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montagnes

PUBLICATIONS LXI

Récit fictionnel

Jouer de la harpe

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

UNE ENQUÊTE D’ART JUNGLE

 Crīmĕn

 

 

 

 

Récit fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

« – Poursuivez Madame, je vous en prie. 

– Quatre à cinq fois par jour, parfois davantage, Lieutenant Jungle. J’inclus dans cette fréquence les gifles et les vexations.

– C’est lui qui vous a fait ça ?

– Oui, Lieutenant. Il n’y a pas que le visage. Regardez mes bras.

– Bien, je vais vous conduire chez le médecin sitôt que j’aurai saisi votre plainte.

– Lieutenant ?

– Oui, Madame ?

– J’ai peur.

– Depuis combien de temps votre mari vous bat-il ?

– Depuis le jour de notre mariage, Lieutenant.

– Combien d’années ?

– Nous sommes mariés depuis cinq ans.

– Et pourquoi ne pas l’avoir dit avant ? Plus précisément, pourquoi ne pas être venue déposer plainte plus tôt, dès le début ?

– J’ai peur de lui, Lieutenant.

– Avez-vous des enfants, Madame ?

– Non, Lieutenant.

– Est-ce que votre mari boit ?

– Il boit, il se drogue.

– Quelle profession exercez-vous, Madame ?

– Je suis ingénieur, Lieutenant.

– Dans quel domaine, Madame ?

– L’informatique. Mais …

– Mais, Madame ?

– Il m’interdit de travailler.

– Quelle profession exerce votre mari ?

– C’est le directeur de la Société R.A.L.

– Je ne connais pas. Quel est le secteur économique concerné ?

– Il s’agit d’une société d’assurance.

– Où habitez-vous, vous et votre mari, Madame ? Oui, pardon, je vois sur votre pièce d’identité. Bien, j’imprime le document … Veuillez signer … ici, s’il vous plaît … Merci. Je vous conduis chez le médecin. »

 

De retour dans mon bureau, je baisse les stores de quelques centimètres en raison de la lumière rasante de cette fin d’après-midi, consulte à nouveau les informations sur mon écran d’ordinateur et me rends dans le bureau du Commandant O. Elle gronde : « Il la bat tous les jours, quatre à cinq fois, si ce n’est plus ? Je contacte le Capitaine B. Il vous faut convoquer le mari, écouter au moins sa version. »

 

Le Capitaine B. nous rejoint au terme de quinze minutes. Le Commandant O. lui présente le cas, puis elle dit : « Elle ne doit pas revenir à son domicile. Nous allons lui trouver un logement provisoire. J’attends le diagnostic du médecin. Je pense que vous pouvez vous rendre au Département Médecine, Messieurs, pour savoir ce qu’il en est. »

 

Le diagnostic est révélateur de ce que cette dame a subi depuis cinq années.

 

Le Commandant O. en fait le tragique constat, lorsque nous le lui présentons :

« – Je lis : … traces récentes de viol, blessures sous la forme de lésions et commotions nombreuses, … je passe sur les détails, Messieurs. Je vous fais une photocopie. Où est cette dame ?

– Le médecin lui a trouvé une chambre de repos. Elle dort, mon Commandant.

– Bien. Merci, Capitaine B. Messieurs, nous avons l’adresse. Il est bientôt 19 heures. Je vous engage à vous rendre au domicile de la victime. Nous n’allons pas attendre. Remettez directement la convocation au mari … tenez, Capitaine. Je souhaiterais l’entendre ce soir dans nos locaux. Nous nous comprenons ?

– Affirmatif, mon Commandant, dis-je.

– Nous nous revoyons à 21 heures, avec le mari, pour la garde à vue. À tout à l’heure, Messieurs. »

 

Nous montons à bord de la 508 PSE, le Capitaine B. et moi. Je conduis. Le trajet jusqu’au domicile dure presque une heure. C’est une villa cossue située en bord de mer. J’arrête la voiture sur le parking devant l’entrée. Je sonne au portail. Une voix masculine se fait entendre à l’interphone. Le Capitaine B. nous présente. Nous montrons nos insignes respectifs face à la caméra extérieure. L’homme commande l’ouverture du portail. Nous entrons dans la villa après avoir remis la convocation à l'homme ; je lui décris ensuite les faits, en les résumant  d'après le dépôt de plainte. Il écoute et manifeste très peu de résistance aux questions que  le Capitaine B. et moi lui posons. Il semble confus. Enfin, nous lui demandons de nous suivre.

 

À 21 heures, le Commandant O. le reçoit et nous demande de rester dans son bureau pour participer à l’interrogatoire. Elle invite l’homme à s’assoir. Le Capitaine B. et moi prenons place aux côtés du Commandant. Cette dernière prend la parole, disant :

« – Monsieur, je viens de parler avec votre épouse dans le cabinet médical du Colonel F. Elle s’est réveillée il y a de cela deux heures. Je me suis entretenue avec elle. Je suis en possession de son dépôt de plainte, du diagnostic médical signé par le Colonel et d'une copie de la convocation qui vous est officiellement destinée et que mes collègues vous ont remis. J’ai par ailleurs effectué des recherches sur vous Monsieur R., et sur vos revenus. Vous avez hérité d’une propriété familiale et possédez l’immeuble résidentiel situé boulevard de l’Océan, au numéro 26 précisément. Est-ce exact, Monsieur R. ?

– Oui, Madame.

– Bien. Votre épouse croit que vous êtes à la tête d’une société d’assurance, la société R.A.L. C’est faux, j’ai vérifié. Cette société n’existe pas. Est-ce exact, monsieur R. ?

– Oui, Madame.

– Venons-en aux faits maintenant. Vous martyrisez votre épouse, Madame R.

– Madame ! s’insurge l’homme.

– Taisez-vous ! Je vais vous donner de la lecture … Voici, Monsieur … Le diagnostic du Colonel F., le Médecin-Chef du Secteur 3.

– …

– Le viol est récent. Il date de deux jours. C’est ce qui a décidé votre épouse à venir déposer sa plainte. Je la cite : Il m’a violée parce qu’il a vu que je m’occupais de mon site Internet. Cela s'est passé avant-hier soir. J’ai regardé son site, Monsieur. Elle crée et publie des enquêtes philosophiques, des critiques d’ouvrages relatifs aux sciences exactes et aux sciences humaines, de belles histoires, des fictions, qui n’ont strictement rien à voir avec vous ni avec ce qu’elle vit avec vous. Ce site est de surcroît le seul moyen qu’elle a de s’exprimer et il lui revient de droit. De jure !Vous la harcelez et la battez néanmoins depuis plusieurs années, cinq ans exactement. Vous vous acharnez sur votre épouse depuis le lendemain de votre mariage. Elle n'est pas votre bien ! Elle est, stricto sensu, une personnalité juridique ! Où allez-vous tous les matins, Monsieur R., lorsque vous dites à votre épouse que vous partez au travail ?

– J’ai aussi un appartement à moi au 26.

– Appartement où vous gérez vos affaires, j’imagine, y compris celles qui manquent de transparence, n’est-ce pas ?

– Qu’est-ce que vous racontez ?

– Monsieur ! Vous êtes un toxicomane ! Voyez ce que votre épouse m’a remis entre les mains lors de notre discussion. Par souci de vérification, j’ai porté ce bloc de poudre blanche au labo des Stups. Le résultat du labo est pour le moins explicite : « Cocaïne ». Votre épouse l’a trouvé dans l’un des tiroirs du placard meublant votre salle de bains. Qu’avez-vous à ajouter, Monsieur ? »

 

Soudain, l’homme se lève, furieux, insulte notre Commandant et cherche à quitter la salle. Le Capitaine B., beaucoup plus vif, se poste devant lui, le fait assoir et lui passe les menottes. Le Capitaine B. se tient dès lors debout près de l’homme. Ce dernier hurle : « P … ! » Le Capitaine B. réagit aussitôt et gifle puissamment l’homme, qui tombe de sa chaise. Le Commandant O. poursuit son réquisitoire :

« – Soyez poli, Monsieur. Le Capitaine B. n’hésitera pas. Je continue, si vous le permettez …

– Ta gu … ! »

Le Capitaine B. s’exécute une nouvelle fois et assène au mari une gifle plus forte que la précédente. L’homme saigne du nez. Le Capitaine B. le relève, le fait se rassoir, ouvre la boîte à pharmacie du bureau et lui enfonce un morceau de coton dans la narine. Le Commandant O. reprend la parole :

« – Monsieur, soyez compréhensif. Vous avez des circonstances aggravantes. Ne compliquez pas votre situation, s’il vous plaît. Nous avons toutes les preuves concernant vos actes de délinquance. 

– Délinquant ? Vous me traitez de délinquant, moi ?

– Vous êtes un criminel, Monsieur R., et vous allez être jugé d’après vos actes. Vous êtes passible de prison ferme, Monsieur R.

– Je vous emm … ! »

 

L’homme cherche à se lever à nouveau en direction du Commandant O. Le Capitaine B. lui donne un violent coup de coude au niveau de la clavicule droite et l’oblige à se rassoir. L’homme hurle : « Je veux mon avocat ! » Le Commandant O. répond :

 

« – Vous avez droit à un avocat, Monsieur R. Nous vous gardons pour la nuit. Vous étiez déjà entre les mains de la Justice dès votre entrée dans nos locaux, dès que vous eûtes franchi le seuil de la porte de ce bureau, où je vous interroge depuis plus d'une demi-heure. Il est 21 heures et 41 minutes. Lieutenant Jungle, vous avez tout enregistré ?

– Affirmatif, mon Commandant. J’ai l’enregistrement audio et l’enregistrement vidéo.

– Merci, Lieutenant. À inclure dans les pièces à conviction du dossier.

– Je …, hurle encore Monsieur R. Mais notre Commandant le coupe.

– Taisez-vous, Monsieur ! Ou cela risque de vous coûter encore plus cher. Monsieur R., conclut-elle en fixant son interlocuteur droit dans les yeux, ne prenez plus jamais contact avec votre épouse, n’y pensez même pas. Elle bénéficie à cette heure de la protection ex-clu-si-ve, j’insiste, de nos Services. La Femme, Monsieur, La Femme ! Vous aurez le temps d’y réfléchir. Lieutenant, Capitaine, vous pouvez l’emmener. Merci. »

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

UNE ENQUÊTE D’ART JUNGLE

 Crīmĕn II

 

 

 

 

Récit fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

 

« – Asseyez-vous, Monsieur, je vous en prie. Je me présente : Lieutenant Jungle. Donc, je lis que vous avez des antécédents judiciaires, dont deux braquages. Vous récidivez, après avoir passé dix ans en prison.

– Qu’est-ce que vous me reprochez ?

– Le flagrant délit est toujours explicite. Vous avez volé une voiture. Le véhicule appartient à Madame et Monsieur J. Et vous avez changé la plaque d’immatriculation.

– Comment pouvez-vous savoir que j’ai changé la plaque d’immatriculation ?

– Le Brigadier-Chef R. l’a découverte dans un fossé, à un kilomètre du domicile de Madame et Monsieur J. La Police vous a en outre interpellé à quatre kilomètres de ce même domicile, trois heures après le délit. Vous étiez sur la plage, à ce moment-là. Vous aviez garé le véhicule du couple et immatriculé au nom de Monsieur J. sur le parking qui longe une partie du boulevard de l’Océan. Le Brigadier-Chef vous a dès lors demandé votre permis de conduire, la carte grise de la Cadillac CT5- V Blackwing en l’occurrence recherchée ainsi que votre pièce d’identité. Il était 23 heures.

– Il a donc pu constater que la Cadillac m’appartient.

– Non, vous avez eu le temps de changer les photographies de la pièce d’identité et du permis de conduire de Monsieur J., deux documents relativement anciens, je le reconnais, et datant, dans le premier cas, de bientôt dix ans, de trente ans dans le deuxième cas. Il est vrai que l’on peut s’y tromper, car les deux photographies de vous correspondent à ces deux plages d’âge distinctes. Vous avez quarante-huit ans, Monsieur. Vous avez donc le même âge que Monsieur J. Physiquement, on peut également s’y tromper. Vous avez, comme on dit, un faux air de Monsieur J. Poursuivons les faits : vous avez profité du moment où Monsieur J., rentrant de son travail à 20 heures, avait laissé le moteur de son véhicule en marche, le temps qu’il demande à son épouse à l’interphone d’actionner l’ouverture du portail, étant donné qu’exceptionnellement ce jour-là, je le cite, j'avais, déclare-t-il, omis de prendre avec moi ma propre télécommande. Bien sûr, tous les papiers du propriétaire de la Cadillac CT5- V Blackwing, Monsieur J. par conséquent, se trouvaient à l’intérieur du véhicule. Il vous a fallu 20 à 30 secondes pour monter à bord et démarrer sur les chapeaux de roues. Vous observiez depuis longtemps sans doute les habitudes du couple.

– Je vous confirme que je me trouvai déjà à la plage quand cela s’est passé.

– Depuis quelle heure ?

– J’y ai passé l’après-midi. J’ai posé ma serviette à 14 heures.

– Il a fait chaud pourtant hier.

– Oui, et alors ?

– Je vous dis que vous n’avez pas pu rester six heures sur la plage avec le Soleil d’hier. Deux heures au plus.

– C’est pourtant vrai.

– Vous mentez, Monsieur.

– Et vous, vous manquez d'arguments. Quelles preuves avez-vous pour m’inculper, Lieutenant Jungle ?

– J’y viens. Les numéros d’identification de la carte d’identité et du permis de conduire sont ceux de la personne et du citoyen de K. qu’est Monsieur J.

– C’est sans doute une énorme erreur.

– Vous vous moquez, Monsieur. Les empreintes digitales enregistrées et correspondantes à ce numéro CNIE sont celles de Monsieur J. Vous vous appelez Monsieur J. ?

– Non.

– Non. Vous reconnaissez enfin vous appeler … Vous appeler ? …

– Monsieur F.

– Voilà … Et puis surtout, Monsieur F. …

– Quoi encore ?

– On ne vole pas une Cadillac CT5- V Blackwing. Au mieux, on l’essaye.

Gens

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

UNE ENQUÊTE D’ART JUNGLE

 Crīmĕn III

 

 

 

 

Récit fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« – Je vous cite, Monsieur, je te réduirai à néant. C’était bien votre intention, n’est-ce pas ? C’est dans sa déclaration.

– Oui, je confirme.

– Vous avez réussi.

– Plaît-il ?

– Il est mort. Mais venons-en aux faits. Monsieur H., avant de se suicider, s’était rendu dans nos locaux, comme je vous l’ai dit précédemment, pour porter plainte à double titre. D’abord, à propos d’un harcèlement, justifié je précise, qu’il subissait depuis plusieurs années, au moins quatre ans si l’on tient compte des premiers appels téléphoniques ; ensuite, à propos de plusieurs vols commis à son domicile et, c’est le clou, sur son compte bancaire. Une de vos deux entreprises n’en est pas une. Vous êtes à la tête d’un réseau criminel qui sévit sur notre région et qui s’en prend au particulier. Vous vous en prenez lâchement à des personnes qui font des économies en gagnant leur vie avec honnêteté. Ces personnes, souvent vulnérables, qui s’inscrivent dans la catégorie des foyers modestes. Monsieur H. vous a nommé lors de sa déclaration. Nous avons vérifié et l’origine des appels téléphoniques et la dénomination de votre société, qui n’est de fait qu’une société écran, un faire-valoir pour commettre vos forfaits. Et pourtant, vous êtes connu, Monsieur P. Vous bénéficiez en outre d’un statut social qui vous permet de gagner très bien votre vie. J’avoue que je ne comprends pas cette double personnalité qui manifestement vous affecte. Lieutenant Jungle, je vous en prie.

– Oui, mon Capitaine. Merci. Je voudrais savoir, Monsieur P., ce qui motive votre désir de nuire à la société. Autre chose : que vous avait fait la victime, Monsieur H., pour que vous vous en preniez à elle avec autant d’acharnement ?

– Lieutenant, d’abord je ne répondrai pas à votre première question, car j’estime qu’elle part d’un point de vue très subjectif, le vôtre en l’occurrence. Je suis un honnête citoyen, sachez-le, Lieutenant. Ensuite, s’agissant de Monsieur H., pour être franc, je ne l’aimais certes pas. Mais je ne suis en rien responsable de son suicide.

– Que vous avait-il fait précisément ?

– Rien.

– Comment ça, rien ?

– Il m’ignorait.

– Et il fallait que vous vous fassiez remarquer auprès de lui, n’est-ce pas ? Parce qu’il n’a pas souhaité répondre à votre proposition de vente, il nous l’a dit. Capitaine B., pardon … je vous laisse la parole.

– Merci Lieutenant. Monsieur P., je cite la victime : Il souhaitait me vendre, il y a quatre ans, un bateau que je ne pouvais raisonnablement pas acheter. Plus précisément, je lui avais juste téléphoné pour obtenir davantage d’informations, car j’avais lu son annonce dans le journal Top Info Région. Monsieur P. m’a ensuite donné le prix réel de vente du bateau. J’ai refusé. Son harcèlement a commencé dès ce jour. Mais le vrai problème, Monsieur P., n’est pas là.

– Que voulez-vous dire, Capitaine ?

– Je veux dire que vous êtes connu pour être un bon chef d’entreprise. Mais outre la Société P., spécialisée dans la vente des bateaux, il demeure la société écran dont vous êtes aussi à la tête. Nous avons vérifié d’après les multiples plaintes déjà déposées avant celle de Monsieur H. Nous savons que c’est vous. Je travaille pour la Brigade Financière. Regardez, Monsieur P., ce relevé bancaire, c’est le vôtre. Tous les montants des vols que vous avez commis s’y trouvent.

– Où vous êtes-vous procuré cela, Capitaine ?

– Sur votre autre compte bancaire. Celui que vous n’avez jamais déclaré aux Autorités Françaises. Oui, Lieutenant Jungle, je vous laisse poursuivre ...

– Écoutez, Messieurs. Le Capitaine, puis le Lieutenant. Le Capitaine après le Lieutenant. C’est l’Inquisition ou quoi ?

– Tais-toi ! lui répond le Capitaine B.

– Capitaine B., je ne vous permets pas !

– Tais-toi, P. ! dis-je à mon tour.

– Je demande à voir mon avocat ! Je ne parlerai qu’en sa présence ! 

– Correct, conclut le Capitaine. »

 

Une heure passe après que j’ai contacté l’avocat de Monsieur P. Le Capitaine et moi sommes sortis du bureau pour rejoindre le mess. Monsieur P. est resté assis dans le bureau du Capitaine. À 14 H 30, nous avons proposé à Monsieur P. de se restaurer à son tour. À 15 H, chacun s’est restauré d’un Pan Bagnat et d’un thé à la bergamote, Monsieur P., le Capitaine B. et moi. L’avocat de Monsieur P. est là. Il s’assoit à côté de son client. Le Capitaine lui donne à lire les documents relatifs à l’affaire. Au terme d’un quart d’heure de silence studieux, je reprends l’interrogatoire :

 

« – Les faits sont là, Monsieur P. Est-ce que vous comprenez ? À l’heure qu’il est, 15 H 15, ce jeudi, deux Brigades d’Intervention interpellent vos sbires. Car le vrai problème, Monsieur P., comme l’a dit le Capitaine B., c'est le résultat de vos agissements. Un homme est mort à cause du danger et de la menace que vous représentez aux yeux de la société. Par ce mot société, j'entends le groupement organisé des êtres humains, ainsi que l'entend la Loi. Vous serez jugé d’après vos actes, Monsieur P. Nous avons les preuves. Maître C., votre avocat, les a lues. Il faut apprendre à se contenter de ce que l’on a, Monsieur P. Vous le savez, notre Côte Ouest, près du Chant de l’Embouchure, est un vrai paradis. On y pratique les compétitions d’offshore et la pêche sportive. J’y participe moi-même, avec grand plaisir. Notre région est belle, Monsieur P. Vous auriez pu contribuer, à titre d’entrepreneur reconnu sur la Côte Ouest, à enrichir les loisirs et les promenades sur l’eau de la société de K. Au lieu de cela, vous l’avez abusée.

– Arrêtez avec vos leçons, s’il vous plaît, Lieutenant.

– Non, c’est moi qui vous arrête, Monsieur P. Un homme est mort. Au demeurant, vous auriez dû prendre le large au sens rationnel du terme. Monsieur H., était un jeune homme de vingt-et-un ans. Il aimait la vie. Il venait d’obtenir brillamment son Master Mention Droit Pénal et Sciences Criminelles. C’était un compétiteur. Il pratiquait le rugby, la boxe chinoise, le surf et l’offshore. Il fut même sacré l’an dernier Champion Régional d’Offshore. Il rêvait de pouvoir vivre de ce sport nautique.  Vous le connaissiez, comme nous tous, les habitants de K., sans aucun doute. Mais, je le répète, les faits sont là et ils vous accusent, Monsieur P. »

contracteur

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