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montagnes

PUBLICATIONS XXXIII

Poèmes

Harpe

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

FRAGMENTS D’UNE RHAPSODIE

 

 

 

 

 

Poèmes

Montagnes brumeuses

Des accords mineurs se croisent, et filent, des cordes montent des berges.

                                                                  Arthur Rimbaud






                        PROLOGUE

 



Se voulant avec rigueur contre lui-même,
Il court vers l’azur afin d’y demeurer ;
Où l’on puisse là comprendre le mot « aime » –
À son instance induite non s’épeurer.
Un air, une mélodie dont l’idée même
Le soumet et loin d’être triste à pleurer
Devant son miroir, il chante ce qu’il aime –
La vie ; mais sans l’excès qui pourrait leurrer.
Tout, dans la structure du chant, est mode
De phrasés à entendre avec respect,
Selon telle ou telle clef, ballade ou ode ;
Voix et signe à la fois, tenu audit mode,
Il s’inscrit dans un ensemble dont l’aspect
Est celui des Cités, – devenu rhapsode.








                             CHANT PREMIER

 



La force le gagnait à regarder toute
L’étendue devant lui depuis ce sommet ;
Un ciel d’aube bleue qui éclairait la route
L’invitait à poursuivre, non sans arrêt,
Jusqu’au campement ; la crainte ni le doute
Ne faisaient obstacle, il prit par la forêt
Des grands cèdres – lors Phoebus dorait la voûte
Céleste, face à qui l’Heure se soumet.
Ce fut un matin calme et plein d’agréments
Chromatiques – du bleu au vert nuancés
Sous les cimes hautes aux senteurs d’encens.
La rosée les habillait de firmaments,
Aurait-on dit, du fait des éclats lancés
Par Phoebus sur l’eau gemmée, dans tous les sens.





 


Rien ne m’appartient, la vie est suffisante.
Une sentence qu’il se disait souvent …
A fortiori, dans la forêt où tout chante !
Songeait-il encore ici et plus qu’avant.
Tel cadre idéal où règnent arbre et plante,
Qu’il parcourut d’abord du regard aimant
Lié à la découverte qui enchante
Puis il reprit sa marche au rythme du vent.
C’était une jungle grande de merveilles
Car il put y pêcher, chasser ou cueillir,
Captant des notes la nuit pendant ses veilles
À l’abri d’un roc embelli grâce aux treilles
Qu’il conçut et entretenait sans faillir ;
Et tout le jour y butinaient les abeilles.





Forêt grande où dessous le roc il compose
À l’aide de branchages, coupant, tressant …
Au terme de nombreux jours, tel matin rose
De la première heure après la nuit, un chant
S’ordonna des fleurs en leur structure éclose,
Dont il avait construit le support ; autant
Qu’il en planta, ensemble jasmin et rose
Épanchaient lors des notes au ton charmant.
À les voir de concert, il les entendait
Ainsi qu’une harmonie chromatique juste
Où parfois les essors du vent cristallisent.
Couleur était note que la fleur tendait
Vers son âme, inspirant il gonfla son buste
Et l’aurore fut champ que les fleurs irisent.







                     CHANT DEUXIÈME

 



L’aurore fut le moment de changer d’aire …
Il quitta le roc et pensait à l’après
Devant lui – soit combien de choses à faire
Jusqu’au campement, être des siens auprès.
Sortant de la forêt – c’était l’heure claire
De Midi – il s’assit au pied d’un cyprès
Et observa l’horizon ; la nouvelle aire
Était l’étendue des falaises de grès,
Hautes jusqu’au ciel que le Soleil éclaire.
Le grand fleuve trônait entre les parois
Comme un roi enchanteur jouant de sa lyre
La paix et la magnificence du monde.
L’ouïe attentive, il contempla les lois
D’un tel opéra qui se donnaient à lire
Et entendit les chants où le Bien abonde.





Il s’approcha du fleuve, prit une pierre
Et la jeta dedans ; la pierre coula
À une grande profondeur. – L’âme fière,
Il plongea malgré le fort courant et là,
Dans l’eau, il put identifier cette pierre
Qu’il avait lancée et non loin se plaça
Pour observer les effets, comme en lisière.
Lors un banc de poissons auprès s’avança …
En une demi-seconde, il réagit
Sur le mode d’une progression discrète,
Armé de son javelot, le long du lit,
Tel le serpent d’eau qui tout à coup surgit.
L’arme fusa donc depuis le point d’arête
D’un rocher et au but en rien ne faillit.

 




 


Cette nuit-là il s’endormit près du fleuve,
Au pied d’une haute montagne enneigée
Et quand le Soleil se leva l’autre épreuve
Consistait à gravir la paroi, jugée
À ses yeux abrupte ; or il en eut la preuve
Sur les premiers mètres. – L’Aiguille, érigée
Par la tribu en une très rude épreuve,
Présentait un angle presque droit, plongée
Qu’elle était, aurait-on dit, dans le ciel bleu
Du matin telle la lance d’un géant.
Il parvint néanmoins à sa blanche cime
Où il découvrit la fin de cet enjeu –
Bâtir un refuge et s’en porter garant
Contre l’intempérie, ou l’idée d’abîme.








                  CHANT TROISIÈME

 



Il s’agit d’une contrainte nécessaire
Qui Nous est due
, avait ordonné le roi.
Tout en y pensant, il contemplait son aire
Nouvelle sise à la cime de ce toit
Rocheux, après avoir accompli l’affaire
Du refuge malgré la neige et le froid.
Il se nourrissait de gibier non sans faire
Des longues marches avec arc et carquois.
Il se tenait donc là, face au paysage
Qu’un temps clair ce jour présentait à ses yeux,
Et ne pensait à rien – la règle d’usage
Lorsqu’on se tient sur les degrés du nuage
Comme il l’était, tel le messager des dieux,
Contre l’air, très loin au-dessus du rivage.





Il regarda le ciel, assis sur la pierre,
Le temps d’une écriture en vers au cordeau
À même le sol de neige – et sur cette aire
Dite du Passage, y joignant chaque mot.
Il associa donc les vocables par terre
En s’inspirant de la musique de l’eau
Et des rythmes nombreux que le ciel libère
Grâce à ses chromatismes blanc bleu, très haut.
La neige prit la forme d’un paysage
Dont l’harmonie fut le reflet musical
De l’air et de la terre – comme une page.
Il raconta sur le mode du voyage
La danse des éléments, ce lien vital
Pour notre existence entre roc et nuage.




Seul en sa demeure aux cloisons de granite
Et par ces jours de neige, il était heureux,
Apprenant la survie partout sur le site ;
Chassant, pêchant, à l’image des plus preux
De la tribu, n’y voyant aucun mérite
Mais plutôt un ordre à satisfaire au mieux
Pour le bien de tous – que la sagesse abrite,
Les gens les plus jeunes comme les plus vieux.
Mainte nuit il écoutait le chef des loups
Chanter à la lune, en préparant un feu
Avec la garantie du gros tas de bûches
Qu’il avait conçu contre les mauvais coups
Du temps, les tempêtes ; – dès lors, pour un peu,
Il aurait applaudi, sans peur des embûches.





Une pierre tomba soudain dans le vide
Sous les pas de l’animal, un beau matin ;
Il neigeait beaucoup, il prit son arc solide
Et son carquois puis se mit sous un sapin,
Assis mais prêt à réagir, impavide ;
Quand elle apparut … – Un signe pour qu’enfin
Il puisse, avisé de l’instant qui décide,
Prévenir toute attaque ou fixer sa fin.
La panthère des neiges le regarda
Quelques minutes et poursuivit sa route,
Plongea du sommet jusque sur la paroi
À nouveau, du Soleil suivant chaque pas
Et de ses clartés – qui parcouraient la voûte
Neigeuse aux flocons portés par le noroît.





Il ne s’empêchait en rien d’être au poème
De la nature que le Passage offrait ;
Tous les jours, il composait d’après ce thème
Maint chant et il y trouvait un grand attrait.
À voir la nue figurant la blancheur même
Fut aujourd’hui l’occurrence du portrait
D’une statue de neige dont, de lui-même,
Il avait par jeu hier conçu chaque trait.
Et voici ce qu’il écrivit sur le roc :
Jours de neige qui m’octroyaient le bonheur
D’être en vie, à votre puissance je dédie
Ces vers librement inspirés par ce bloc
Où je sculptai le visage d’une fleur,
Soit tel idéal de la grâce accomplie.








                    CHANT QUATRIÈME

 



Vint le jour de quitter le toit du Passage
Quand l’heure au Soleil prit son envol nouveau
À la saison première tournant la page
Du chapitre Hiver, dont la neige est le sceau.
Il alla près du fleuve, sur le rivage
Et construisit sa tente en fixant la peau
Du gibier chassé autour d’un assemblage
D’étais en bois conçus avec son rabot.
Souvent il regardait les pierres au fond,
Dans la transparence aquatique du fleuve
Lorsqu’il plongeait pour y pêcher le poisson.
Elles étaient multicolores, en rond
Disposées et il connut là l’autre épreuve –
Interdite en était la moindre moisson.





Il ne toucha jamais au cercle des gemmes
Naturellement établi tout au fond
De l’eau et n’y pensa plus, fit des poèmes
Sur la pierre ou le bois, puis chercha le son
Juste pour mettre en voix chacun des lexèmes.
Aussi se fabriqua-t-il un diapason
Rudimentaire – y composant plusieurs thèmes
Autour de quoi prit forme chaque chanson.
Mais la note avait la couleur d’une pierre,
Comme par magie, sise audit fond du fleuve.
Dès lors le Chant fut celui de l’arc-en-ciel,
Dès lors la tessiture, en sa gamme entière,
Fut champ dernier de cette nouvelle épreuve –
Qu’il consacra à tous les astres du ciel.






L’ultime épreuve fut donc celle des cordes,
L’obligeant à faire dans un bloc de bois
Un outil qui servirait ses propres cordes
Vocales. Il coupa et tailla le bois
Jusqu’à dresser une lyre et maintes hordes
De notes y trouvèrent l’Ordre et ses lois
Puisqu’il avait usé, s’agissant des cordes,
De celles de son arc – des plus sûrs alois.
Il chanta au fleuve et aux monts ses fragments
Écrits çà et là sur le bois, sur la pierre ;
Faune et flore formaient le chœur sur la scène
Vaste du canyon. Il dit les firmaments,
Il raconta la clarté dessus la pierre
Quand l’aurore vient – à Notre Terre Reine.





Il dirait en le chantant chaque poème
À son arrivée un soir, parmi les siens ;
Pour l’heure il regardait la perfection même,
Ce lever de Soleil sur les jours anciens
Avant de poursuivre sa route quand même,
Malgré la beauté des lieux, des nouveaux liens
Qu’il avait créés avec soi – nul dilemme ;
D’abord il se devait aux lois des Anciens.
Il longea le fleuve jusqu’à l’affluent,
Prit la direction de ce nouveau cours d’eau
Dans le sens de la descente, vers la plaine.
L’esprit du retour et son ordre influent
Le guidait droit devant, sourd au moindre écho,
Donc affranchi de tout sentiment de haine.

 







                     CHANT CINQUIÈME

 



Il arriva après quelques jours de marche,
Trois jours précisément, sur son lieu natal,
À quelques kilomètres de la grande arche
Où sont les Portes de la Cité du Val,
Mais avant l’échéance ; donc sa démarche
Fut de patienter et il n’eut aucun mal
Sur ce point puisqu’il connaissait une autre arche
Plus haut dans le bois nommé Bois de Santal ;
Or cette arche était l’entrée d’une caverne
Où, plus jeune, il s’était rendu plusieurs fois
Pour y lire l’histoire géologique.
Il retrouva là sa fidèle lanterne
Sise dans une niche, comme autrefois
Il l’avait laissée, intacte et toute en brique.




 


Il appréciait ce lieu grand de solitude,
La caverne. C’était un palais de fleurs
Et de fragrances ; le jour, même au temps rude
De la pluie ou de la neige, est tout couleurs
Dans la vaste entrée ; comme à son habitude
C’est là qu’il vivait, entouré de senteurs
Car la pierre retient l’air puis se dénude
En floraisons de parfums et de lueurs.
Il peignait des histoires ou versifiait
À la lumière du jour et du feu, calme
Après la chasse, la pêche – par fragments.
Signes tracés – sur les parois, qu’amplifiait
Tel pigment, ou sur le bois, longs d’une palme,
Qu’il mettrait en voix – morphèmes et accents.



 



L’aurore végétale se levait rose
Sur la pierre où grimpaient des plantes à fleurs
Et, dedans, la caverne au jour comme éclose
Ressemblait à un grand jardin de senteurs.
Il regarda la vallée quand tout repose
Du sommeil de la nuit, depuis ces hauteurs
Qui l’avaient adopté très jeune – en symbiose,
La ville au loin se fondait dans leurs couleurs.
Le langage de la nature à l’instant
Du regard lui inspira une élégie
Dont le rythme ne portait que sur l’accent.
Il la composa pour lui-même écoutant
Les notes de l’eau à la source surgie
Tout près et au souvenir de l’être absent.



 



La vallée découvrit ses beaux paysages
Dans l’air de midi ; or c’était le printemps.
Il voyait la ville et, autour, les villages
Qui l’invitèrent à penser quelque temps
Au retour. Ce serait de tous ses voyages
Celui qui le conduirait en peu de temps
À destination, retrouver les rivages
Qui longent la mer, vivre parmi les gens.
Il jugea la distance à dix mille pieds
Depuis la caverne jusqu’à la cité,
N’ayant qu’à descendre la verte colline.
L’échéance était un des jours printaniers
Prochains – à laquelle il s’était apprêté
Par des fragments écrits sur bois d’églantine.





Il trouva les mots justes, toujours, pour dire
Ce long chemin d’initiation obligé ;
Écrivant, observant, et sans se maudire
Lorsque l’épreuve, tel un roc érigé,
S’imposa avec des obstacles le pire
Mais lucide, par choix du regard figé
Dessus, le contournant pour mieux le décrire
Puis le dépasser après l’avoir pigé.
Il ne forçait du tout l’imagination,
L’air libre à le sentir était suffisant
Eu égard à l’authentique inspiration.
Ce jour, il prêta à l’absente attention –
Qu’il reverrait tantôt – en lui composant
Ses rythmes léonins de prédilection.





Il avait écrit ces vers en bleu turquoise
En ayant emprunté le pigment aux fleurs,
Sur un rectangle de bois long d’une toise
Et les signes faisaient chacun des lueurs
Se reflétant contre le roc gris ardoise.
On aurait dit un grand jardin de couleurs
Qui crût en rehauts tel qu’un plat-bord pavoise
Et les glycines l’augmentaient des senteurs.
Vers vous Madame ces rythmes, d’un jardin
Au-delà de la cité, où je réside –
De leur vol en couleurs guidèrent ma lyre.
Car c’est dans l’essor du lys et du jasmin
Que ma plume, sur quoi la Grâce préside,
Se fond pour vous donner mon silence à lire.






L’aigle glatit un beau matin, l’occurrence
De rejoindre la cité à l’horizon.
Il quitta son jardin en efflorescence,
La caverne, qui fut aussi sa maison
Sur une durée d’un mois, où la conscience
Eut le temps de s’enrichir avec raison
Face à l’épreuve ; témoignant de patience,
Inspiré qu’il fut aux chants de la saison.
Il avait écrit depuis cette hauteur
Du Bois de Santal les notes du printemps
Tout harmonies et fragrances idéales.
Il reviendrait les chanter avec bonheur
À la Cour du Roi. – Sans aucun contretemps
Il partit, sitôt les clartés aurorales.






                           CHANT SIXIÈME

 



Descendant par les sentes de la colline
Que couvre le Bois de Santal tout du long,
Il s’arrêta aux abords d’une ravine
Pour, entre autres, pêcher à l’arc du saumon.
« Ô les eaux turquoise que l’instant destine ! »
Songeait-il en voyant du torrent le fond
Puis, jouant de sa lyre comme on dessine,
Il s’accorda sur l’eau pour le juste son.
Naquit dès lors son paysage lyrique,
Ce tableau musical que l’instant donnait,
Une orchestration autour des chromatismes
Qu’à ce passage l’eau aux pêcheurs fabrique
Et, tel l’écho, la lyre lui répondait
Humblement grâce au jeu de ses mimétismes.





La cascade bleue fut un beau paysage
Sous les rayons de midi l’illuminant.
Après le repas, il lut la Voie du sage
Sur un rouleau qu’il avait pris en partant.
Car il lisait toujours durant son voyage,
Le matin, le soir ; c’était réconfortant
Dans l’épreuve de consulter tel passage
Écrit, ou plutôt, de lire en apprenant.
Il quitta les lieux non sans s’être baigné
Au préalable dans l’eau turquoise et pure
Puis poursuivit sa route vers la cité.
Le long du torrent, – des senteurs imprégné
Grâce aux rosiers thé à l’épaisse ramure –
Il prenait la mesure de la cherté.





Il se mit à pleuvoir. – Ce fut très rapide ;
Au moment où il s’engageait sur un pont,
Long ouvrage de bois au-dessus du vide
Suspendu, il glissa un peu en amont,
Manquant de tomber, mais resta impavide
Et s’arrêta avant le premier ponton.
Tout, dans cette structure, était très solide
Quoique mobile ; il usa donc d’un cordon,
Marcha avec confiance malgré le vent,
La pluie, qui rendaient cette voie dangereuse
Et passa le pont en une heure de temps.
Après quoi, il continua droit devant
Par une sente pentue et sinueuse
D’où l’on dominait les chutes écumant.





Il regagna, au terme de la descente,
Le bord du torrent élargi désormais
En rapide puis s’avisa de la pente
Et de son dénivelé qu’il estimait –
Eu égard au point où commence la sente,
Après le pont haut – à mille pieds, au vrai ;
L’embellie rendait la mesure évidente.
Le Soleil dispensant à nouveau ses rais,
Il put sans contrainte aller le long du fleuve,
Jusqu’à l’embouchure s’ouvrant sur la mer.
Quand le Soleil se couche, à la huitième heure,
Depuis la grande dune apparut la preuve
De son retour. – Le regard orienté vers
Les terres au loin, il voyait sa demeure.






                       CHANT SEPTIÈME

 



Aussitôt chez lui il défit ses bagages,
Posa des fruits sur la table, des outils,
Puis rangea le tout. Quant à ses belles pages,
Il les rassembla par fragments sur son lit –
Pierre ou plaque en bois évoquant des voyages
Sur le mode du chant – et tous ses écrits
Variaient selon l’heure ou les paysages
Qu’il avait vécus non sans avoir récrit.
Il mangea quelques produits de sa cueillette,
Orange, pomme, et gagna sa chambre azur
Songeant, avant de s’endormir, à la fête
Pour laquelle chaque printemps on s’apprête.
Demain, il irait au palais, l’esprit sûr,
Se présenter au roi pour dire sa quête.





Le jour venu, il réunit ses poèmes
Et traversa la ville jusqu’au palais.
Le roi le reçut dans la salle des gemmes
Que le Soleil illumine de ses rais.
Le roi lui demanda quels étaient ses thèmes
Puis l’invita à faire quelques essais
D’interprétation en lui montrant des schèmes
Musicaux qui pourraient lui servir d’étais
Lors de son spectacle de fin de quinzaine
Devant clôturer les fêtes du printemps. –
Repasse quand tu veux pendant la semaine,
N’importe quel jour et je prendrai la peine
De te dire quelque fréquence et le temps
Qu’il faut. N’oublie pas, tu joues devant la reine …






Il travailla donc durant cette semaine
Aux arrangements musicaux de ses vers ;
Accordait sa lyre et sa voix pour la reine,
Sachant qu’elle trônerait parmi les pairs
Et aux côtés du roi, tout près de la scène
Où il jouerait. S’étant inspiré des mers,
De leur harmonie, pour écrire sans gêne,
Son travail consistait à trouver des airs.
Il revint au palais le deuxième jour
Après son audition et le roi parla
À nouveau afin de lui donner confiance. –
Chaque note doit s’entendre comme ajour
D’un paysage, après l’instance du
la
Et nous proposer sa confortable ambiance.





Il profita aussi la même semaine
De la présence de son amie ; on lut
Et l’on joua ses textes sur une scène
Naturelle du rivage qui leur plut.
C’était en bord de mer, dans la grande plaine
Prolongeant la vallée – après qu’il eut plu ;
Une plage de sable où l’on mit en scène
La note en chœur, aux sons des flux et reflux.
Ils préparaient en duo leur partition
Sous les conseils du roi, scrupuleusement,
Car son amie dirigerait la chorale
Le jour de l’illustre représentation.
Il y aurait maint artiste heureusement
Sollicité par la famille royale.





Ils regardaient courir les chevaux sauvages
Depuis la grande dune, au loin dans la plaine
Et les chevaux se confondaient aux nuages
Dont les formes avaient l’aspect de la laine ;
Une course qui leur inspira des pages
De retour chez soi – chacun dans son domaine,
Elle et lui, évoquerait ces paysages
Vus en bord de mer, de façon claire et saine.
Elle et lui conçurent, en rentrant le soir,
Leur dernière partition pour la clôture
De cette quinzaine de réjouissances.
L’un et l’autre, aux parfums de leur encensoir,
Mêlaient les notes, donnant à l’écriture
Du spectacle le surcroît de leurs fragrances.

 





Peu avant la répétition générale,
Ils allèrent au palais revoir le roi
Afin qu’il les renseigne sur la chorale
Et l’orchestration répondant à sa loi.
Le roi leur présenta le plan de la salle
Du concert où devaient résonner les voix,
L’instrument près duquel l’artiste s’installe ;
Le tout sur un support marqué par des croix
Que ni elle ni lui n’avait jamais vu. –
C’est du papyrus, leur dit Sa Majesté.
Eu égard à quoi le couple fut ému.
Lors le roi, à les voir, fut de même ému
Et leur en offrit un nombre limité
D’exemplaires pour récrire leur vécu.


 





                            ÉPILOGUE

 



Le beau jour arriva de chanter les pages
Composées d’après l’ensemble des fragments.
On l’écouta évoquer ces paysages
De montagnes, de forêts et de torrents
Vécus au loin, sous les conseils des plus sages –
Et du roi lui-même – afin que ses tourments
Éventuels soient traités par des voyages
Dont il pourrait célébrer tous les moments.
Le concert eut lieu dans la salle des gemmes
Avant de se poursuivre sur la Grand-Place.
Elle et lui formaient un duo remarquable
Qu’accompagnait l’orchestre dans tous ses thèmes,
Et, telles les dunes que le vent déplace,
Leurs fragments, dit-on, sont récrits sur le sable.








 

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