top of page
montagnes

PUBLICATIONS LXIV

Récit fictionnel

La Scala

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

UNE ENQUÊTE D’ART JUNGLE

Le Contretemps

 

 

 

 

Récit fictionnel

 

 

 

 

 

 

Les vacances ne changent rien à mon existence de soldat. Il m’arrive de rendre visite à mes collègues quand l’opportunité se présente ou, cela se produit assez fréquemment, lorsque je suis sollicité pour une nouvelle enquête. Outre cela, je sais m’occuper de façon rationnelle. Je garde le contact avec la réalité des choses dès le lever du lit, simplement, en posant mon regard sur la Montagne-qui-parle, sur mon jardin que je cultive tous les jours en arrosant les plantes et les arbres, en ramassant fruits et légumes. Je cuisine, je lis les ouvrages de Droit, Rouget de Lisle, Kessel et Druon ; j’écris, je fais les traductions des rapports d’enquête que mon Régiment me confie, je pêche, je cours. Le narcissisme ne m’importune jamais, je ne le connais pas. Aucun fantôme. Aucun complexe. La Raison m’assoit aux frontières de la Démocratie. Je suis Enfant de la Patrie Nôtre, France ; je défendrai toujours son étendard au prix de mon sang. Les vacances sont de fait pour ma personne une variation rythmique qui s’organise autour de l’instant.

 

Aujourd’hui, par exemple, après le petit-déjeuner et avoir nettoyé ma demeure de fond en comble, j’ai pris la douche puis j’ai démarré le hors-bord direction K. et son port de plaisance. Je suis allé faire mes courses, que je déposai dans le bateau ; ensuite, après avoir mis en place le dispositif de sécurité antivol des Mercury, j’ai repris le chemin des quais jusqu’au premier arrêt d’autobus. À la station Les Dunes d’Or, je suis descendu ma serviette de plage à la main et je passai ainsi une matinée de détente à me baigner dans l’océan, à regarder les pêcheurs à la ligne et le bleu horizon où plane l’oiseau des mers.

 

Il est maintenant quatorze heures. Je viens de rentrer du restaurant « Trésors culinaires », l’établissement prestigieux du Chef étoilé L. qui honore notre village de M. Il me proposa son menu du jour : Double d’entrecôte grillée, suivi du Yaourt à la clémentine praliné pistache. Je me suis régalé. 14 H 10 à ma montre ; le Galaxy sonne :

« – Allô, Jungle ?

– Capitaine B. Heureuse surprise.

– Pourriez-vous passer cet après-midi, disons 15 H ?

– Pas de souci, Capitaine.

– Très bien, merci. Je vous attends. À tout à l’heure. »

 

3 PM. Le Capitaine B. me reçoit dans son bureau, me résume l’affaire, me donne à lire le dossier et à écouter un enregistrement audio. Il s’agit d’un trafic de stupéfiants. Le flag, qui date d’à peine 25 heures, a permis au Capitaine B. et à son équipe d’arrêter le présumé commanditaire. De nombreux vols de pharmacies et de bijouteries, précisément deux pharmacies et trois bijouteries, ont servi l’individu dans son commerce de contrebande. C’était sans compter sur la perspicacité du Capitaine qui intervint avec notre Brigade au moment de l’échange situé dans un hangar retiré des docks. Montant du butin : 2 millions d’euros. Ledit présumé commanditaire n’a pas encore de casier, néanmoins il est l'objet d'un rapprochement bancaire depuis deux ans. Il s’agit d’un certain Monsieur Q. mis en garde à vue. Le Capitaine B. a besoin de mon concours pour compléter l’interrogatoire.

 

« Asseyez-vous, Lieutenant. Nous serons deux face à lui. L’homme n’est pas facile à convaincre. Je vais le chercher. Je reviens. »

 

J’ai une chaise placée à côté du fauteuil du Capitaine B. et derrière sa table de bureau. Au-delà, deux autres chaises sont disposées face à moi pour le bon déroulement de l’interrogatoire. Cinq minutes passent. Le Capitaine B. fait entrer le suspect. Ce dernier est menotté. Le Capitaine le fait assoir. Le Maréchal des logis Chef A. se tient sur le seuil de la porte du bureau et reste très vigilant à l’égard de tout mouvement inconsidéré que le suspect pourrait faire.

 

« – Je vous reçois, Monsieur Q., dans le cadre de la garde à vue, comme vous le savez, qui vous concerne depuis l’interpellation d’hier 14 heures. Je vous présente le Lieutenant Jungle, qui participera à l’interrogatoire. Bien, commençons. Hier, à 14 heures, vous étiez présent au moment des faits. Vous étiez en possession de 2 millions d’euros en espèces contenus dans une grande valise, afin de rétribuer les cinq personnes qui, de leur côté, vous remettez bijoux et drogue dérobés dans cinq commerces de K. Je ne vais pas vous donner les adresses, vous les connaissez déjà. Nous vous avons interpellé à 14 H 05 dans le Hangar C. 18 situé dans la partie Sud-Est des docks. Reconnaissez-vous les faits, Monsieur Q. ?

– Je reconnais les faits, Capitaine. À moitié.

– Comment à moitié ?

– On m’a soudoyé.

– Vous voulez dire que vous n’êtes pas le commanditaire, en d’autres termes que quelqu’un vous a remis cet argent liquide pour vous manipuler. Qui est le vrai responsable dans ce cas ?

– Je n’ai pas à le dire.

– Vous n’êtes donc pas responsable de cette série de vols ?

– Non.

– Lieutenant Jungle, une question ?

– Oui, merci, mon Capitaine. Cet argent est bien à vous, non, Monsieur ?

– Qu’en savez-vous ?

– Je ne sais pas, Monsieur Q. Je vous pose juste la question. Votre réponse est déjà pour moi un aveu.

– Je vous pose à nouveau la question : Qu’en savez-vous, Lieutenant ?

– Les rôles s’inversent. Normalement, c’est moi qui pose les questions. Mais oui, je vais vous répondre : je le sais. En l’occurrence je vais céder la parole au Capitaine B.

– Merci, Lieutenant jungle. Voilà, nous avons mené une enquête, Monsieur Q.

– Qu’est-ce qui vous prouve que c’est mon argent ? Je vous dis que non, c’est l’argent de quelqu’un d’autre. Vous avez consulté mon compte bancaire, Capitaine ?

– Oui, Monsieur. J’ai en ma possession les derniers relevés bancaires de votre compte.

– Et qu’avez-vous pu constater ?

– Que votre tenue du compte est irréprochable, Monsieur Q.

– Mais alors ! Je suis victime d’une machination ! Vous me roulez dans la farine, Messieurs. Je perds mon temps ici !

– Calmez-vous, Monsieur, s’il vous plaît. Je reprends. En aucun cas, vous ne vous êtes servi à hauteur de cette somme, Monsieur Q.

– Vous voyez, Capitaine. Je ne suis donc pas coupable. Cet argent n’est pas à moi.

– Et pourtant si, Monsieur. Il est à vous.

– C’est une farce !

– Calmez-vous, Monsieur.

– Prouvez-moi que cet argent est le mien !

– Je vais plus avant, si vous le permettez.

– Eh bien, faites, Capitaine !

– Vous êtes titulaire d’un autre compte, non déclaré aux Autorités Françaises, Monsieur.

– Prouvez-le moi !

– Voici. Je vous propose de regarder cet extrait de compte … Vous lisez comme moi que quatre retraits de 500 000 euros furent réalisés durant une période de six mois. Le premier retrait a été fait, l'an passé, au mois de juillet. Le dernier retrait remonte à trois mois et date de décembre, le 2 décembre exactement. L’objet en est, voyez ici … « Investissement immobilier ». Il va de soi que c’est une couverture.

– Je sais lire, Capitaine B. Ce compte n’est pas à mon nom. Dans tous les cas, je n’aurai jamais pu retirer une telle somme, ne serait-ce qu’une fois. Jamais de la vie ! Je n’en ai pas les moyens.

– Il est vrai, ce compte existe au nom de Monsieur E.

– Vous le dites vous-même, Capitaine !

– Lieutenant Jungle, oui, une remarque ?

– Merci, Capitaine. Monsieur Q., pour qui vous prenez-vous, sincèrement ? Vous trompez votre monde depuis plusieurs années en changeant d’identité. Tenez, j’oriente cet écran ordinateur vers vous. Regardez cette photographie d’identité, Monsieur Q. 

– Eh bien ?  Ce n’est pas moi !

– Regardez bien. Je vais procéder à une transformation. Vous voyez la photographie de ce Monsieur, n’est-ce pas ? Monsieur E., en l’occurrence …

– Bien sûr, je vois.

– Regardez maintenant. Je vais lui ajouter les cheveux, les lunettes et la barbe … Voilà … Et … mettre en regard de la vôtre cette photographie modifiée. Par le pronom possessif la vôtre, j’entends la photographie d’identité officielle de Monsieur Q. Vous voyez à présent ?

– … 

– Merci Lieutenant. Vous ne dites rien, Monsieur Q.

– Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat !

– Maréchal des logis Chef A, pouvez-vous faire entrer Maître C., s’il vous plaît ? … Bonjour, Maître C.

– Bonjour, Capitaine B. Lieutenant Jungle.

– Asseyez-vous, je vous en prie, Maître. Nous avions prévu de mettre cette chaise à votre disposition. Je poursuis, si vous le voulez bien, Monsieur Q. Ou bien, Monsieur E., devrais-je dire ?

– Vous vous moquez de moi, Capitaine ?

– Nullement, Monsieur. Maître C. est d’ailleurs déjà au courant de votre double identité.

– Vous manipulez l’information. Quel autre artifice allez-vous me faire sortir de votre chapeau ?

– Un argument imparable. La Banque, Monsieur E. On ne trompe pas une banque, aussi loin soit-elle ; serait-elle même sur une autre planète. Vos deux banques travaillent de concert depuis la création de votre compte extraterritorial. Nos Services furent aussitôt avertis de vos transactions illégales et … de votre fausse identité. Mais, par-dessus tout, Monsieur, vous avez commis une erreur, qui s’est avérée fatale.

– Laquelle, s’il vous plaît ?

– Vous avez commis une erreur en téléphonant.

– Que voulez-vous dire ?

– Lieutenant jungle, s’il vous plaît. Écoutez bien, Monsieur Q.

 

C’est pour demain, Dorothée. Je vous recevrai à bras ouverts, toi et tes frères, pour une promenade en bateau. Départ depuis l’embarcadère Sud, 14 heures.

 

Vous reconnaissez votre voix, Monsieur, n’est-ce pas ?

– …

– Je considère votre silence comme une approbation, conclut alors le Capitaine. Maintenant, Maréchal des logis Chef A., veuillez faire entrer l’agent U., s’il vous plaît … Bonjour, mon Commandant. Vous reconnaissez cette personne, Monsieur Q / E ?

– Dorothée !

– Non, Monsieur Q. mais vous y avez cru, réagit alors notre Cheffe. Je me présente : Commandant O. Trêve de familiarité, et bas les masques ! Je ne vais pas m’attarder plus longtemps sur votre cas et vous demander de suivre illico le Lieutenant Jungle et le Capitaine B. Je vous remercie pour votre travail, Messieurs. Vous pouvez l’emmener. »

Copyright © Jean-Michel Tartayre 2019. Créé avec Wix.com

Lift to the Gallows - Miles Davis
00:00 / 00:00

Mentions légales

Éditeur : Jean-Michel Tartayre

                31 TOULOUSE, France.

Hébergeur : Wix.com

bottom of page