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PUBLICATIONS XXV

Poèmes

Violon et feuille de musique

AU RENDEZ-VOUS LUNAIRE

 

          On se rapportera à la Lune, entre autres reliefs célestes, afin de considérer une période. Si elle n’est pas encore présente, ce seront des nuages, les étoiles. Elle reviendra dans le tournoiement général des cycles. Et ratifiée dès le début, jusqu’à l’ultime degré de sa marche, sollicitant la patience, augure toujours du premier ; ainsi de tout temps. Il ne pouvait différemment en être, tout est bien. Par beau temps ou non, quel que soit le phénomène aérien survenu, la Terre vit et ravit.

        En ce jour de ciel bleu qu’accompagnent les nuages, la Lune fut par exemple parmi ses invités du matin, se donnant à voir sur le mode d’une aire courbe qui occupait cent quatre-vingt degrés de la surface du cercle, quelques heures après une fin d’après-midi d’orages dont les pluies successives furent gratifiantes quant aux besoins du sol, des plantes, des arbres, des animaux. Je me trouve dessus une montagne d’or, à mon poste, sis au sommet, notant de fait chromatismes et formes, tantôt avec du sable augmenté des pigments ou bien à l’aide d’une pointe pareillement augmentée, et sur divers supports que pluies, vents ou Soleil modifieront à leur gré, une fois accomplie ma tâche.

        J’eus des surprises. Par exemple celle de pouvoir assister une nuit au dialogue entre le loup et le grand-duc menant un débat autour du chant des fleurs lorsque la Lune est en sa phase ronde. Le public était nombreux, arbres, nuages, étoiles, lucioles … J’arrivai au développement du propos in medias res. Ce débat se poursuivit jusqu’à l’aube, ayant commencé au coucher du Soleil, animé à la façon d’une performance orchestrale. Des fleurs, des abeilles, intervenaient toujours à bon escient ; dauphins, requins, baleines, raies, qu’on entendait à distance, interrogeaient, argumentaient. L’ensemble sous la vigilance ferme des arbres, des nuages, des étoiles, ce chœur de la Lune. Je transcrivis en couleurs, un simple extrait. À ma mémoire un événement, certes attendu par tous, puisque réitéré chaque mois, néanmoins par le fait de mon inhabitude et a fortiori l’honneur d’y avoir été convoqué par la Nuit, outre l’excellence de l’accueil, les langages sublimes.    

 

 

 

 

EFFETS À CONTRETEMPS

 

         C’est un marbre gris bleu contre quoi se font écho les fragrances portées par le vent des îles. Tantôt senteurs d’eucalyptus, tantôt senteurs de rose de Damas, parmi lesquelles demeurent très sensiblement les notes aigues de la menthe et du jasmin. Nous dégustons sur la plage le nectar d’agrumes assorti d’une glace viennoise. Il y a les musiques ornées de cuivre, de cordes, de bois, dont les rythmes inspirés évoquent maint référent telle la mer, tels horizons de montagnes marines à turquoise. Y savourant leurs paysages outre les mets, nous y plongerons, passés l’orage qui se dessine, les pluies drues.

      Soudain les zébrures électriques ajoutent aux premières impressions marmoréennes. Quant à la terrasse de sable où se révèle l’animation céleste, la pluie venue obligeant, nous la quitterons, gagnerons l’intérieur du café-restaurant pour être à l’abri. La baie vitrée s’ouvrira sur un nouveau moment.

          L’air propre à véhiculer les nuances de la torréfaction pourra encourager les regards admiratifs vers les reliefs maritimes quand la mer se déploie jusqu’à rivaliser en mouvements multiples avec ceux des nuages aux allures granitiques, lors au-delà du marbre, proposant une structure plus uniforme, et de la pluie convoquant les bienfaits. Puis paraîtra la Lune dans sa majesté luminescente à quelque heure de la nuit qui aura trouvé l’occurrence de l’embellie. À quelque heure où les rêves courent au-dessus des mers, comme à vol d’oiseau, jusqu’aux astres, dans l’immensité merveilleuse des contes.  Du jardin apaisé qui les berce maintenant, elle baigne de douceurs éclatantes la faune et la flore. Attendu que l’accalmie propose ainsi son retour, décision est prise derrière la fenêtre encore ensommeillée de plonger dedans ses rythmes nouveaux, à la mer, à ses horizons de montagnes marines à turquoise.

 

 

 

 

 

HYMNE À LA NATURE

 

         Des flottements de nuages blancs et gris bleus s’aperçoivent à l’angle d’une fenêtre. On peut y prêter attention sur le mode d’une comparaison avec toute rythmique. Ainsi relative au phrasé, la progression semble s’entendre comme celle d’une symphonie pastorale, où ciel et terre se conjuguent à la façon d’un duo de musiciens qui proposerait une mise en lumière de leurs variations ou de leurs contretemps d’après le choix de l’arabesque. On percevra harmoniques, chromatismes, autour de motifs nombreux qui célèbrent les bienfaits de la nature ; les prairies vertes, le sol fertile, les pluies, l’embellie.

         On se prendra à élaborer un chant, un hymne destiné à notre Terre, aux dons quotidiens qu’elle nous octroie, au jour qui se lève dans sa régularité exemplaire, essentielle, aux soirs découvrant les multitudes d’astres. Estimant par-dessus tout la vie, en l’occurrence rapportée à son concept matriciel, à voir la danse des nuages par l’immensité aérienne, les voix s’accorderont d’un même élan à exprimer leur gratitude. Au fait de l’existence, les mots envolés avec les notes formeront une écriture pacifique que le duo imaginé enroulera dedans ses lignes arabesques. La cause est de raison. D’un même chœur les voix, s’articulant à cette vérité, y fonderont leur leitmotiv :

 

                             De l’air que nous respirons sur notre planète,

                             Mon regard posé dessus tel le fait majeur

                             Encourage la voix dans ses climats de fête

                             À chanter de la terre au ciel ce grand bonheur.

 

 

 

 

 

UN CHANT VESPÉRAL

 

         Un support, la page, qui se suffit. Où l’on écrira. Chacun des mots animés par le seul support, la page, et se succédant selon un ordre, celui du motif : la lune éclairant un horizon maritime, par exemple. L’élémentaire regard que l’on y pose, lors assis sur la plage à la voir occasionnant des reflets bleus pourra s’accorder aux mots. Comme au plus près de soi, tel paysage qui ne nous appartient pas mais vers lequel se laissant porter suggère. Jusqu’à cette idée de composition dont on reconnaîtra la grâce, le don qui nous est octroyé. Simplement écrire, dans les limites des sens.

         On dira la Lune et ses reflets sur la mer. Au-delà, par le fait d’une quête narrative et / ou descriptive, s’organisera un transport vers la ligne d’horizon. Sans tristesse, bien plutôt avec raison, naîtra la proue, son image et sa figure. Un cap sera fixé, où les rythmes vespéraux accompagneront la marche, donc à la surface.

         Aux recommandations vives de la voix ordonnatrice, il s’agira de ne pas faussement interpréter, d’obéir. Dans le cas contraire, les peurs inutiles ne pourraient nous servir de faire-valoir, encore moins d’arguments, et pour cause, la marche serait ralentie. Ainsi obéir demeure le devoir, à la fois en termes de reconnaissance envers la voix ordonnatrice et de connaissance quant aux aléas encourus. Non, mais s’y fier au sens strict n’entraînera regret ni confusion. Le motif proposera enfin son accomplissement à terme, attendu le choix de la syntaxe, l’esthétique du regard.

 

 

 

 

 

 

LEVER DU JOUR

 

         À bien observer le ciel au prisme de la saison, on constate son indéfectible plénitude, y compris quand il gronde. Tout est tranquille, cohérent dans l’ordre de ses états atmosphériques. Matin lunaire n’est pas étrange à cet égard. Il s’inscrit dans les clartés de l’air, à telle période du jour.  Il peut y avoir moins de nuages aussi. La lumière le met en valeur, à une heure autre, qu’on penserait plus tôt, par habitude. Le Soleil est déjà présent.

         Les deux astres semblent se côtoyer pour former un espace-temps créatif, animant la nature céleste sur le mode d’un duo qui ajoute aux chromatismes des horizons de la mer ou de la chaîne de montagne. Horizons invitant parfois les brumes, jusqu’aux terres et aux prairies rurales. Cette dame posera son regard dessus à la faveur du grand air, frais, odoriférant. Lune et Soleil ensemble comblant le site des splendeurs. Elle en est l’invitée.

       Dans l’encadrement de la fenêtre où elle paraît, on lira des impressions simples de floralies au balcon, d’oiseaux qui volent et chantent gaiement. On sera en harmonie avec le phénomène matinal du jour qui se lève sur la campagne, les villages alentour. On aura très bien dormi, d’une belle nuit sous les étoiles et la Lune nuancée des reflets bleus de l’air. L’éveil sera son regard apparu dedans la considérable structure du jour.

 

 

 

 

 

PROSE POUR LA JOIE DES CROISIÈRES

 

      Le large perçu sous la Lune. À la surface reflétée d’argent, on observe diverses variations, une musique comme naît de tels accords nocturnes entre astres et mer. Aux rythmes de quoi maint dialogue se fonde, soit par le regard posé dessus l’originalité des lieux et le sentiment de bien-être qui en découle. Voilà tout. Sans se poser de questions outre, que celles conduites par ces dialogues entre acteurs présents, ici à la proue, là à la poupe, ou sur la coursive. Le vaisseau poursuit sa route vers le cap. L’objet des paroles, et ce jusques aux postes de commandes, est l’état atmosphérique, bon au demeurant, la mer tranquille, la vitesse fixée à cinquante nœuds. On envisage l’horizon turquoise à moins de deux jours ouvrés.

        Selon la consigne administrative en amont, qui calcula le programme, il s’agit de prendre la juste mesure du vaisseau, autrement nommé Cité Navigante de fait, par la raison de sa taille majestueuse, et d’en suivre ses formules à la lettre. On sait la joie de sa population à bord, les piscines cyan, les casinos et les hôtels. Aussi les dialogues entre gens de l’équipage sont-ils réalistes, certains quant au bon déroulement de la croisière. On est riche, de l’esprit sûr, de l’expérience des tours du monde, des récits d’explorateurs. Tout est fiable, tout ordonné sur le mode orchestral. D’ailleurs, le moment dont ces mots traitent, est celui du concert hebdomadaire ; l’équipage veille, la population s’installe, les musiciens entreront bientôt en scène.

         On a diminué maintenant la vitesse à dix nœuds. La marche est lente, conforme à l’ouverture des ballades, un bœuf, où paraîtront les artistes les plus grands ornés de leurs cuivres, de leurs bois, de leurs cordes, sortes d’armure dont la Muse para l’aède. On jouera à la Lune, on improvisera à la nuit bleue des étoiles. On s’en est délecté, on s’en délectera. Et la Cité Navigante sera ce point de lumière dedans l’espace infini de l’air et de l’eau. L’horizon des lendemains cristallisera autour des senteurs exotiques, des gemmes naturellement assorties au visage des dames. On aura vêtu les drapés de satin. Les lumières iront aux chromatismes du leitmotiv attendu, domaine des rythmes alternant entre trois régions à voir, trois saisons belles ; Caraïbes, Océanie, Pacifique.

 

 

 

 

 

POÈME DE LA NUIT ET DU JOUR

 

         La Lune parle aux nuages, au ciel bleu, à la pluie, aux étoiles. Ne sachant rien des paroles ni du sens, j’ai l’idée d’une conversation entretenue régulièrement dans l’air des nuits. Y sont invités les grands jardins, les prairies, les mers et les montagnes. On pourrait penser à des clauses formulées dont le nécessaire état fixe l’ordonnance des choses et contre lesquelles on ne revient pas. On apprécie les saisons de fait, grâce à cette Jurisprudence. Ce ne sont pas des mots inscrits mais des phénomènes spontanés qui me permettent d’opérer là une transcription par le sentiment, les signes de raison.

          La nuit m’occupe ainsi jusqu’à une certaine heure. Puis le sommeil venu, j’entre aux palais parmi des fables, des histoires toutes d’images agréables, préventives sans doute, que j’aurai quittées au matin, les yeux ouverts sur la saison, l’air respiré au comble des senteurs florales, de la douceur de vivre sous le ciel qui aura adopté telle structure nuageuse, telle température, toujours bleu ; d’après quoi des pensées peuvent naître, en harmonie avec le jour nouveau. La Lune sera présente au réveil ou revenue à la nuit.

          Le matin. On voit fleurir, éclore, des rythmes, pris que nous sommes à leur envol nouveau. Nous allons, ensemble, dans le bon sens, toujours, signes nous-mêmes inscrits dedans cette animation strictement respectable de l’Univers, qui nous guide. Participant de la musique naturelle au titre d’accords, de notes. L’éveil. Dès l’aube, assortie au chant du Soleil, se conçoit bien l’ouverture proposée de l’orchestre des Heures, ténue certes, dont les mesures variées qu’une sourdine magistrale coordonne instaurèrent en termes de chromatismes et d’harmoniques sublimes, donc précieux infiniment. Nous ne négligerons pas les mots y référant, s’y accordant depuis les Origines. Je ne m’écoute pas dire, mais par volonté, selon le rythme de la plume, soit exclu le jeu des reflets au cours de la formulation.

 

 

 

 

CITÉ AMOUR

 

         Une organisation acoustique dont l’harmonie fondamentale transporte tout message à fins de poésie. Où naissent les fleurs et les grands jardins échelonnés à divers étages, spectacle qui ravit, augmenté toujours des senteurs. On est parmi les luxuriances florale et végétale, inspirantes. Tout poème en transcrit les rythmes, soit les périodes observées autour d’un ensemble de motifs se prêtant à l’arabesque sublimée par la polychromie et la fragrance, périodes dont certaines demeurent consacrées à la culture des fruits à pépins, des fruits à noyaux, des légumes frais, verts, secs, des épices et aromates les plus rares, ou encore à celle du chocolat, du café, du miel et du thé, de la menthe. Au-delà, on note, après une promenade de plusieurs heures, les forêts des cèdres et eucalyptus géants, les prairies bordant le fleuve vaste et leurs bétails.

           La cité s’inscrit lors comme axe majeur du monde. On en plébiscite de l’administration les lois. Les horizons dans leur ensemble y sont représentés, comprendre l’ensemble des nations ou des tribus. On s’entend. Le climat est bon. La richesse des langues dans leur variété participe de la concertation sur le mode des conseils nombreux tenus en plénière, toujours, où s’expriment les experts, ce dès la phase lunaire commencée. Tous les arts sont ainsi représentés sous l’égide des Neuf Muses. La cité croît, la cité rayonne.

            Depuis la mer, les échanges commerciaux, diplomatiques, se réalisent par la volonté des déesses et dieux. Les contrats, les écrits littéraires, scientifiques, historiques, sont à l’honneur, archivés, lus, compulsés, au sein de l’immense bibliothèque publique qu’ornent les marbres incrustés de gemmes du sol au plafond ; on voit, les piliers sont en or, les tables en argent. Le peuple peut y entrer, s’instruire à son gré. Naturellement, l’éducation est donnée aux enfants dedans les grandes salles réservées à cet effet, tant la bibliothèque regorge de possibilités quant à son concept architectural, de fait abritant aussi la structure scolaire. Institution justement nommée La Figure, sise au centre des quartiers cultuels, culturels, populaires. L’air imprégné des mouvements de l’encens de résine comble le travail. Nous, grandissant à ses vestiges.

 

 

 

 

ODE NOUVELLE À DEMETER

 

        À perte de vue, verts et d’or, lorsqu’on chemine à rythme tranquille, les pans aux lisières des épaisseurs luxuriantes, des bois, où coulent rus, fleuves, rivières. La ballade inspirée lors se propose aisément au buveur du grand air et des pluies qui entendait recueillir leurs impressions sous la forme d’une composition acoustique. On pourrait l’interpréter aux soirs lunaires sur les lieux dont elle s’anime, à la période des moissons.

        Vertes les prairies, d’or les champs, donneront à son écriture les couleurs nécessaires d’un hymne. – Du chœur des gens de la terre, il s’élèvera comme une seule voix, à l’intention de l’effigie Dame, cause autant qu’effet. Toute de légendes que l’aède mit en vers parmi les paysages olympiens et les actes héroïques. – Elle trône, moins au titre d’objet exclusivement musical qu’à celui de phénomène essentiel.

        Aussi, la ballade se transmue-t-elle à cette idée au fil de la marche, outre celle d’un hymne, l’ode. On la chantera jusqu’à la nuit, jusqu’au coucher de la Lune sous son drap stellaire. On dansera les moissons aux pas de la Lune, aux accords de l’ode, autour de la table de fêtes, la table fleurie. Le chant s’inscrira dans l’air, domaine des senteurs de tilleul, de rose et de chèvrefeuille. Au faîte de telles arabesques, selon l’esprit du Sacre accomplies, l’encens brûlera encore à l’heure des départs, au champ d’étoiles apparu.

 

 

 

 

 

SOIR DE PLUIE

 

        Temps couvert où, malgré l’étendue des nuages au soir, la Lune paraît en sa rondeur accomplie. C’est soir de pleine Lune ! La Chouette et le Loup sont les fameux personnages d’un roman ou d’une fable. On écrit d’après le rythme de la pluie venue comme par vagues sous cette étrange clarté du ciel aux brisures vaporeuses où vont les éclats argent.

        Les gouttes contre la vitre forment ce langage symbolique de la fraîcheur, de l’irrigation, de la culture. Une musique apaisante accompagne la fin de journée à la fenêtre. La page propose ainsi une vision. Tranquille la plume s’y rend et l’organise selon maint élan d’immédiateté. Cette lyre discrète aux mains de la Muse jouant, dictant la phrase, la note.

       À l’air de l’atmosphère établi, y fait correspondre leurs lignes aériennes d’après la hauteur du son, sa durée. Tel poème se construit de la sorte, au jeu acoustique, à l’idée d’un soir de saison. On peut y lire des signes ! – Ce paysage de la Lune servie par les couleurs, divers chromatismes, que l’onde céleste anime. Aux nuances gris bleu le regard s’évade, de même la plume à sa marche prise dessus la page. Lors la vision se résout.   

 

 

 

 

 

LE NAVIRE AVEC DES AILES

 

       « Je pars », dit le navigateur des horizons bleus, comme aimanté au concept du monde à découvrir en quelque région où il fut missionné, de gens à aider. À la gravité de son visage reflétant l’action sincère, l’engagement humanitaire, la Lune éclaire les membres de l’équipage sur ses intentions généreuses ô combien. Il parle peu.

         La nuit approche tandis que le navire s’éloigne du port encore animé par la polychromie des lampions aux devantures, que le vent d’ouest gonflant les voiles continue à agiter et, par là même, se rappelant à la mémoire des marins, à tous ceux dont le regard demeure curieux d’évaluer la distance accomplie, ce malgré la brume croissante. « Voilà les halots en couleurs ! », dit le mousse au moment où le bateau est déjà bien engagé en mer hauturière. Dans quelques minutes, le corps navigant sera isolé entre épaisseur de l’air, étendue marine et ce point d’horizon fixé par un cap. Au-delà de pareilles contingences, la Lune dans un halo de plus en plus opaque est désormais le seul luminaire où les regards à bord peuvent se poser.

         À l’intérieur, on a allumé les torches, les bougies. Dans sa cabine, l’homme consulte la carte, assis à un bureau renseignant sur son statut. Il est le navigateur missionné par une œuvre bienfaitrice. Mais qu’écrit-il ? Sa plume va maintenant au rythme d’une mélodie dont on ne sait la formule ni le motif. Lors soudain les lieux se transmuent en surfaces de pierreries, marbres et drapés de satin. Le navire devient un palais voguant sous les étoiles. L’air, tel un coffret, contient à son comble les senteurs d’Orient. La plume court, vogue, vole, sur la page. « Tout est transformé ! Où sommes-nous ? » s’écrie le mousse. Et la mer devient absolu de parfum, et le ciel devient un jardin immense, royal s’il en est, dont toutes les fleurs pourvoient à l’élévation vers les notes du lilas, du jasmin et des roses. « Nous ne voguons plus. Nous nous envolons ! », conclura la vigie. 

 

 

 

 

 

LES DEMEURES CRUCIALES

 

       Libre en sa demeure, par l’observance stricte des règles d’intérieur qui exigent le respect, crucial. On ne rit pas des murs, de l’air ambiant, nous instituant citoyens. Idée propre au concept de l’Habitat, certainement, autour de quoi s’organise le regard de l’économe. Fait responsable quant à la confiance manifeste dont les parties concernées témoignent l’une envers l’autre par l’apposition de leurs signatures respectives au bas du contrat. La demeure est dès lors protégée juridiquement.

          On a soin d’y bien vivre, d’y grandir. On y pense clairement, en termes de don. – Elle fut construite pour nous abriter. Elle est notre demeure où grandir. Elle est ce support artistique aussi qui nous permet de planifier la journée. Au seuil nous recevons l’amitié en princesse, nous parlons aux vents, à la pluie, à la neige, à chaque saison, faune et flore confondues, sur les rythmes du chant et de la danse. L’heure nous donne lieu d’agir avec raison, d’exercer nos travaux. L’heure ne nous questionne pas, elle nous donne à bâtir à sa lumière.

           Nous, vivants en l’état parmi nos sœurs et frères, concitoyens et gens du peuple, formons la société, telle agglomération. Autour les forêts, les prairies et les champs nous octroient le décor, la nourriture. Nous, construisant, bâtissant, le jour, dormant à nos heures après la veille, rêvons, aux astres apparus dans le ciel, de l’aventure humaine, l’aventure merveilleuse, qui nous confère au réveil l’énergie d’élever notre ambition et le sentiment du devoir à des hauteurs d’immeuble, au confort de tous. Ainsi l’éveil dûment nous occupe, envers chacun obligeant par la force de l’humanité, la raison juridique, nos toits respectifs.

 

 

 

 

AIGUE-MARINE

 

     Par forme, générosité, soit la gemme, demeure bastion. À distance, l’approche significative du désir se maintient et, pour cause, au risque d’un amollissement vis-à-vis de soi-même, étant donné que ladite distance consiste dans ce rapport d’interaction une nécessité, par conséquent en l’état du regard oblige la pleine faculté, à la fois de son bon jugement et de son intégrité. La personne observe comme on peut observer l’horizon. Elle se situe devant la vitrine d’une joaillerie. Peut-être achètera-t-elle un article ?

         En l’occurrence, la gemme exposée, sans considérer le prix que l’on afficha en raison de sa valeur commerciale, focalise l’attention de manière impérieuse. Il s’agit bien d’un objet aux lignes parfaitement dessinées, une pierre taillée, précieuse. Et pour cette personne, elle semble n’avoir pas de prix, du moins tant que la personne ne s’est pas intéressée à la valeur commerciale estimée, puis ratifiée. On note à certains angles de l’article la gamme complète des couleurs à dominante azur, sans doute parce que le sujet observant opère de temps à autre des mouvements de côté, mais aussi en raison du fait que la pierre est l’objet de tel rayon incident, produit par une lumière environnante sise à un haut degré.

          Ce regard a lieu en matinée, dans l’artère d’une grande cité. Ce fut presque par hasard que la personne emprunta la voie, si ce n’eut été par expérience des belles choses. Outre que les circonstances s’associèrent à sa volonté de plaire à la vie, à l’étude bienveillante de la part de l’orfèvre de bien disposer les passants quand ils vont par les rues donc, de la part du bijoutier lui-même, de plaire à la vie. Un regard où le temps n’a pas de prise dès lors que le désir qui l’anime est comparable au désir d’horizon. On songe à la surface des mers vastes ou à la bonne humeur qu’une chanson relativement lointaine inspire, autant de motifs conçus selon des rythmes divers vers lesquels le sujet s’avance. À la rencontre inattendue, quoique en partie grâce au parti pris de bonheur que ce sujet ne négligea jamais, les vents alizés, leur mélodie s’accordant aux transparences bleues assorties de chants d’oiseaux, de cocotiers et de voiles, y compris des plages blanches depuis lesquelles on prie la Lune, ou bien encore les hauts sommets que neige et glace caractérisent, ce bien-être qui somme toute l’inspire, riche de tels motifs, notre personne se sent ravie.   

 

 

LA LUNE ÉCLAIRANT LA MONTAGNE

 

           Eu égard à la transparence, la vision se précise à la lecture musicale du ciel et des nuages, d’un motif. C’est une montagne haute au-dessus de la mer. Il demeure possible de la contourner en bateau. Dominant l’île, elle apparaît comme un trône de verdure. Des forêts l’entourent jusqu’à la plage. Il n’est pas interdit d’en apprécier la teneur symbolique, non seulement l’épaisseur mais aussi le sens que revêt le site lorsqu’on accoste ou qu’on jette l’ancre à une encâblure du rivage. « – Elle en impose, tenez-vous à distance, » pourrait-on entendre.

        Le relief est celui des jungles. Nature verdoie en grande abondance et chante, éléments d’un langage manifeste dans son immense diversité. Sa gamme s’étend de la moindre nuance chromatique à la transparence, pour peu qu’on regarde le lieu d’un point de vue rassurant, où l’on ne s’inquiétera pas. On écoutera chanter la jungle jour et nuit, ses silences, au-delà conscients des dimensions et de la majesté.

           À la sentinelle obligée, soit aux ordres, sera instauré le poste, une marche lente, régulière, suivant la ligne d’une circonférence de deux cents mètres, limites du périmètre constituant l’aire réservée à l’équipage. La relève sera prise dans six heures. « – Nous appareillons demain à la mi-parcours du quadrige d’Hélios, avant qu’il ne soit à son zénith. » Cette nuit aura donné au veilleur la vision d’une montagne bleue infrangible que l’orbe lunaire, tous les astres, au gré de leur rayonnement gardent tel l’écrin. Elle lui aura de fait inspiré outre quelques mots, en l’occurrence retranscrits, l’acuité saisissant le sens du spectacle, grave. Il n’inventa rien.

 

 

 

 

 

LA FABLE PEINTE

 

         La sphère d’argent suspendue comme en l’air tout luminescences froides, réapparue selon une constante à laquelle nous administrés d’après elle, précisément la constante, sommes obligeants, ainsi du culte, de la prière, lieu et heure eu égard à quoi nous demandons au titre des valeurs fondamentales qui nous unissent. Sur l’assise d’une montagne, où le conseil se tient, la palabre à l’honneur rend compte de nos foyers, des économies de chacun et se clôt par l’hymne.

        Nous écrivons pour la pluie et ses bienfaits, la prospérité de nos terres, l’entente de nos familles, à la faveur de l’enthousiasme collectif. La Lune y veille et son cortège d’astres. Les mots vont dans l’air assortis des notes, à l’intention de Te Kanapa. Nous dansons. Jusqu’au seuil de sa nouvelle demeure, avant son départ, quand la place est accordée au chant des constellations, nous dansons, ombres en mouvement dessus la pierre. Demain, viendra la pluie peut-être, nous mènerons paître les troupeaux dans la grande prairie, voir croître les légumes, les fleurs et les épices.

          Une femme peignit cet épisode des bienfaits octroyés par le ciel, les fruits des eaux célestes, en un diptyque réunissant le peuple des plaines et le peuple des montagnes. Une autre femme le transposa en ce chant, cette histoire brève, qu’elle associa à un bouquet de fleurs de sa composition, d’hibiscus et de magnolia, et le lui offrit, l’offrit à la femme artiste peintre. Et quand Femme Lyre présenta le bouquet à Femme Couleurs, il plut, on l’admira. Les deux peuples se réunirent, car Femme Couleurs était d’une tribu des montagnes, Femme Lyre d’une tribu des plaines. Vint la pluie céleste, jusqu’à la nouvelle Lune, et selon une constante n’ayant d’égale que la succession des jours et des nuits.

                                                     Jean-Michel TARTAYRE

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