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montagnes

PUBLICATIONS XXX

Poèmes

 

 

Jean-Michel TARTAYRE

 

 

LES POÈMES INVOQUÉS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ESSOR AU JOUR

 

       Retrouvant la paix, à voir les plantes grandies au-dessus de leurs pots respectifs et tel, par le confort non négligeable d’un intérieur tout fragrances exotiques dont lesdites plantes s’accommodent, y confondant d’elles-mêmes leurs propriétés végétales, augmentant ainsi chaque parfum de leurs formes élancées dans maintes directions, à l’image d’un accord visuel. La pièce où règnent ces bouquets est un séjour lumineux et musical. À la dimension d’un jardin, comme on évoquerait un carré de jardin, les notes du clair matin, les notes vespérales, comblent ses limites de leur danse orchestrale. J’y jouis d’une transmutation des sens au quotidien.

      J’accoste de fait souvent aux horizons lointains, îles et monts neigeux, grâce à leurs transports soutenus, étant donné que mes sens adoptent lors la voie de l’air et n’ont d’existence qu’à titre exclusif de matière subtile, autour de quoi s’organise le concert végétal. Et souvent aussi j’accours aux autels des déesses et des dieux de jadis. Pour l’heure, c’est un nuage printanier dont j’observai la course au-delà de mon jardin qui me conduit aux rivages anciens des mers. J’y lis entre mes mains des vestiges, au pied du monument des caryatides, soit les rythmes relatifs à la pierre quand le vent du large l’étreint d’hymnes épiques et d’aventures individuelles, collectives. 

        Dans le silence absolu des âges, je découvre les signes, l’Histoire. La mer s’étend à l’infini sur le mode de la courbe asymptotique où elle rejoint le ciel. J’ai à la contempler avec la gravité dont la caryatide est l’exemple parfait pour saisir : je suis aux lieux d’enfance ! Mais nul étonnement, sinon l’entière satisfaction d’être à la mer, à ses harmoniques, comme à mon carré de jardin ouvert sur les fragrances et la promenade des nuages, leur cohérence musicale, ce dépaysant quotidien, me suffisant aux beautés de la nature sur ce point de contemplation. Je vois dans ce phénomène la valeur réelle de l’instant duquel la fenêtre se constitue ici l’objet fondant l’essor, à une heure non précisée du jour ou de son versant nocturne. L’essentiel en est la vision aérienne, sa structure au moment où se pose le regard, outre la distance qui va se simplifiant eu égard au vœu et à la formule de découverte.    

 

 

 

 

OBJET ASCENSION

 

         Une aventure avec raison, qui ne s’encombre jamais de mots inutiles, de droit. Réduit volontairement, au sortir du Conseil et attendu l’accord qu’on ratifia, à ce relief insurmontable, le gravissant jusqu’au seuil par la distance qui suffit, comme transporté aux courants de l’air alentour. Il s’agit d’une chaîne de granite dont j’emprunte quelque voie, entre autres sommets, précisément la face nord. Suivant les témoignages laissés dans les archives de l’école, je m’accorde sans excès d’enthousiasme aux rares expériences des ouvreuses et des ouvreurs que les gens du journal interrogèrent à la mairie après leur ascension. Tous confirmèrent l’exploit. On les prit en photo. On rédigea plusieurs articles.

       Quant à moi, enfant, je lisais celui-ci : « Ils ont atteint le sommet de l’Aiguille ! » Un titre explicatif annonçant par ailleurs la série d’aménagements qui s’est réalisée de nos jours. L’interview est réaliste. Les héroïnes et les héros nous renseignent sur le climat, sur l’état de la roche, de la saison et s’agissant de l’entente cordiale qui sut grâce au dépassement s’harmoniser à de telles contingences. Aujourd’hui encore j’y souscris donc et reprend à mon compte les valeurs de pareil héritage, dont l’abnégation. Nécessairement la corde, puisque nous sommes deux, et j’entends demeurer second. L’homme de tête, autrement dit premier de cordée, m’y invita tandis que le matin ordinaire de janvier m’obligeait à ma tâche quotidienne, sans lassitude mais sans réel dépaysement.

      « Un pari, me dit-il, qui se mérite sûrement. Je vous y convie, car je vous connais d’autres voies accomplies dont maintes faces nord qui font la célébrité des hauteurs sur d’autres chaînes, les Andes par exemple. Comprenez les paramètres, mon frère. Il s’agit bien de l’Aiguille et d’en ignorer les aménagements de notre époque. L’Aiguille des origines, mon frère, afin de vivre l’aventure au plus près de celle des pionniers que l’on statufia. Au nom des pionniers, mon frère, intacts. » J’acquiesçai, avec la fierté d’avoir à suivre les figures et les rythmes de mon interlocuteur que le journal appelle aussi La Plume. Et comme d’une plume échappée à l’essor de l’aigle ou du condor, je m’accorderai sous le signe 2 au sommet pourvu en l’occurrence de deux plumes fixées sur son bandeau de nuages.

 

CADENCE SPORTIVE

 

         D’un conséquent effet, la course se déroule à un rythme raisonnable, ni trop rapide, ni trop lent, au regard de la distance. À croire le flottement d’un nuage avec cette idée de suspension dans l’air qui autorise le non négligeable confort du dormeur, néanmoins nourri par l’instinct de la cadence économique, s’avisant de la bonne pulsation et du tracé. Une marche en avant, irrévocable, tel l’esprit tourné vers l’avenir, ancré dans l’instant.

         On ne se souviendra pas, l’effort nécessitant d’être sur le terrain, de sorte que l’exigence se fonde sur son degré d’absolu quant à la présence à soi et aux contingences. On ne méprisera par exemple pas la prise de risque s’agissant de l’abus de confiance en ses propres capacités, car il s’agit surtout de les mobiliser avec justesse, s’effaçant pour ce faire au profit de l’air. Nous parlerons en l’occurrence de composition où le participant à l’épreuve a valeur de note dessus la portée symbolisant le parcours.

        Le pari dès lors s’entend comme une transmutation par l’épreuve. On offrira au participant des fleurs et une médaille qui gratifieront, sur le mode de la métaphore, son abnégation, en d’autres termes les facultés qu’il exploita au service du quotient horizon afin de se mouvoir au point optimal sur la période, sur la distance. Il est des femmes et des hommes qui en font leur métier, accomplissant des exploits avec une telle régularité dans la performance que le public, les juges, les reconnaissent et ratifient à titre d’actes héroïques. On ne s’étonne pas de leur gloire, on l’approuve ; ainsi naguère, lorsque les Anciens décoraient l’athlète au nom des déesses et des dieux de l’Olympe. Toujours présents, les déesses et les dieux de l’Olympe aujourd’hui consacrent eux-mêmes la gloire de l’athlète grâce à la conscience que tous avons du respect à leur égard, de l’Histoire et de l’Humanité sous le ciel.

 

 

 

 

 

RAISON DE LA JOIE

 

       L’avancée aux ciels bleus se réalisait avec bonhomie. Passant outre l’épaisseur de la saison qui alternait entre pluies et tempêtes légères du fait de l’amoncèlement de gros nuages, normal au demeurant, et qui nourrissaient la terre de leurs averses régulières, bienvenues, au terme d’un été marqué d’ensoleillements favorables à la moisson ; passant outre donc, je considérai l’horizon au bord de l’eau, sis dessus le rivage d’une île lointaine après maints départs. C’était un jour de septembre, l’air demeurait bienveillant, les gros nuages s’étaient effectivement dissipés. Ne restaient que ceux dont l’allure paisible, épars, d’aspect cotonneux, confère au spectateur des paysages turquoise la non négligeable tranquillité de la pierre.

        Il s’agissait quant à moi d’associer la musique du clapot au silence alentour dans lequel la promenade des nuages se fait. Mais ces sons ténus qu’offrent les rencontres régulières du flux et du reflux sur le sable de l’île sont un accompagnement rythmique, naturel, de la marche des vapeurs célestes, à telle enseigne qu’en guise de notes émanées de quelque instrument, je choisis les mots, quoiqu’une sourdine pourrait aussi bien le traduire, mieux encore. Ma situation toutefois ne permettait pas que j’use d’un autre instrument que la plume afin d’approcher ce que je considère comme la musique du silence. Elle s’imposa. Lors, j’acquiesçai aux mouvements de la plume sans m’y contraindre, bien plutôt à ses ordres.

       Elle s’envola, exigeant dès l’essor le concept de partition et me recommandant quoiqu’il en fût à l’impératif musical. Je la suivis. L’horizon se découvrit orchestral, selon un procès ascensionnel qui amplifia, grâce à la combinaison syntaxique, l’étendue d’un texte au début minime, tout en conservant le thème du clapot, cette autre combinaison, purement acoustique, que la plume assimila à trois notes sur le mode des variations multiples à échéance d’un cycle, lequel change et se modifie au fil du temps et des marées. Pour l’heure, la plume m’invitait à côtoyer les rivages hauts, le long de quoi vont les blancs nuages. Nous allâmes même, elle et moi, jusqu’à la courbe dudit horizon. Un poème s’esquissa et prit forme. Au clapot entendu, apprécié sans jugement par la plume, si ce n’était avec raison, attendu les lois du jeu acoustique où elle se prit gaiement, la proposition d’un accord sur trois vers cristallisa sur la plage, avant de disparaître. On pouvait lire ceci : « Haut dans le ciel / Les nuages se promènent – / J’entends l’eau jouer. »

 

VESTIGES

 

            Un soulagement à la transparence de l’air, cet envol des mots initié par la plume chorégraphe. Je n’écris pas, je lis. Elle écrit selon des rythmes que ses mouvements sur la plage me donnent parfois à entendre et que je suis scrupuleusement. Elle raconte les vents, la pluie, le Soleil, l’horizon. À l’ordonnance exacte des choses que les signes figurent elle va, à propos, à leur gré.

           Une musique où se confondent les notes des mers, des chants d’oiseaux et des arbres sous le vent. Cette feuille de papyrus m’institue observateur désirant. À distance respectable, étant donné que seule la plume est lieu de cristallisation du paysage eu égard à quoi je m’efface au profit d’une partition. Tout est calme, sans efforts.

          Je ne possède en rien les lieux, je m’y inscris sujet simple devant leur prédicat ; la plume participant de l’action ou de l’état qui lui sont transmis. Des forces dont le magnétisme l’obligent dirait-on, au regard du vœu de composition. On imagine les bateaux passant au loin, ajoutant à l’harmonie, qui confortent au-delà du doute l’état de bien-être. Tout est grave en cet instant consacré dans lequel je me fonds tel un nuage dans l’air, par le fait de la présence des éléments. Tout s’anime et se transmue en matière aérienne. Seule, l’encre tracée que l’on commenta.

 

 

 

 

 

 

LE BIEN CONTEMPLATIF

 

              Ne sachant pas. Ne sachant rien. Pourvu de ce désir de contact qui seul m’apprend, par les autres. Ayant établi comme un mur rythmique faiseur de signes qu’on entend, j’y participe. Autrement dit, la danse du quotidien. Où l’on côtoie des auteurs chorégraphes instaurant les savoirs. Une parole suffit. Lors, mus au fait de la simplicité des choses, on se rend aux floralies verbales d’où émanent les senteurs propres au sublime, considérant la nécessité du flacon, de son image, qui contient tel absolu de parfum ; une habitude qui s’acquiert à regarder son prochain dans les yeux comme une sœur, un frère.

        Nous touchons, ici, à l’âme du monde, fondant le respect de soi, l’incontestable progrès social sans quoi la communication serait impensable, d’après la loi de l’écoute, cette loi obligeant les parties en présence à la transparence, soit à ne penser pas hors des limites du propos engagé. Les floralies donc, qui m’élevèrent jadis aux nues de la Muse. Je n’en revins jamais. On construisit ma demeure à ses pieds ; c’est-à-dire, au pied de la montagne sacrée où jamais je ne me rends. De sa paroi immense semblant rejoindre le ciel, elle m’assure un confort, à une lieue de distance, à vol d’oiseau, et à près de sept-mille-neuf-cents pieds au-dessus de la mer au bord de laquelle se trouvent sis mon domaine et mon toit, un confort qui suffit à l’inspiration lorsque la plume décide précisément de se mouvoir et, seule, de s’envoler jusqu’à son sommet.

            L’une des Muses pourra ainsi l’inviter et d’un souffle de jasmin ou de rose augmenté du rythme des vents adresser à la plume les floralies verbales. Elles l’ont décrétée Poème. En guise de page, elles ont élu le nuage. « – Ce sera un nuage de jasmin ou de rose, selon que nous cueillerons nos signes à telle heure, à telle saison ! » Quant à moi, toujours ravi à leurs décrets, je me rends à la raison du ballet significatif qui s’ensuit, celui de la plume, à l’ordonnance du nuage, à sa composition florale. Ils se proposent au sentiment de bien-être sur un mode de composition toujours différent quand, assis dans mon jardin ouvert sur les hauteurs du ciel et des montagnes je puis les percevoir approchant avec une rythmique de ballade qui m’emporte et mon assise est la fixité de l’or, et mon bien-être va à la combinaison chromatique du bouquet offert. Je connaîtrai ensuite les silences. Disponible aux figures, ma parole sera musicale. La partition déjà s’inscrit dans cet envol nouveau de la plume, la densité forte des fragrances, la voie optimale de l’air et de la raison.

 

UN PROLOGUE

 

           À la place des signes prévus, d’autres. Soudain, par un changement que l’on n’attendait pas s’agissant du regard posé sur le ciel qui constata une promenade de nuages, la page s’ordonna autrement. Ce furent des mots qui nommèrent donc les nuages et la page prit la forme de leur ballade. Au début blanche, réservée au silence, comme on parle des plages de silence, la page se colora ensuite aux chromatismes et aux harmoniques.

          On se fiait à la plume qui composait sans que l’influence de soi ne parut, excepté dans sa participation au rythme dont s’induit le mouvement. Conscient de l’accord réalisé par la plume entre page et nuage, on se prit ainsi au langage sensoriel des envols. Étant donné la source musicale qui évoluait en vapeurs célestes, la plume nourrit à sa présence adopta la note et la structure.

       La page hérita de maintes variations autour de ce thème qu’est la promenade des nuages. Se modifiant à proportion des changements de forme dans l’air, elle devint strophique autour du refrain. Il y eut des aventures, des cavalcades, des pluies et des Soleils que l’histoire instruisit. On la chanta quand la plume accompagnant les nuages la donna à entendre à la Muse invoquée. La page se changea alors en nuage auquel fut assorti un bouquet. La ballade se transmua en floralies.

 

 

 

 

 

 

 

L’INSTANCE POÉTIQUE

 

          On ne parlera pas ici de la voix. Mais du silence. Ce qu’on pourrait nommer la voie. Au fait des signes. Au-delà de l’ego, l’air du large, de la chaîne de montagnes. J’y suis. Et partant, m’y confond, signe entre autres. D’un air musical l’élément chorégraphe qui enseigne sans obliger. J’ai côtoyé l’éclat de la foudre sur le plan de la vivacité et demeure fidèle aux promenades des nuages. Sévère dans mes jugements, eu égard au placement, à la disposition de tel caractère, on me lira en émettant des soupirs de satisfaction.

           Nous ne sommes jamais seuls, grâce au principe d’autodéfense qui nous unit. L’écriture participant de l’aventure collective. Peu importe les noms. L’agrégat des signes suffit, se résout d’après le concept de bouquet. J’y disparais, n’oubliant pas nos origines diverses. Un corps, fidèle somme toute, non moins que vigilant. De l’enfance entendue comme sacrée, les gardiens indestructibles. Ou, le regard posé dessus l’impératif d’absolu, intraitables vis-à-vis de soi-même. Nous travaillons aux champs, notre quotidien. Et nous ne sommes pas moins solides que les véhicules conduits en ces domaines.

          L’imaginaire qu’on nous octroya jadis nous inscrit exclusivement dans ce concept de bouquet. On n’y revint pas. Pris dans l’air où se réalisent les promenades, notre marche est exclusivement musicale. La voie peut donc s’ouïr exclusivement harmonieuse et dans le respect de l’ordre fixé par la mesure idéale, optimale. J’aspire, respire à ces mots que seule la Muse invoquée s’autorise à confier à la plume. Envolée à telle promenade des nuages, la plume organise la page selon ce que la voie, des Muses ou de la Muse invoquée, dicta. « – Ce sera la forme de ce nuage ! » ordonna-t-on. Lors on réalisa le principe d’autodéfense : un bouquet assorti au nuage. Et le regard est exclusivement le regard de la Muse. L’ordre fixera l’or et les gemmes. On percevra les senteurs. La résolution sera l’ordre remis à la grâce. On aura pris conscience du fait sublime où se situent les signes, n’ayant jamais quitté les puissants degrés de la raison, qui fonde la voie.

 

 

 

 

BALLADE

 

          Je ne dérange pas le passage tranquille des nuages ni le bonheur de chacun, car tout est bien ainsi. Mais me fiant à la plume qui va par les airs cueillir les bouquets de mots et les dédiant, j’écris. En l’occurrence un moment. Assis à la table et partageant des résolutions, je garde les yeux ouverts sur ma petitesse, poursuis d’après une syntaxe appropriée dans la voie d’une quiétude stricte en matière de signes que la plume seule dessina à ce passage aérien. Intraitable quant à mon regard posé sur la montagne où, je le sais, siège l’inspiration, elle exige de ma part l’esprit concentré sur mon humble vœu, celui de ne jamais faillir au bon sens lorsqu’elle prend son envol.

       L’affaire qui nous concerne ce jour est une enquête relative à la perception des heures. L’idée du temps à laquelle la plume se joint régulièrement demeure le motif autour de quoi s’organisa l’envol de cette page qu’elle m’invita à écrire. C’est dans le passage des nuages que l’idée cristallise. Une marche, donc une avancée que rythment les heures, perçue comme une promenade dont les mots associés sont l’image ; ensemble formant quelque procès aérien où chaque signe doit à la structure qui se présente sa teneur, son sens, celui de la réalité.

           De droit, du matin jusqu’au soir, je suis à la promenade où il n’est pas interdit de regarder pour écrire. La plume s’y rend de façon musicale, portant les vœux. On la reçoit. Et d’un transport à un autre, empruntant la promenade, établit une situation de communication entre l’air et la montagne que j’ignore. Au fait de la résolution de pareille enquête, la nuit venant, la plume signifie que la promenade se transmue en rhapsodie d’ombres bleues représentable grâce à l’idée du temps autour de quoi cristallisent les beaux rêves. Lors je suis à la promenade des ombres bleues, presque transparentes tellement la voûte étoilée rend prégnants la hauteur et l’éclat des faisceaux d’argent. Il s’agit bien d’un flottement à la surface de l’air des nuits tel un tapis qui nous véhicule, la plume et moi, à destination des gemmes royales et des opus musicaux. Nous entrerons aux vastes salles de marbre. Au pied des statues des déesses et des dieux, je poursuivrai dans ma petitesse la promenade, sans savoir jamais le lieu ni l’heure. J’aurai atteint la distance suffisante.

 

 

UNE DANSE DES FLEURS

 

          Un élan vers. Un air. La mélodie se réalise à propos grâce au souffle induit par une sourdine. Soit la transmutation du vent de la montagne en écriture musicale pour orchestre. J’en sais la teneur de la portée : un bouquet floral. Ferme, quant à ma décision de composer cette harmonie de fragrances d’après les notes acoustiques, je ne négligerai pas de l’augmenter par l’harmonie des couleurs. Et comme on dépose un vœu sur une page, le bouquet s’assortira aux nuages. D’un ciel turquoise, peut-être pluvieux, donnant lieu à leur promenade automnale, la plume s’envole lors, de mon regard admiratif qui les considère gravement.

          Un élan vers. Dans l’air. Pour une mélodie appropriée à cette marche tranquille, légère, rêverie. Parfois la forme de cette promenade, à bien l’observer, adopte celle des mouvements d’une danse qui m’est inconnue, dont les rythmes s’accordent, dirait-on, au sommet de la montagne à l’image d’une invitation, de telle sorte que l’on croirait la montagne appelée à partager la promenade musicale. La plume y participant m’en suggère des phrases, puis les note. Elle en concevra tel bouquet afin de le déposer en un lieu de la montagne que j’ignore. Et le bouquet sera don exclusif de la plume à l’esprit de la montagne.

           Il est dit que c’est un palais dont nul ne connaît l’accès. On parlera de voie en l’occurrence, ou d’apanage de la plume et du nuage. J’en perçois les senteurs sur ma page, mais quelle en est la cause ? Quel en est le lieu ? Je ne sais. Devant moi, seul le paysage m’informe de la promenade céleste, du relief rocheux. Seule la plume demeure habilitée à ces voyages. Ainsi, quand sur la page aura cristallisé quelque motif floral, la plume sera loin, parmi les rythmes de la promenade, certainement présente à l’idée de sa composition entendue pareille à la confidence, telle ballade en sourdine. Le ballet des fleurs. Phénomène sensoriel dont la page retient les effets grâce au souffle induit, de la plume vouée à l’ascension ce cadre essentiel où elle se meut, servant les Muses.  

 

 

 

 

 

DOMAINE DES FÉES

 

            Rien n’empêche dans le vaste espace, au pied de la montagne. Dès lors que la plume s’envole vers, contre la page. Il n’est de mouvement par la suite à quoi l’on ne s’accorde. Aux rythmes proposés, les mots vont. Le cadre idéal participant de l’envol ajoute à l’harmonie de l’ensemble : cette structure verbale qui bientôt aura pris la forme du nuage, où la plume aura choisi de se transporter. Des paroles seront dites, tout haut sur la montagne, assorties aux fragrances d’un bouquet. Sur le mode de la confidence, la plume consacrée destinataire organisera le poème, servant la grâce de telle formule.

        Un chant de bienvenue qui honore l’adepte des rivages verdoyants auprès desquels se tiennent les montagnes et les mers, conçu en bouquet aérien. Parmi les autres nuages de même teneur, il chemine sur la promenade remarquable qui lors s’agença autour du sommet avant de rejoindre mes intérieurs modestes et suffisamment distants. Il s’ensuit donc des paysages, eu égard à l’aventure vécue jusqu’aux demeures lointaines où jamais je ne me rendis et à cette expérience exclusive de la plume, qui comblent mon quotidien de murs ornés, de floralies.

            J’assiste à la transmutation aussitôt mon regard au ciel. Les mots ont la résonance et les rythmes du bouquet transmis. C’est un hymne de silence orchestrant des figures chromatiques. Ma propre demeure s’est résolue en un palais. J’acquiesce naturellement au don et me transporte, à l’idée de la plume qui m’oblige, dans le domaine des fées. Toujours m’accordant aux harmonies entendues, perçues, je me résous à l’écriture, puis m’y confonds. Moi-même signe dépendant et actant de la féérie manifeste. Sur ordre de la plume orchestrant d’après la parole, cette confidence, qu’une Muse composa.

 

 

 

 

 

 

JE ME SOUVIENS D’UN AIR

 

           Tenue aux limites, sans objet, la plume parcourt les champs turquoise. Ils relèvent d’une ordonnance de raison. Nulle contrainte, aimer. Simplement. Au regard posé sur le pan de jour se conçoit la page qui, selon les mouvements de la plume après l’essor, porte une mélodie. Traçant les notes sur ce support lumineux que l’on pourrait confondre avec le faisceau de rayons déjà évoqué, émane du phénomène l’idée poétique : un ciel proposant des promenades musicales. À l’image des nuages dont le procès échappe et se transmue en figures aériennes notables dessus la page, les phrases s’entendent comme unités métriques de tel ensemble.

          La plume y ajoute. L’ensemble se propose alors chorégraphe. À croire une scène où les notes dansent avec logique. Portée par les voies du cuivre, du bois, des cordes, chacune progresse et forme la promenade que la plume au préalable emprunta, elle-même portée par la grâce de l’inspiration transmise vers les hauts d’une montagne que je ne connais pas. Ce furent d’abord des voix aériennes qui édictaient, un regard posé considérant le symbole. Tout silence, un procès prit forme, celui de la ballade qui maintenant est orchestrée.

          La salle du bal ? demeure en liesse où je me situe. Décorée depuis la venue du nuage qui s’y cristallisa sur le mode de la composition florale, jouent entre ses murs les destinataires consacrés. On la nomma à ce titre « Le Jardin musical ». Et les polyphonies sont autant de fragrances. L’ensemble s’inscrit dans les limites des champs turquoise. Chacune, chacun, se confond avec les unités métriques, les chromatismes, les harmoniques, les fragrances. Chacune, chacun, est un visage d’or et de gemmes, assortis aux fragrances. J’y disparais, moi-même pris à l’air, à ce procès de la ballade qu’augmentera le concert des acclamations. Les clefs entendues, et l’armure.

 

 

 

 

 

 

RAISON D’UN POÈME

 

            Sans savoir du tout, en tant que citoyen dont la demeure est sise au pied des montagnes, ce qu’il advient des harmonies quand la plume s’envole au-delà de la plage pour rejoindre les hauts de l’air et leur promenade. Quant à moi, constatant cette allée de nuages qui trône aux sommets vers où la plume se rend. Parmi eux, elle aura vécu maints transports en ayant d’abord fait le choix d’un nuage qui, selon le vent et l’orientation, l’aura menée à cet illustre palais, siège de l’inspiration.

        Aujourd’hui, par exemple, se présente un motif chromatique que le souffle verbal lui dicta, augmenté de sa teneur sublime : une association de bergamote et de jasmin. Les notes qui en résultent ont produit une écriture rythmée sur le mode de l’arabesque, autrement dit du dessin proposé par la danse des parfums lorsque la parole réalise son procès. Le nuage musical est de fait ensemble des floralies portées aux nues par l’Énonciatrice. Où l’écriture est danse accomplie, la plume acte les rythmes dans les limites strictes de la voix, soit grâce à la voie du nuage elle aura composé un air.

       Cet air, maintenant, s’organise sur la page en un motif essentiel : l’arabesque florale, que le nuage prégnant en ma demeure suggère par un phénomène de cristallisation, dans ladite page. Venu des hauts des montagnes où règne la promenade musicale, il se posa comme par transparence et fit don à la page de l’air entendu, transcrit. Nul ne s’en enorgueillit. La plume me le confiait simplement. Non sans plaisir je le considérai, attendu qu’une obligeance suprême le réalisa. Où aucun caprice n’a lieu de se manifester, la raison se donne à voir, à entendre.  Vu la pureté du phénomène, spontanément le plaisir me vint à sa lecture. J’appris ce que le silence disait en l’occurrence, le respect fondamental pour que la paix soit en chacun, ni excès de rire, ni tristesse. Et au milieu des solitudes, je me découvrais ainsi plus que jamais présent à l’ordre de nature, au don de la vie, à la douleur de mon prochain qu’il me fallait prévenir, de raison, enfin à la sagesse des Anciens. Mon âme participait de la gaieté calme. Un regard posé sur les montagnes fut mon acte de gratitude, tandis que le chant de la mer berçait les environs, l’envol nouveau de la plume et du nuage au-delà, au commencement du soir.

 

 

 

JARDIN D’AUTOMNE

 

          Adhérant l’idée du poème, les sensations composent sous les signes de la plume un bouquet floral. Je la laissai prendre la voie des airs lorsque mon regard soudain considéra le ciel au-delà d’un sommet. L’heure était à la pluie et à la couverture des nuages qui l’occasionne souvent. La plume disparut au passage des hauteurs, lequel se présentait sur le mode d’une promenade allègre rendant à la pierre des parois des reflets dont les nuances évoluèrent entre bleu et gris argent. Tout chantait, les couleurs et les mouvements de l’air, selon un rythme harmonieux, paisible.

       Il pleuvait, moi observant derrière la fenêtre, entre les murs de ma demeure, je n’appréhendai rien mais simplement appréciai la saison. Confiant en la plume qui reviendrait de son périple à bord d’un nuage, je ne pensai pas. Bien plutôt livré aux transports que suggèrent les Muses par le phénomène saisonnier des changements de l’air, je ne pensai pas, je songeai. Mon sommeil d’après-midi m’immergeait dans des aventures dites par une fée musicienne. J’étais un marin amateur d’horizons, sis à la proue qui guide et inspire. Voué à sa légende sculpturale, divine, j’utilisai des figures émanant du statut céleste de la fée qui donna son nom au bateau.

         Et la fée était ce guide qu’on représente à la proue, une statue fixant le cap. Et la mer faisait entendre la voix et la mélodie. J’entrais dans les régions espérées du lointain tandis qu’elle lisait, jusqu’à y accoster, suivant l’action des personnages, sans me lasser jamais de prendre part à ces voyages. Quand la plume descendit de la promenade des nuages et m’éveilla à la floraison d’une page. L’idée du poème ici se confondait avec celle d’un jardin arrosé par la pluie. C’était le don de la Muse qui me faisait l’immense honneur, grâce à ce poème d’automne, de m’inviter à la féérie de l’eau portant la fleur, de la pluie berçant le rêve. L’écriture que je découvris me rappela à la légende et à l’embarcation.

 

 

UNE LECTURE

          À proximité. Quand trône la montagne. Sis en ma demeure à plusieurs milles, je peux l’observer en sa majesté, au relief haut et proche d’une allée de nuages. Ne sachant rien, autre que l’envol – moment où la plume va. Rejointe dès lors la promenade aérienne, elle s’entretiendra avec les éléments de l’air, flottant parmi eux sur le mode de la captatio. J’en retiens ici comme des séquences harmonieuses qui s’organisèrent à telle parole, portées par un nuage.

          Je lis et découvre le paysage des hauts où la plume s’en alla vers, quérir selon sa voie – des fleurs. Une voix les composa en un bouquet qui m’oblige, d’après le titre et l’équation « La Femme est Absolu de Parfum ». Transmué grâce à ce don en lecteur intraitable de la musique florale qui fut soumise à mon attention, je me montrerai digne, sans échappée futile, seul entre les murs mais présent à l’ordre des choses – le regard fixé sur leur beauté indiscutable, indéniable.

      Il suffit de lire la prosodie transportée pour en sentir l’expérience accomplie de la voie lyrique dont on me gratifia. Spontanément, presque malgré moi, j’acquiesçai à l’honneur qui m’était rendu, non sans m’émouvoir, attendu mon respect dû aux lieux où siège l’Énonciatrice – telle montagne au pied de quoi je demeure. Et considérant la teneur du bouquet, je respirai à sa lecture les senteurs sublimes, l’harmonie prégnante. Il disait :

 

Aimablement, par-delà votre solitude,

Veuillez accueillir cet air modeste en bouquet,

Tel poème floral composé en altitude

Dès la venue de La Plume et de son effet.

 

Je la recevais dedans mon palais des nues

Et compris qu’elle transportait l’élan du cœur,

À savoir la sincérité ; lors advenues

Vos paroles, je changeai chaque mot en fleur.

 

 

LA VOIX ET LA LYRE

           Considérant l’allée des nuages, elle écrit, envolée vers, au-delà des murs d’une demeure où je suis, – la plume. Sis à distance des sommets, couverts ce jour de l’ombre bleue que fait le passage aérien, je puis entendre la mer, non loin. Sa musique va toujours avec ce paysage des hauts, tranquille séquence de formes vaporeuses et telle flottante. La plume y saura des accords qu’on recevra. La page m’en est témoin, un air résonne gracieusement qu’on ordonna selon les rythmes des mélodies du ciel et de la mer par la voie de la plume, – portée dessus un nuage.

        Je m’en tiens à la lecture, sûr de la transmutation qui opère. À la montagne gratifiante, je pose un regard dont le silence explicite est un salut très accueillant, digne et respectueux. Non sans la crainte qui m’oblige, étant donné la teneur du poème qu’elle m’offrit. Ne me prêtant à la moindre interprétation qu’à celle de la mise en voix proposée par la mer, je garde son présent et le secret qui l’orne sous la forme d’une lyre.

           Où je n’écoute que la musique des mots dits en vers, mots confiés sur le mode d’un air dont la page est maintenant l’objet. Et ce don s’avère le considérable bouquet qu’une voix composa eu égard à la plume bienvenue de la promenade. J’y respire les paysages d’altitude, les couleurs du ciel et de la mer, les fragrances sublimes, la beauté donc. Je lis et respire simplement, conscient de ma petitesse parmi les solitudes qui m’environnent, d’où l’inspiration naquit, – la voix. Le Bien, par expérience. Fruit moi-même de la somme sensorielle des jours dont la montagne près de la mer constituerait l’essence, je tiens à ma demeure, lieu où se découvre la page de fleurs. Ainsi je m’envole moi-même aux accents, aux césures et aux silences, ces mouvements de la plume que bois, cuivres et cordes augmentent de leur merveilleuse ballade.

L’ÉCHEVEAU FLORAL

         Jours de pluie automnale. Tout est bien. Ma demeure au pied des montagnes s’est embellie de maintes floraisons. Rassuré quant à l’essor de la plume qui fila un tissu poétique auquel je souscris, j’observe les hauts de la promenade accrue où sont les nuages, m’oubliant de fait à l’idée du partage dont précisément la plume sera tantôt le véhicule, entre l’Énonciatrice et moi, tel dialogue, – un état des choses essentiel à mon statut de communicant. Au seuil de la page où je me tiens, la quête de l’inspiration m’oblige sans nul effort de ma part, confiant dans les voyages accomplis de la plume de quoi la nature, sacrée autant que sa mission, induit l’air et sa musique.

        Qu’en sera-t-il ce jour ? De quelle prosodie me fera-t-elle don ? À combien de fragrances et d’après quelle combinaison sera-telle assortie ? J’en perçois déjà les notes néanmoins, au vu de mon intérieur comblé par les floralies que l’on m’adressa. Y posant tout contre mon regard votif, ma gratitude se passe de mots. Tout entier au silence que m’octroie ma demeure, j’ai le sentiment du bonheur proche et ne me fie qu’à la réalité. La perspective est nuageuse dans son ensemble, je n’ai que de bons souvenirs. Je suis bien somme toute dans la saison, ne manquant pas de considérer le jardin pluvieux au-delà duquel la plage, les monts, trônent selon les nuances de l’or et de l’acier.

           Je pense à une orchestration minérale et végétale qui célébrera la venue de la plume sur son nuage cristallisant la voix, à la beauté de l’Énonciatrice siégeant au palais des hauts, la contemplatrice, l’élue des promenades de nuages – ces floralies aériennes, dont la voix compose toujours ma page. Elle m’a écrit ! Et c’est un nuage de rosée mêlé de pluie qui entre en ma demeure au matin de ce jour d’automne. La plume l’a fixé à ma page ! Je lis et respire un nouveau bouquet floral, animé que je suis par l’esprit et la teneur. En voici la prosodie :

 

                                  Votre élan d’inspiration me voit ravie

                                  De vous répondre justement à nouveau

                                  Des climats de la saison et de la vie

                                  Belle que je vous chante ici sous le sceau

                                  De notre secret : N’ayez aucune envie

                                  À l’égard de quiconque et montrez-vous beau,

                                  Magnanime, durant toute votre vie

                                  De mortel, comme on construit un écheveau.

                                  Ne saturez jamais des belles paroles,

                                  Franches, honnêtes, qui vous sont adressées –

                                  Telles ces recommandations que j’écris.

                                  Recevez donc l’ensemble de mes corolles

                                  Grâce à ma voix, une à une ainsi tressées

                                  Selon un ordre dont je vous sais épris.

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