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PUBLICATIONS XVI

Conte

LE CHANT D’AZUR

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Conte

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L’azur me conta sa rencontre

Avec l’âme et le sentiment

Beau à l’éclat du firmament,

Qui tout en lumières se montre.

 

Dans un chant qui se voulait contre

Mes défauts de tempérament,

L’azur me conta sa rencontre

Avec l’âme et le sentiment.

 

Car rien de plus vrai ne démontre

La beauté de quelque moment

Plein d’étoiles au firmament

Où mon regard se pose contre,

L’azur me conta sa rencontre.

 

« Nous sommes trois dans la perfection de l’axe

Autour duquel le monde va gravitant ;

Devisons, sans nous heurter à la syntaxe,

D’un thème qui pour tous demeure important –

L’Amour, dont la fin exige qu’on se taxe

Aussi bien du magnétisme d’un aimant

Que du bon sens, nonobstant la parallaxe. –

Toujours à l’heure où guette le chat-huant.

Ainsi, magnétisez-vous mon cher ami,

Afin de n’avoir pas quelque jour la peine

De vous sentir seul sous la vaste étendue

Où nous trônons, car là tout est accompli. –

Vous subiriez seul votre propre déveine

Et vous redirions d’être aimant à la nue. »

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            J’étais ce matin-là, comment dire, démagnétisé, est-ce vraiment le mot, oui, si on le conçoit selon cette acception d’être absent aux choses ; soit, j’étais sans énergie. Il arrive que certaines journées se passent bien, d’autres moins bien. Ce fut dans le second cadre que je crus me réveiller. Je ne parvenais pas à me lever, imprégné que j’étais encore du sommeil lourd de la nuit. Morose d’humeur, j’ouvris la fenêtre. Il neigeait. Tout semblait se résoudre à l’instar de ces autres jours précédents où la même morosité guidait mes pas. Une journée  « sans » allait débuter. Quand survinrent les événements.

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            Je sortis sur le balcon et déblayai la couche de glace et de neige avec la pelle. Je regardai le thermomètre. Il affichait – 5°C. Puis je me fis un café. On sonna à ma porte. C’est là qu’elle m’apparut. Je ne saurais décrire l’émotion qui me saisit au moment où son regard rencontra mon regard. – Bonjour Monsieur. Je vends des fleurs. Voulez-vous un bouquet ?

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              J’achetai trois bouquets de roses. Tout résonnait de sa voix, le mobilier, les murs, le ciel, aussitôt que j’eus mis les fleurs dans leur vase. Comment dire ? Le temps s’arrêta sur ce nouvel élément du décor. La matinée se transmua en embellie florale. Une musique des sentiments me prit, qui s’inspirait du motif en bourgeons et d’un blues diffusé à la radio. J’écrivis. Pour la dame aux fleurs, pour son offrande. Ce fut le commencement sans fin d’un renouveau du jour, d’un renouveau de la nuit. Et jusqu’à la nuit j’écrivis. Je devins oiseau nocturne s’élevant sous le firmament à telle heure tardive. Je ne manquai pas de prier l’azur de me guider ou de me rassurer sur mon chemin aérien. Les rêves, lorsqu’enfin je m’endormis, me reçurent en leur palais. J’avais composé pendant la journée entière, un récit, en hommage à cette jeune femme qui m’avait sorti de ma torpeur. La nuit onirique me reçut donc, au terme d’une phrase devant clore pour le moment mon histoire. Il devait être vingt-trois heures. Je me couchais à minuit après mon épisode habituel à consulter Internet, regarder la télévision puis écouter la radio. Les rêves me situèrent dans un grand jardin fleuri, non loin d’un rivage océanique. J’entendais les vagues en mouvement ; je pouvais aussi voir les sommets des montagnes enneigées. Je portais l’uniforme. On approchait du printemps mais la température était froide encore, la neige toujours présente alentour. Tandis que je regardais les tulipes multicolores, nombreuses sous la serre, on m’appela sur mon portable. C’était Azur, notre secrétaire. Je devais rejoindre très tôt le Q.G. Ce fut tout. Je jetais un coup d’œil sur le potager : les courges, les carottes et les navets étaient presque arrivés à maturité. Ils avaient déjà belle taille. On était en fin de journée. Le Soleil allait se coucher derrière l’océan. Les mouettes criaient agréablement dans l’air. On sonnait à ma porte …

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            Je décillai les yeux, me levai en vitesse, le temps de passer un tee-shirt, le pantalon, allai à l’entrée ouvrir la porte. Elle était là à nouveau. – Voulez-vous des tulipes Monsieur ? J’achetai un gros bouquet de tulipes et l’invitai à prendre un café. Elle entra comme un rayon de Soleil, après avoir accepté. Elle s’assit. Je lui fis un café, la servis d’abord puis retournai à la cuisine pour m’en faire un à mon tour. J’agrémentai le petit-déjeuner de beignets à la fleur d’oranger que j’avais moi-même préparés l’avant-veille à mes heures vacantes. Elle trouva l’appartement joli. – Vous êtes fleuriste Madame ? demandai-je. – Oui, ou plutôt non, je travaille au service d’une fleuriste. Elle me dit l’adresse. C’était à deux rues d’ici, à proximité de la station de métro du quartier. – Et vous Monsieur ? me demanda-t-elle. – Informaticien. La discussion s’anima. On rit. Elle lut les pages que j’avais écrites, s’étonna de la ressemblance que mon personnage féminin avait avec elle. Elle se prénommait Azur elle aussi. – Alors, bienvenue dans ma fable Azur, lui dis-je avec humour. Elle sourit. Le texte sembla lui plaire. – C’est assez chou, me confia-t-elle. Elle repasserait sans doute en cours de semaine prochaine. Je la remerciai. On se salua. Je pris une douche puis me mis à ma tâche de programmation. Nous étions dimanche. Demain, le travail recommencerait au bureau. Je laissai reposer mon histoire pour cette fin de week-end. Peut-être un autre jour, dès que je la reverrai, si elle daignait surtout reparaître sur le seuil, telle la Muse. Je passai ainsi à un nouveau travail d’écriture. Je devais aligner quelques nombres de plus, les assortir à plusieurs équations, soit parfaire le programme avant la nuit. J’avais, je ne sais pourquoi, ce sentiment que le hasard est à considérer en priorité dans nos existences. Azur était grandement considérable ; par conséquent, je m’en tins à mon devoir et uniquement à mon devoir d’officier informaticien.

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              Elle revint. C’était le mercredi soir de la semaine. Je finissais de dîner. Elle n’avait pas de fleurs à m’offrir. On discuta. – À mes heures. Je vends des fleurs à mes heures, dit-elle. Elle travaillait à sa thèse pour quelques mois de plus, jusqu’à la soutenance de juin. Nous étions en février. Elle aidait son amie fleuriste. – Ma troisième.  Je ne compris pas de suite. – Ma troisième thèse. Pour un troisième doctorat, ajouta-t-elle. J’hésitai, puis demandai :  – Dans quelle discipline ? Il s’agissait d’un sujet de mathématiques générales. – Et vous habitez le quartier, Azur ? – Deux étages au-dessus de celui-ci, me répondit-elle. Elle habitait l’immeuble, néanmoins je ne l’avais jamais vue. – Je pars tôt à l’Université. Ou bien je reste chez moi. Les fleurs, le week-end. Je fus certes interloqué par sa discrétion mais surtout par sa puissance de travail.  – Du sport, Azur ? Oui, bien sûr, elle pratiquait aussi le sport. La conversation se poursuivit jusqu’à vingt-trois heures ce mercredi. Elle bâilla, me salua. – On s’embrasse ? demanda-t-elle. Elle m’embrassa. Je fermai la porte. J’allai dormir. Je ne me souciai plus de rien. Le firmament entrait par ma fenêtre. Je vis une étoile filante. Je m’endormis. Le palais du sommeil m’ouvrit ses portes. 

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         Je me trouvais contre la paroi verticale d’une falaise, grimpant jusqu’au sommet, sans vraiment savoir combien de mètres il restait pour y parvenir. Je gravissais la hauteur majestueuse de craie et de calcaire depuis plusieurs minutes qui me semblèrent durer près d’une heure, quand je pus enfin apercevoir le plan horizontal de la cime, le regard toujours posé droit devant. Le plateau d’arrivée était verdoyant. C’était une prairie à la lisière d’un bosquet. Après un nouveau laps de temps de marche lente, je le revis en contrebas du lieu où j’étais, proche du petit bois, sur une pente descendante qui dominait l’océan : le jardin ! Il ressemblait en tout point à celui que j’avais rêvé l’autre nuit. Je me retrouvai soudain dans la serre aux tulipes, à regarder ces fleurs multicolores et nombreuses. Puis ce furent des pépiements, des chants d’oiseaux qui volaient tout autour à l’air libre, moineaux, mouettes et goélands. Le réveil sonna. Je me levai, pris mon petit déjeuner, une douche, mon uniforme et partis travailler.

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         Je la revis par hasard deux semaines après, au moment où elle prenait l’ascenseur pour monter chez elle. Elle me sourit. – Ça va ? me demanda-t-elle. Oui, tout allait bien. Je n’avais rien écrit depuis sa dernière apparition. Peut-être reprendrai-je quelque jour la suite. Qui sait ? À croire que le hasard fait bien les choses, puisque ce bref moment où nous nous croisâmes, l’espace de cinq minutes devant l’ascenseur, alors que je sortais et qu’elle gagnait son appartement, fut peut-être l’occurrence d’une nouvelle rencontre. Elle sonna un samedi. – Voici pour vous. Je vous l’offre, me dit-elle. Son visage rayonnait de joie, de grâce. Elle me tendait un magnifique bouquet de tulipes de toutes les couleurs, que je mis à part sur la petite table située près de la baie vitrée donnant sur le balcon. Moineaux, mouettes et goélands volaient et chantaient dans l’air au-dehors. Le Soleil se couchait sur l’océan. C’était le premier soir du printemps. Je l’invitai à dîner. Elle accepta, décida de m’aider à préparer le repas. Nous fîmes un risotto aux légumes d’hiver, courge, carotte et navet. Le tout accompagné d’un ragoût de lotte au safran. Elle fit le choix du vin, sec et capiteux s’il en est. Son absolu de parfum ajoutait en outre aux senteurs florales des bouquets qu’elle m’avait offerts. Mon appartement s’était transmué en un jardin fabuleux que comblaient les fragrances du jasmin bleu et de la rose de Damas.  Il avait la couleur de l’espérance. Les mots venaient. Les mots allaient sous la forme d’un dialogue qu’accompagnait un fond musical aux rythmes variés. Ces mots s’organisèrent en un tissu qui fonde la narration. Lors Azur entra dans la fable comme personnage principal. Au demeurant, une histoire d’amour dont elle est à la fois la Muse et l’autrice. Je suis le narrateur, avec toute l’humilité et la sincérité que mon statut exige. Soit l’instance que l’autrice m’attribua. Quand nous sortîmes sur le balcon à la nuit tombée, la ville proposait ses illuminations. Nous nous trouvions presque à la hauteur d’une falaise et l’on pouvait écouter le tempo de l’océan au loin. Elle me tendit une page manuscrite. Elle avait écrit de fait un ensemble rythmique que deux poèmes composaient. Le premier figure à l’ouverture de ce moment narratif. L’autre est celui qu’elle me suggéra de disposer en guise d’épilogue.

 

 

L’azur brillait de mille étoiles

Quand il accepta son bienfait,

Des fleurs que le printemps offrait

Sous les ciels lors couverts de voiles.

 

Par impressions dont maintes toiles

Découvrent parfois un portrait,

L’azur brillait de mille étoiles

Quand il accepta son bienfait.

 

Ainsi Poème tu dévoiles

Comment chacun de nous portait

L’Amour et le concrétisait

Dans un regard, qui fut sans voiles.

L’azur brillait de mille étoiles.

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                                            Jean-Michel TARTAYRE

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