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montagnes

PUBLICATIONS XXXV

Nouvelle policière

Joueur Jazz Saxophone

JEAN-MICHEL TARTAYRE

 

 

 

 

FAIT D’INATTENTION

 

 

 

 

 

Nouvelle policière

 

 

 

 

 

I.

 

UN DIMANCHE ORDINAIRE

 

 

           En attendant que le mortier prenne, l'affaire d'une dizaine de minutes, j’écoutais un peu de musique, assis à mon bureau, consultant le courrier reçu ce jour. Je constatai plusieurs échéances et les notai sur mon agenda aussitôt. Il était 14 h. Encore une minute et j’irais voir l’état du mortier. M’étant rendu compte en effet qu’une partie de la cloison qui sépare la cuisine du séjour était défectueuse, je m’étais proposé aujourd’hui dimanche de la réparer, une simple égalisation de surface en réalité qui pallierait ce défaut mural.

           Le mortier avait pris rapidement, en dix minutes. J'avais au préalable  malaxé en l'espace d'une quarantaine de secondes, passé la truelle après avoir colmaté. La température était relativement douce en cette fin d’automne, il faisait bon. Puis j’allai dans ma partie atelier pour voir ce que je pouvais faire pour améliorer mon dernier tableau, un paysage marin que je réalisai à la gouache en me postant, l’été dernier, sur la plage qui longe la caserne. Pour l’heure, l’inspiration ne me vint pas. Elle et nos enfants étaient devant la télé dans le séjour. Je les rejoignis. « Tu as terminé ? » me demanda-t-elle. Je lui répondis par l’affirmative. « C’est bien. » conclut-elle. La soirée se passa devant la télé. Nos enfants avaient fait leurs devoirs, étaient allés se coucher après le repas. « Il est 22 h. » me dit-elle. Nous allâmes nous coucher à notre tour.

 

 

 

II.

 

L’INFRACTION

 

            Mon épouse, ce matin, était partie accompagner nos enfants à l’école. Je regardai ma montre, 8 h, le temps de prendre une douche et de passer mon uniforme après le petit-déjeuner que je venais de terminer. Je me rendis aux bureaux de la caserne. « Tenez, voici pour vous, Major. » me dit mon supérieur. J’ouvris dès lors une chemise notée d’un coup de main rapide Infraction / délit de fuite et datée de l’avant-veille, soit du samedi. Je notai que l’infraction avait été commise le samedi en début de soirée. Une voiture puissante dépassant de plus de 40 km /h la vitesse limite de 130 km/h, sur l’autoroute de notre région. Néanmoins l’infraction s’était compliquée d’un délit de fuite. Mes collègues n’avaient pu interpeller le conducteur en faute, par la raison qu’il avait soudainement emprunté une bretelle d’accès au périphérique puis s’était fondu dans la masse du trafic urbain à la faveur de la nuit qui tombe vite en automne, peut-être même tous phares éteints. La photographie du radar à l’appui, je pus néanmoins identifier le véhicule. La plaque d’immatriculation sous les yeux j’écrivis son numéro sur mon carnet de poche. Le Lieutenant se présenta à mon bureau et demanda :

«  – Bien Major ... Qu’en dites-vous ?

    – Une circonstance aggravante, mon Lieutenant.

    – Je vous la confie. Tenez-moi au courant assez tôt. »

Je passai le reste de ma journée de travail à étudier la carte routière en détail et à téléphoner à diverses gendarmeries, même divers postes de police et commissariats régionaux. La plaque d’immatriculation était fausse en effet, elle ne renvoyait à aucune adresse précise ; on ne pouvait donc pas faire parvenir procès-verbal ni convocation. Cela me faisait pressentir un jugement par contumace, mais je souhaitais l’éviter. Je quittai le bureau à 19 h, au terme de ma synthèse, établie d’après les réponses qui me furent données par l’ensemble de mes collègues au téléphone, d’après aussi mes notes prises sur le carnet eu égard au parcours connu du suspect.

             Le lendemain matin, j’arrivai à mon bureau plus tôt que d’habitude, me servis un café puis dressai une liste, celle des concessionnaires de voitures de luxe sises dans notre agglomération. La liste comprenait huit établissements inscrits dans ce secteur commercial. J’appelai tour à tour le secrétariat de chaque concession et appris qu’une seule voiture de la marque et du type recherchés était toujours en location. On me donna le nom et l’adresse de l’emprunteur d’après le crédit-bail dûment signé, photographie d’identité à l’appui et je demandai que l’on me joignît le dossier par e-mail. Sitôt reçu, je scannai ledit dossier. La personne n'était pas connue de nos services. Je fis part de cette information à mon supérieur. Elle salua la nouvelle en me gratifiant d’un « Merci Major, fait d’inattention de la part du conducteur que vous résolvez heureusement, du moins je l’espère. Quelques papiers à régler et je vous accompagne. Nous irons voir sur place. Je crois savoir que vous êtes aussi pilote essayeur d'automobile. Commencez à mettre le moteur de l’Alpine en route. Major, ... l'A110 R banalisée. L’affaire de cinq minutes, j’arrive. Vous pouvez disposer.» Je répondais par un garde-à-vous avant de quitter les lieux et « À vos ordres, mon Lieutenant. »

 

 

III.

 

UNE PETITE RUE PRÈS DU PÉRIPHÉRIQUE

 

              « Ralentissez Major, c’est ici. » Nous approchions près d’une maison cossue que jouxtait un garage à volet roulant. C’était bien l’adresse indiquée par la concession ; pour être plus précis, la cinquième concession figurant sur ma liste d’appels. « Garez-vous là-bas, il y a une place. » reprit le Lieutenant. J’opérai le créneau avec précaution. Nous nous dirigeâmes vers le domicile du suspect. On sonna plusieurs fois. Personne. « Revenons à la voiture ; nous allons patienter. Je préviens le Bureau. » Elle appela, puis conclut en me disant : « C’est maintenant que commence la filature. Toutes les forces de l’ordre sont prévenues. »

               Quatre heures passèrent, durant lesquelles nous prîmes le temps de déjeuner, elle et moi, respectivement d’un sandwich, d’un soda et d’un thé que j’allai acheter dans une épicerie non loin. Il commença à pleuvoir averse ; la pluie troublait la vision derrière le parebrise. « Le temps est avec nous, Major. Dans un peu plus d’une heure, il fera nuit. Le relai sera assuré par une autre équipe. » Au moment où elle achevait sa phrase, nous vîmes la voiture, veilleuses allumées. « La Bugatti, Major, » Cinq minutes passèrent. On vit le véhicule entrer dans le garage, ouverture télécommandée. À son bord, trois personnes. « J’appelle les renforts ... » conclut le Lieutenant. On vit les lumières intérieures de la maison s’allumer presque en même temps que l’éclairage public, en particulier l’alignement des réverbères de la petite rue près du périphérique, où nous nous trouvions.

 

IV.

 

LE PLAISIR DE LA VITESSE

 

               « Major, je contacte à nouveau le Chef d'escadron. Pouvez-vous me donner le dossier du suspect, s’il vous plaît ? » Elle s’adressa par le biais de la radio au Commandant pour le tenir informé du statu quo, tout en compulsant le dossier relatif au leasing de la voiture de luxe, puis me dit une fois l’appel passé : « Ils sont là, Major. Nous sortons. » Deux fourgons arrivaient, l’un de la Gendarmerie Nationale, l’autre de la Police Municipale. Quand les agents furent au complet, sortis des véhicules, le Commandant à leur tête, nous nous précipitâmes au-devant d’eux. Nous nous situions à une centaine de mètres de la maison du suspect. En l’espace de dix minutes, la rue fut quadrillée, puis tout alla très vite. On passa le portail demeuré ouvert ; la porte d’entrée, bien que très solide, ne résista pas aux coups de bélier.

                   Les trois personnes, trois hommes de fait, furent surpris dans la cuisine au moment de l’apéritif. « Major, veuillez instruire le suspect, ici présent, des faits qui lui sont reprochés, s’il vous plaît. » m’intima le Lieutenant ; ce que je fis aussitôt, sans contestation de la part dudit suspect, ni des deux autres personnes l’accompagnant, bien au contraire, chacun reconnut la faute commise. « Je crois que l’échéance de votre crédit-bail est demain, reprit le Lieutenant. Nous ramènerons la voiture. Mais, dites-moi, Monsieur, la fausse plaque d’immatriculation … Pouvez-vous nous en dire plus, je vous prie ? » Les deux compagnons reconnurent qu’ils étaient responsables de ce délit. « C’était pour le plaisir de la vitesse, Madame. » dit l’un. « Au cas où … », ajouta l’autre personne. Tous deux paraissaient en état d’ivresse. « Au cas où ? » releva immédiatement le Lieutenant. « Au cas où nous serions pris par le radar, Madame. » Le Lieutenant dit alors, sur le ton de la sévérité : « Une autoroute n’est pas un circuit, Messieurs. Pensez aux conséquences, s’il vous plaît. Messieurs, nous vous rencontrons devant une table d’apéritif après de tels faits. » Elle proposa enfin qu’on les soumette à l’éthylomètre, dont un seul résultat s’avéra négatif, celui du conducteur. Les trois coupables furent ensuite priés par le Commandant de suivre le groupe d’intervention afin qu’ils montent dans l’un des fourgons. On les menotta. Ils furent jugés le mois suivant.

 

 

V.

 

LA NOTE D’AZUR

 

 

               Après cette interpellation, quand j’arrivai à la caserne, il était presque minuit. Nos enfants dormaient depuis au moins quatre bonnes et douces heures. Je rentrai sans faire le moindre bruit perturbateur. L’heure de me coucher après m’être servi un reste de pizza et plusieurs verres d’eau. Mon épouse qui, à titre de Commissaire de Police, avait été mise au courant de cette dernière affaire, pas seulement par moi-même, non sans y prendre part de manière fondamentale, mon épouse m’attendait et ce, après que je l’eus prévenue de l’heure de mon retour. « J’ai terminé le tableau, notre Paysage d’été … » me dit-elle. « Ça te plaît ? » Elle avait réussi mon projet pictural, précisément ce je-ne-sais-quoi qui manquait au paysage et cela tenait à un défaut de pigment azur qu’elle avait résolu en l’ajoutant comme reflet du ciel turquoise au premier plan, sous la forme d’un pot de fleur d’où jaillissaient des lupins et des tulipes aux variations saphir. Au-delà s’étendait la plage et la mer jusqu’à l’horizon. « Regarde … » me dit-elle. Les fleurs qu’elle avaient achetées dans l’après-midi étaient posées près de la fenêtre sur un coin de bureau, la même fenêtre depuis quoi l’on voyait et entendait la mer. « J’ai pensé à toi et n’ai pas eu, outre le fait qu’il commençait à pleuvoir, à me déplacer sur la plage avec toile et chevalet, par la raison que ce motif d’intérieur me suffisait. Et ces fleurs te sont offertes à double titre, celui de notre paysage, celui de mon cœur. » Je fondis en larmes et lui pris la main avec émotion, avant que le sommeil nous ravisse dans sa merveilleuse sphère.

 Lumières de la nuit
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