierre Lardatte. Mais au cours de l'intervention, le collaborateur de Verjeat est mortellement touché. On lui a tiré dessus. Le suspect, qui est parvenu à s'enfuir à bord d'une Mercedes avec deux complices fut pour autant reconnu. Il s'agit d'Antoine Portor.

Verjeat et Lefèvre entreprennent dès lors d'enquêter auprès de Lardatte mais se heurtent très vite à leur supérieur hiérarchique, Ledoux, directeur de la brigade criminelle de Rouen qui, corrompu lui-même, n'entend pas que l'on confonde le monde des hommes politiques avec celui des gangsters. En conséquence de quoi, ce dernier annonce au commissaire qu'il est nommé contrôleur général à Montpellier et que sa promotion forcée prendra effet dès la semaine suivante...

Somme toute, cette réalisation de Pierre Granier-Deferre propose une trame policière qui met en exergue un type d'enquêteur dont l'audace s'avère être un motif de crainte pour les notables sur les affaires desquels s'appliquent ses investigations. Le thème dominant en est la corruption qui affecte le pouvoir, que celui-ci soit d'ordre politique ou judiciaire, et il donne à voir du commissaire Verjeat un personnage qui paie le prix de son intégrité par la contrainte de l'éloignement. Enfin, la qualité de l'interprétation, qui se fonde entre autres sur les talents exceptionnels de Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux, Julien Guiomar et Pierre Tornade, ajoute à la visée didactique de cette adaptation du roman de Raf Vallet une authenticité et un réalisme dignes des grands classiques du genre.

Le Cercle rouge
Film de Jean-Pierre Melville (1970)

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Avec Alain Delon, André Bourvil, Gian Maria Volonte, Yves Montand et François Périer

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Le commissaire Mattei et son équipe d'enquêteurs viennent d'appréhender Vogel à Marseille et c'est les menottes aux poignets, sous la garde et l'extrême vigilance du commissaire, que ce dernier prend le train à destination de Paris pour y être incarcéré. Mais au cours du trajet, le prisonnier parvient à échapper à la surveillance de son gardien et s'enfuit dans un sous-bois à proximité de la voie ferrée au moment où le train semble ralentir sa marche. Malgré le plan d'urgence mis en place par la gendarmerie à l'initiative de Mattei dans la zone d'évasion, Vogel demeure introuvable. De fait, il a pu se réfugier dans le coffre d'une conduite intérieure américaine garée sur le parking d'une cafétéria située non loin de la voie ferrée et de la route nationale sur laquelle sont établis plusieurs barrages de police. Le propriétaire du véhicule, qui vient de s'accorder une pause déjeuner, n'est autre que Corey, un ex-détenu sorti de prison depuis à peine quelques heures et ayant purgé une peine de cinq ans en centrale...

Jean-Pierre Melville, somme toute, réalise avec « Le Cercle rouge » un chef-d'oeuvre d'intrigue policière réunissant des acteurs d'exception tels que Alain Delon, André Bourvil, Yves Montand, Gian Maria Volonté et François Périer dont les virtuosités en matière d'interprétation donnent à voir des personnages de délinquants et de policiers, selon le cas, confrontés aux enjeux de leur propre choix, celui par exemple de commettre un « vol sensationnel de bijoux » chez Mauboussin, place Vendôme, pour les uns, ou bien celui de mettre un terme à la fuite en avant, pour les autres, et ce dans le cadre d'une procédure dont la résolution est le fait de l'ingéniosité du commissaire Mattei, magistralement campé par Bourvil qui se découvre là dans un rôle inhabituel au regard de l'ensemble de sa filmographie, qui le révéla surtout au public comme acteur comique.

Le dénouement se clôt par une phrase de l'Inspecteur Général, de l'I.G.S., adressée à Mattei : « Tous les hommes, Monsieur Mattei... », sous-entendant que « Tous les hommes sont coupables », une devise dans la bouche du haut fonctionnaire qui apparaît comme l'un des leitmotiv de l'intrigue, mettant ainsi en exergue la dimension à la fois fatale et absurde de la condition humaine. À cet égard, Cécile Mury, critique au magazine Télérama, précise que « le film navigue sur les eaux sombres de la fatalité et prend des allures d'authentique tragédie. Sur une trame policière ultraconventionnelle, le cinéaste resserre l'intensité dramatique, élève son austère univers à une perfection épurée. Les protagonistes portent d'impassibles masques, jouant dans leur solitude une lutte archétypale entre l'ordre et le désordre. »

Quand la ville dort
Film de John Huston (1950), avec Sterling Hayden, Louis Calhern et Marilyn Monroe

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Une voiture de police circule dans les rues d'une cité du Middle West au cours d'une fin d'après-midi pluvieuse à la recherche d'un individu qui vient de commettre une attaque à main armée à l'Hôtel de Paris. L'individu en question parvient pour autant à se réfugier dans le café de Gus et s'accoude au comptoir. Mais deux agents de police font soudain irruption et l'appréhendent. Au commissariat, il est présenté devant témoins en compagnie de deux autres suspects ; aucun n'est reconnu comme l'auteur des faits. L'individu, qui se nomme Dix Hentley, ressort donc libre (« Non, c'était un autre. ») Au même moment, Riemenschneider, surnommé « Le Docteur », se rend chez Cobby pour lui proposer une affaire dont le butin s'élèverait à un demi million de dollars. Ce dernier observe que « ce serait une affaire pour M. Emmerich », un avocat véreux de fait, lorsque Riemenschneider lui confie qu'il aurait besoin de cinquante mille dollars pour être à pied d'oeuvre. Peu après, « Le Docteur » rencontre ainsi Emmerich et lui soumet ses conditions : Emmerich obtiendrait sa part du butin, un tiers de la somme totale, s'il s'engageait à lui avancer cinquante mille dollars pour le règlement de chacun des membres de l'équipe de cambrioleurs avec l'aide desquels « Le Docteur » entend agir.

Cette avance serait répartie de la façon suivante : vingt cinq mille dollars pour le perceur de coffre, dix mille dollars à l'intention du chauffeur et quinze mille pour le garde du corps. L'avocat acquiesce et remarque ironiquement qu'il s'agit d'une proposition « exceptionnelle ». À la question de celui-ci concernant le lieu du délit, Riemenschneider répond que c'est la bijouterie Pelletier et qu'il ne reste plus dès lors qu'à trouver les hommes susceptibles de travailler avec lui. Après plusieurs minutes de concertation, les deux hommes conviennent que Louis, un spécialiste de la nitroglycérine, percera le coffre, Gus le barman conduira le véhicule et Dix Hentley satisfera au poste de garde du corps. Une fois le contrat conclu et « Le Docteur » parti, Emmerich, néanmoins, prend contact avec un détective de sa connaissance, lui avoue qu'il est fauché et qu'il ne pourra effectuer le paiement des cinquante mille dollars. Outre ce constat, il l'informe même qu'il a trouvé un moyen de s'emparer de la totalité des gains...

Du reste, John Huston réalise avec ce film noir une adaptation fidèle du roman de William Riley Burnett dans laquelle se trouvent réunis tous les éléments d'un chef-d'oeuvre du genre. L'interprétation aussi bien que la technique de tournage et de mise en scène donnent à voir des personnages pris dans l'étau de péripéties qui convergent vers le dénouement tragique dès lors que les intérêts personnels des malfaiteurs dominent l'enjeu, corrélé à la prise de risques, qui est censé les unir au commencement de « l'affaire ». Par surcroît, ce même étau est le symbole du processus d'investigation mis en place par les forces de police qui, loin d'être dupes, suivent de très près les manoeuvres de chacun d'eux au point même d'en jouer à la façon d'un chat devant les vaines tentatives de la souris.

« Il faut tuer Hitler. »

1er février 2011

Valkyrie
Film de Bryan Singer (2008), avec Tom Cruise, Kenneth Branagh et Bill Nighy

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Le colonel Claus von Stauffenberg fut détaché dans la Dixième Division Blindée de l'armée allemande sur le front d'Afrique du Nord, au coeur d'une région désertique de Tunisie. Les combats battent leur plein en cette période de l'année 1943. Les forces alliées gagnent de plus en plus de victoires décisives et Hitler tombe conséquemment en discrédit auprès de nombreux membres de la Wehrmacht. Stauffenberg, quant à lui, semble ne jamais avoir adhéré aux discours et à la politique du Fürher lorsque, sous sa tente, s'accordant de rares moments de pause pour tenir son journal, il écrit : « ...mon devoir d'officier est de sauver des vies humaines » ou encore « Hitler n'est pas que l'ennemi absolu du reste du monde. Il est aussi l'ennemi absolu de l'Allemagne... »

Ainsi occupé par les affaires courantes de l'état-major de sa division dans le contexte ô combien menaçant d'un poste militaire susceptible de subir à tout moment une attaque aérienne, le colonel est victime d'une rafale de mitrailleuses venue du ciel sur les ailes d'un chasseur ennemi.

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Plus tard, le 13 mars 1943, l'avion d'Hitler atterrit sur la base aérienne de Snolensk, en Russie, point stratégique du Front de l'Allemagne.

Là, plusieurs membres de son état-major envisagent de l'éliminer et, ce faisant, s'entendent pour lui offrir un cadeau piégé au moment de son retour sur Berlin, une caisse de bouteilles de Cointreau, de fait, où ils sont parvenus à dissimuler un explosif. La charge, programmée pour détoner en plein vol, demeure malheureusement sans effet. Le général Henning von Tresckow, à l'origine du projet d'attentat, se voit obligé d'aller récupérer la caisse piégée au Haut Commandement de l'armée à Berlin, malgré les soupçons qui paraissent peser sur sa démarche.

Pendant ce temps, à l'hôpital de Munich, la comtesse Nina von Stauffenberg est au chevet de son époux. Claus von Stauffenberg a été amputé de la main droite et a perdu l'oeil gauche. Pour autant, son projet de renverser le Fürher est toujours plus prégnant. Au terme de son hospitalisation, c'est en écoutant presque par hasard un passage de « La Valkyrie » de Richard Wagner, dans le contexte d'une alerte bombardement, de surcroît, que germe en lui l'idée d'élaborer un complot contre Hitler dont la première étape consisterait à modifier l'opération du même nom que la pièce musicale, autrement dit « l'opération Valkyrie », un secret d'État connu seulement d'une poignée d'initiés, dont Stauffenberg fait partie, qui fonde la prise de pouvoir du dictateur et destiné, entre autres, à contenir tout mouvement antinazi (« En agissant, je deviendrai un traître. Je l'accepte [...] Il faut tuer Hitler. »)

Inspirée d'un fait historique, cette réalisation de Bryan Singer met en évidence les vertus d'un jeune officier de l'armée allemande devenu, à force d'abnégation au service des valeurs de la résistance contre la dictature nazie, une figure emblématique de la libération de son pays, de l'ouverture de ses frontières à une éthique partagée avec les Alliés eu égard notamment au massacre de la population juive. Tom Cruise, par la qualité magistrale de son interprétation, confère du reste à ce personnage du colonel Claus von Stauffenberg l'authenticité et la dimension tragique justifiant son statut de héros, au sens aristotélicien du terme. Enfin, le réalisme de la mise en scène convoque le spectateur à titre de témoin à décharge au regard des actes trop méconnus de cette autre armée des ombres, Outre-Rhin.

La Fureur du dragon
Film interprété et réalisé par Bruce Lee (1972)

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À la veille du nouvel an chinois, Tang Lung vient d'arriver à l'aéroport de Rome et attend quelqu'un avec une certaine impatience. De fait, le vol de l'avion dans lequel il est monté à Hong Kong était en avance. Tenaillé par la faim, il entre dans un restaurant et demande « du riz ». La serveuse ne paraît pas comprendre et lui sert cinq assiettes de soupe. Son repas terminé, il quitte les lieux et croise une jeune femme que, quelques instants plus tard, il reconnaît pour être celle dont le portrait figure sur une photographie qu'il a en sa possession. Au moment où cette dernière se retourne, il vient à sa rencontre et se présente. La jeune femme, quant à elle, se nomme Mademoiselle Chen et lui demande des nouvelles de son oncle de Hong Kong, puis lui confie que son père est décédé. Depuis lors, ajoute-t-elle, « des hommes d'affaires » la poussent à vendre le restaurant dont elle a hérité (« Les affaires vont très mal [...] Ils me harcèlent et veulent avoir une réponse tout de suite. ») Mademoiselle Chen conduit Tang Lung dans l'appartement qu'elle loue au centre de la capitale italienne et l'accueille avec les honneurs dignes d'un membre de sa propre famille (« Vous êtes l'ami de mon oncle. Vous êtes ici chez vous. ») Peu après, Tang Lung arrive dans le restaurant de son hôtesse et fait la connaissance de l'Oncle Wang, qui partage avec sa nièce la responsabilité administrative du commerce. Celui-ci le présente au personnel comme quelqu'un qui est venu les aider, ce malgré le constat évident que « plus personne n'ose venir ».

Presque au même moment, un groupe de cinq individus, mus par de très mauvaises intentions, font irruption et celui qui se présente comme le chef apostrophe Wang : « Vous n'avez pas le choix ! Vendez ! ou bien je me fâche... » Néanmoins, la scène ne dure pas plus de quelques minutes et doit se concevoir comme un ultimatum, puisque les cinq hommes repartent sans plus de dégâts. Pourtant, après eux, quatre hommes non moins mal intentionnés, mais plus provocants, entrent à leur tour, s'en prennent verbalement aux serveurs, commencent à détériorer la salle principale du restaurant et agressent même physiquement l'un d'eux quand Tang Lung s'interpose et les défie, seul contre quatre, en se proposant de leur montrer « ce qu'est la boxe chinoise »...

Bruce Lee, au demeurant, réalise avec ce film une oeuvre qui se fonde sur le réalisme d'une confrontation entre, d'une part, le parti de la mafia locale italienne, qui sévit dans les quartiers populaires de Rome et, d'autre part, celui d'une famille de Chinois qui revendiquent la légalité de leur affaire commerciale, n'hésitant pas même dans le cas extrême de leur situation à faire appel à l'aide d'un expert des arts martiaux, défendre ainsi leur droit de propriété privée et leur code d'honneur. Lee, interprétant le personnage de Tang Lung, excelle dans ce rôle de justicier pour lequel la boxe chinoise n'a plus de secrets. La scène de combat dans l'enceinte de l'amphithéâtre antique notamment, qui oppose ce dernier à celui de Colt, interprété par Chuck Norris, scène d'anthologie s'il en est, rend compte à cet égard de la parfaite maîtrise de la chorégraphie des arts martiaux et de la technique de mise en scène et de tournage qui caractérise la réalisation, à l'exemple de la séquence de ralenti qui corrobore et authentifie la domination de Tang Lung sur Colt.

Le Deuxième souffle
Film de Jean-Pierre Melville (1966), avec Lino Ventura, Paul Meurisse et Raymond Pellegrin

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Le 20 novembre, à 5 h 58, Gustave Minda s'évade d'une prison avec deux compagnons de cellule. Au moment de franchir le mur d'enceinte, l'un d'eux fait une chute mortelle ; néanmoins, Minda et son autre complice parviennent à gagner la campagne environnante puis à monter dans un train de marchandises en marche, à destination de Paris. Minda fait le trajet tout seul après que le second fugitif a pris le parti de sauter du wagon et de disparaître dans la nature. Le soir de cette même journée, à 23 h, une affaire se trame à Marseille, dans le bar de nuit tenu par les frères Ricci. Vingt-quatre heures plus tard, dans le restaurant parisien de Jacques Ribaldi, surnommé Jacques Le Notaire, « en souvenir des études de droit très réelles qu'il a faites » et par ailleurs bien connu des services de police pour fréquenter le milieu, un groupe de trois hommes fait irruption et tire à de multiples reprises sur le personnel d'accueil. Jacques Le Notaire est tué. Manouche, qui tenait la caisse, et Alban, le garde du corps, s'en sortent de justesse. Peu de temps après, le commissaire Blot vient constater le décès et demande aux membres du personnel, alors témoins de la fusillade, de se tenir à sa disposition, soupçonnant derrière l'apparent mutisme de ces derniers une manoeuvre habile destinée à ne rien dire de l'évasion de Gustave Minda, dit « Gu », un habitué des lieux...

Au demeurant, Jean-Pierre Melville réalise avec ce film noir une excellente adaptation du roman de José Giovanni qui, de surcroît, apporte un éclairage sur les tenants et les aboutissants d'une mécanique judiciaire pourtant complexe au sein de laquelle policiers et truands s'affrontent avec une rare violence. Et ce n'est pas sans dégâts qu'à terme le commissaire Blot, magistralement incarné par Paul Meurisse, parvient à déjouer les plans du milieu marseillais, quitte à utiliser des moyens illégaux tels que le chantage ou la délation. L'intrigue est traitée avec un réalisme sobre et Lino Ventura, à l'instar du même Paul Meurisse, de Raymond Pellegrin, Michel Constantin, Christine Fabrega ou encore de Marcel Bozzuffi, confère à son personnage , celui de Gustave Minda en l'occurrence, une authenticité digne des meilleures compositions du genre.

Diamant 13
Film de Gilles Béhat (2009), avec Gérard Depardieu, Olivier Marchal et Asia Argento

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Mat est inspecteur à la 13e Division de la police criminelle. Il mène une vie solitaire, partagée entre les affaires qui lui sont confiées et les relations qu'il entretient avec ses collègues de travail, dont beaucoup sont des femmes. Mais une nuit, après qu'il vient d'oeuvrer dans une filature dont le terme s'est résolu en faveur de la libération d'une femme des mains de ses ravisseurs, Mat reçoit l'appel d'un vieil ami et collègue, Franck Novac, qui lui propose de prendre part à un commerce illicite de stupéfiants où il se verra récompensé par une très importante somme d'argent. Mat accepte et rencontre Franck qui lui remet la « marchandise ». Quelques heures plus tard, ce dernier est assassiné d'un coup de revolver porté dans la bouche. Lors des obsèques, Mat est informé par Loam, sa collègue et confidente, de la présence du sénateur dans la foule endeuillée, un individu véreux, précise-t-elle, qui pourrait avoir commandité le crime. L'inspecteur prend ainsi peu à peu conscience que Franck, avant d'être éliminé, agissait dans le secret d'une mission d'infiltration au sein d'un réseau de trafiquants de narcotiques visant à révéler l'implication de nombreuses personnalités politiques très haut placées...

Gilles Béhat, du reste, réalise avec D 13 un film noir très ancré dans le quotidien des affaires traitées par la police. La plupart des scènes sont tournées de nuit et donnent à voir le parcours d'enquêteurs crépusculaires pris dans la tourmente des violences urbaines et des agissements sombres entretenus par le chantage. Mat demeure campé par un Gérard Depardieu qui se fond parfaitement dans ce climat torturé et confère à son personnage la force et l'abnégation d'un antihéros intègre qui sait affronter jusqu'au bout l'achoppement de la corruption et des menaces de mort qui en résultent.

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