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Ci-dessus, Photographie de Jean-Claude Claeys

PROPOS SUR LE RÉCIT POLICIER

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Rock around the bunker
Rock around rock around

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                                                         Serge Gainsbourg

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La question qui me vient et se pose à moi spontanément et ce, par le fait que j’éprouve une sincère admiration pour ce genre, est celle de l’écriture du récit policier. Je choisis ce terme de récit, car il recoupe plusieurs variations thématiques relatives à plusieurs concepts d’ordre générique et qui sont très débattues entre les spécialistes du genre. On note à cet égard le roman, ou la nouvelle, à énigme, qui débute avec Double Assassinat dans la rue Morgue, d’Edgar Allan Poe, et se développe avec les oeuvres monumentales d'Agatha Christie et de Georges Simenon ; le roman d'espionnage, dont Ian Fleming, Truman Capote et John Le Carré sont, de nos jours, considérés comme les plus grands représentants ; et le roman noir qui naît avec la Hard-boiled School de William Riley Burnett, de Dashiell Hammett et Raymond Chandler.

 

Ces trois grandes catégories peuvent se développer dans le domaine du récit historique. On  observe en effet que l’intrigue policière ne va pas sans la considération de l’écrivain pour le cadre historique dans lequel il choisit d’inscrire ses personnages.

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De fait, cette écriture singulière débute aux États-Unis, précisément, d’après les critiques littéraires, avec la publication de Double Assassinat dans la rue Morgue et deux autres aventures du Chevalier Dupin, en 1851. Or, la science qui naît et se développe durant cette période de la fin du XIXe siècle est la criminologie. Caleb Carr le confirme dans ses deux oeuvres intitulées : L'Aliéniste et L'Ange des Ténèbres ; le célèbre écrivain décrit en effet le phénomène d'investigation d'après, précise-t-il, des méthodes révolutionnaires comme la dactyloscopie et l'anthropométrie judiciaire.

 

L’enquête est donc au cœur de tout récit policier par la raison qu’elle s’inspire, à des degrés divers, de la démarche des enquêteurs des forces de la Police. Le héros, qui a souvent d’ailleurs le statut d’antihéros, même s’il n’est pas un enquêteur de la Police, est dans tous les cas un investigateur. Il va, il observe, il s’interroge, il émet des hypothèses, il procède par induction, déduction, il est un chercheur, somme toute. Un passant non négligeable dans l’architectonique de l’œuvre.

 

Umberto Eco a notamment écrit des œuvres clefs qui ont ouvert le genre sur le genre historique. Eco rend d’abord compte d’une société, de l’état d’une société à une époque donnée. Sa période de prédilection est le Moyen-Âge en l’occurrence. Cependant, il compose avec toutes les périodes de l’Histoire. Il est un scientifique du langage et un grand historien. Ses multiples connaissances le conduisent à décloisonner les genres. Ainsi, il fait de son érudition une source d’inspiration littéraire et l’applique dans des enquêtes à la fois d’ordre sociologique, historique donc, et philosophique. Umberto Eco m’apparaît de fait et de ce point de vue-là, comme le successeur d’Alexandre Dumas, d’Honoré de Balzac, de Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski, Léon Tolstoï, de Franz Kafka, de Vassili Grossman, qui ont bâti des œuvres narratives colossales où l’enquête se situe toujours au premier plan et constitue le rythme essentiel du récit.

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Mais qu’est-ce qui définit proprement et plus précisément le genre policier ?

 

Je pense que c’est l’interrogation qui s’articule autour des dysfonctionnements sociaux ou socio-économiques, en premier lieu. Une interrogation qui pourrait se formuler comme suit : Qu’est-ce qui ne va pas dans ce que j’observe, ce que je constate, à cette époque-là ? C’est peut-être la question, ou l’une des questions fondamentales, que l’auteur se pose. Et il va se proposer de le faire entendre dans le cadre d’une enquête écrite.

 

Nous le voyons aujourd’hui d’après les adaptations cinématographiques ou dans les récits contemporains : l’enquête est fondamentale. Le principe est d’ordre philosophique. L’auteur est de fait un enquêteur et invite son lecteur, il le prend par la main, lui fait découvrir les lieux du désordre, les lieux de sa filature ; c’est ce que nous enseigne Umberto Eco dans son œuvre critique, œuvre critique majeure s’il en est, intitulée Lector in fabula. Le lecteur participe à l’enquête. Umberto Eco en fait même l’un des actants de sa dramaturgie narrative.

 

Le récit policier proprement dit convoque en outre les méthodes d’investigation du Journalisme et de la Police. De fait, l’écriture se fonde sur l’interrogation d’abord et progresse logiquement vers la résolution impulsée par un élément perturbateur, selon la théorie du schéma narratif, ou schéma quinaire, instituée par Paul Larivaille, une théorie de fait applicable à toute réalité sociale et, par voie de conséquence, à l’écriture d’une enquête.

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Tous les grands auteurs modernes et contemporains résolvent, dans leur propre style, les choses. Tout au moins, ils apportent des solutions au débat social.

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Chester Himes, Agatha Christie, Georges Simenon, Raymond Chandler, Dashiell Hammett, Ian Fleming, Léo Malet, Walter Mosley, James Ellroy, Manuel Vàzquez Montalbàn, Fred Vargas, Jean-Bernard Pouy, Serguei Dounovetz, Caleb Carr, par exemple, proposent. Ils soulèvent des problèmes, ils les montrent, ils apportent des solutions.

 

De même, Tony Hillerman, Robert Bloch, Yasmina Khadra, Qiu Xiaolong, Steve Hodel, Patricia Cornwell, Michael Connely, Nick Tosches, Kem Nunn, Jean-Hugues Oppel, Don Delillo, Don Winslow, Jerome Charyn, entre autres grands investigateurs, apportent des solutions.  Ils donnent à voir un état de notre société, pointent leur stylet sur le problème. Leur écriture est généreuse et musicale. Elle renvoie à l’origine de l’Humanité et aux premiers écrits.

 

Leurs idées sont naturellement solides, percutantes. Ils ne mâchent pas leurs mots, plus vulgairement, ils sont francs du collier, ce par pur réalisme.

 

Ils gravent, ils aiment, ils informent.

 

Ils n’ont pas peur de dire.

 

Chacune de leurs œuvres respectives est monolithique, indivisible, titre d’un poème du très grand Aimé Césaire. Dont acte.

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Jean-Michel TARTAYRE

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Ci-dessus, Photographie  Porsche.

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Ci-dessus, Photographie de Jean-Claude Claeys

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Ci-dessus, Photographie de Sean Connery, par Michael Ochs Archives / Getty Images.

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