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Chroniques - théâtre

Théâtre d'Épidaure (image Wikipedia, par

Ci-dessus, le théâtre d'Epidaure

(source : Wikipedia, photographie de Chris ALC)

Ci-contre, le Colisée (source : Wix)

Ruiné architecture antique

Le théâtre, c'est mettre des solitudes en commun.

​

Daniel Mesguich

L'attitude d'un auteur, quand il écrit pour le théâtre, doit être affective avant d'être intellectuelle car tout le théâtre s'adresse à l'émotion avant tout.

 

                                                                                Sir Charles Spencer Chaplin

"Surtout, pas la guerre"

 Le 15 avril 2021

Ange Soleil Broché – 20 mai 2011

de Gilles Leroy

Dix-huit scènes et l'épilogue composent cette oeuvre dramatique de Gilles Leroy. L'intrigue se développe en partie dans le cadre spatio-temporel d'un café dansant situé à Paris, entre Blanche et Pigalle, lors de la nuit de la Libération. Le jeune Ange est condamné à mort car il est accusé d'avoir assassiné une dame. Six personnes sont réunies dans le café, au commencement de la pièce, et s'entretiennent sur plusieurs sujets anecdotiques mais principalement sur la condamnation à mort d'Ange, le fils de Maman Soleil. La douleur de cette dernière est terrible, face au caractère imperturbable des personnages du Policier et du Directeur de la prison : "J'ai pour me consoler cette noirceur au coeur qui va éclore tel l'aloès et faire que tout meure en fleur."

Maman Soleil est un personnage entouré de jeunes gens, dont certains commettent des larcins, profitant du conflit qui oppose résistants parisiens et soldats allemands. Mais la douleur les affecte tous. Ils cherchent à consoler Maman Soleil en lui offrant des bijoux de valeur, par exemple : "Il faut l'imaginer reine, drapée dans des madras de toutes couleurs" dit le personnage de Marco.


 

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Cette pièce, somme toute, se fonde sur une écriture très structurée utilisant les ressources du langage musical par sa polyphonie ; tous les personnages en effet prennent la parole selon une ordonnance parfaitement réglée à la façon d'une partition : les stichomythies mais aussi les périodes de silence, le récit, demeurent autant de moyens techniques pour mettre en valeur les effets de suspense. Gilles Leroy met en l'occurrence l'accent sur l'humour gitan et l'amour déchirant d'une mère pour son fils, jeune adolescent, qui attend dans le couloir de la mort. Il construit une pièce dont la teneur est historique, épique, en s'appuyant sur les événements de la Libération.

Détails sur le produit

  • Éditeur : Gallimard (20 mai 2011)

  • Langue : Français

  • Broché : 88 pages

  • ISBN-10 : 2070133796

  • ISBN-13 : 978-2070133796

  • Poids de l'article : 118 g

  • Dimensions : 12.5 x 0.9 x 19.2 cm

Présentation de l'éditeur :

 

 

"Une nuit d'août 44. Les troupes alliées sont entrées dans Paris. Depuis les toits, soldats allemands et miliciens français livrent leurs derniers feux. À L'Olympic, un dancing de Pigalle, une mère attend l'exécution de son fils assassin. Il sera le premier guillotiné de la France libre. À l'origine de ce texte, il y a la demande que m'a faite Alfredo Arias en 2005 d'adapter pour la scène le roman de Jean Genet Notre-Dame-des-Fleurs. Devant ma réticence à toucher à ce chef-d'oeuvre, Alfredo m'a suggéré d'écrire un texte original où se croiseraient l'univers de Genet, celui des photographies de Brassaï et le mien, bien sûr, où les adolescents hors la loi tiennent une grande place. Un nom m'avait frappé en relisant Notre-Dame-des-Fleurs, celui, merveilleux, du condamné à mort Ange Soleil. Figure elliptique, oublié au palmarès des grands criminels, Ange Soleil a laissé peu de traces sinon celles d'une absolue noirceur : meurtrier atroce et sans repentir, codétenu violent et délateur, on raconte qu'il s'acoquina avec les pires gardiens de la pénitentiaire, tout particulièrement sous l'occupation allemande." Gilles Leroy.

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Knock ou l'Imposture

 Le 16 janvier 2021

Knock ou Le Triomphe de la Médecine: Pièce en trois actes (Français) Broché – 16 mars 1993

de Jules Romains

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Ce drame de Jules Romains est une pièce de théâtre en trois actes. Le docteur Knock est arrivé en gare, tout près de Saint-Maurice. Son confrère, le docteur Parpalaid, et l'épouse de ce dernier, sont venus l'attendre pour le conduire chez eux, ce dans le cadre professionnel du rachat de la clientèle. Knock prend la succession du docteur Parpalaid, étant donné que ce dernier a choisi de s'installer dans la ville de Lyon. Très vite, la conversation est dirigée par le personnage de Knock. Il pose de nombreuses questions relatives aux moeurs des habitants de Saint-Maurice. Le docteur Parpalaid y répond avec bonhommie et sans se douter qu'il a affaire à un imposteur.

Knock évoque sa méthode de prospection, en marge des instances déontologiques de la Faculté et du Conseil de l'Ordre : "Ces textes [...] m'ont laissé transparaître le véritable esprit et la véritable destination de la médecine, que l'enseignement des Facultés dissimule sous le fatras scientifique."

L'Acte II, après cette prise de contact, met en scène ladite méthode de Knock pour augmenter la clientèle du docteur Parpalaid, trop peu fructueuse pour satisfaire son ambition. Le lecteur peut se rendre compte que Knock emploie une méthode agressive : celle du faux argument ; en s'attachant à convaincre les gens qu'ils sont malades, et pour provoquer le sentiment de culpabilité.

"Dans votre cas, il est mauvais d'aller se mettre au lit entre le lever et le coucher du soleil. Faites vos annonces comme si de rien n'était.", dit-il à son interlocuteur, le personnage du Tambour, chargé en l'occurrence de le plébisciter auprès des habitants de la petite ville.

 

Au demeurant, Jules Romains invite ses lecteurs et spectateurs à observer l'ascension sociale de Knock dans la ville de Saint-Maurice et ce, par un ensemble d'actions qui témoignent de son charlatanisme. Le dramaturge pose la problématique duelle du praticien honnête et fidèle au Serment d'Hippocrate contre l'imposture majeure. Il dresse là le portrait d'un personnage, Knock, qui ne respecte pas les enseignements d'ordre éthique de la Faculté de Médecine. Il s'agit d'un imposteur, dont la seule perspective est de se rendre maître de la population des malades, en d'autres termes, des gens auxquels il fait croire qu'ils sont atteints de maladie et qui culpabilisent par le fait de l'autorité qu'il incarne et de ses faux diagnostics. Ainsi, lorsque Knock avoue se fâcher devant quelqu'un qui lui fait front, dans le dernier Acte : "Oui. Il m'a défié près de trois mois ... Mais ça y est."

Détails sur le produit

  • ASIN : 2070386554

  • Éditeur : Folio (16 mars 1993)

  • Langue : : Français

  • Broché : 167 pages

  • ISBN-10 : 9782070386550

  • ISBN-13 : 978-2070386550

  • Poids de l'article : 113 g

  • Dimensions : 11.2 x 1.2 x 18 cm

Présentation de l'éditeur :

 

 

"Le tambour : Quand j'ai dîné, il y a des fois que je sens une espèce de démangeaison ici. Ça me chatouille, ou plutôt ça me grattouille.

 

Knock : Attention. Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ?

 

Le tambour : Ça me grattouille. Mais ça me chatouille bien un peu aussi...

​

Knock : Est-ce que ça ne vous grattouille pas davantage quand vous avez mangé de la tête de veau à la vinaigrette ?

 

Le tambour : Je n'en mange jamais. Mais il me semble que si j'en mangeais, effectivement, ça me grattouillerait plus."

KNOCK Bande Annonce (Omar SY // 2017). Un document YouTube.

En Attendant Godot (Français) Broché – 1 avril 1952

de Samuel Beckett

Cette pièce de théâtre de Samuel Beckett s'organise en deux parties : la première partie met en scène quatre personnages : Vladimir, Estragon, Pozzo et Lucky. La deuxième partie s'augmente d'un nouveau personnage : celui du Garçon. Et cette deuxième partie se révèle comme un cadre spatio-temporel du noeud de l'action et du dénouement d'ordre essentiel, dans la mesure où le personnage éponyme de Godot est rendu plus prégnant, ce grâce à l'entrée en scène du Garçon.

De fait, Godot n'existe que par les paroles des personnages. Le Garçon, de surcroît, le connaît et assure la liaison entre Vladimir, Estragon et Godot. C'est un messager.

Ce qui ressort de manière très sensible par ailleurs et ce, grâce au dialogue, c'est un climat de solitude, tel le huis clos ; un huis clos ici dont le décor est celui de la nature rurale. La didascalie du début indique en effet : "Route à la campagne, avec arbre. / Soir."


 

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Au demeurant, Samuel Beckett propose dans ce chef-d'oeuvre dramatique une comédie dont les rôles servent l'apagogie. Samuel Beckett pose un regard d'expérience et de génie sur les événements de la Seconde Guerre Mondiale et de l'immédiate Après-Guerre. On a le sentiment que les personnages n'ont pas, ou que très peu, de repères. Ils sont seuls au milieu d'une étendue rurale, une plaine vraisemblablement, et patientent après quelqu'un dont ils ne connaissent que le nom, ou le pseudonyme : Godot. La pièce est aussi un lieu de rencontre : celle de Vladimir et d'Estragon dans la Scène d'Exposition, puis celle qu'ils font avec Pozzo et Lucky ; enfin, celle qu'ils font avec le Garçon et son frère jumeau. L'unique repère est un arbre et aussi le point de ces rencontres : "L'arbre, je te dis, regarde-le." Dès lors, on peut penser que les deux parties de la pièce correspondent aux deux journées d'un épisode passé près de cet arbre, car cette oeuvre traduit le phénomène de la brièveté et de l'absence de repères, à la fois sur le plan spatial et sur le plan temporel.

 

Enfin, l'humour est un registre dominant du propos dramatique présenté en l'occurrence par Samuel Beckett, par exemple lorsque Estragon invite Vladimir à s'en aller, ce dernier lui répond : " - On ne peut pas." Estragon lui demande alors : " - Pourquoi ?" Vladimir répond : " - On attend Godot." Godot qui, paradoxalement, n'est manifeste que par son absence et demeure principal actant.

Détails sur le produit

  • ASIN : 2707301485

  • Éditeur : Editions de Minuit; French Language Edition (1 avril 1952)

  • Langue : : Français

  • Broché : 124 pages

  • ISBN-10 : 9782707301482

  • ISBN-13 : 978-2707301482

  • Poids de l'article : 104 g

  • Dimensions : 11.7 x 0.9 x 18 cm

Présentation de l'éditeur :

 

 

L'attente comprend deux phases, l'ennui et l'angoisse. La pièce comprend donc deux actes, l'un grotesque, l'autre grave.

Préoccupé de peu de choses hormis ses chaussures, la perspective de se pendre au seul arbre qui rompt la monotonie du paysage et Vladimir, son compagnon d'infortune, Estragon attend. Il attend Godot comme un sauveur. Mais pas plus que Vladimir, il ne connaît Godot. Aucun ne sait au juste de quoi ce mystérieux personnage doit les sauver, si ce n'est peut-être, justement, de l'horrible attente. Liés par un étrange rapport de force et de tendresse, ils se haranguent l'un et l'autre et s'affublent de surnoms ridicules. Outre que ces diminutifs suggèrent que Godot pourrait bien être une synthèse qui ne se réalisera qu'au prix d'un anéantissement, Didi et Gogo portent en leur sein la répétition, tout comme le discours de Lucky, disque rayé qui figure le piétinement incessant auquel se réduit toute tentative de production de sens.

Cette pièce composée en 1952, quinze ans avant que Beckett ne soit couronné par le prix Nobel de littérature, est un tour de force qui démontre les profondeurs que peut atteindre un langage en apparence absurde. --Sana Tang-Léopold Wauters

En Attendant Godot, de Samuel Beckett, d'après une mise en scène d'Eliot Gravouille. Un document YouTube.

Retour à la citadelle (Français) Broché – 16 décembre 2006

de Jean-Luc Lagarce

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Jean-Luc Lagarce nous invite dans cette oeuvre à prendre part aux débats qui s'organisent au moment de l'arrivée du Nouveau Gouverneur dans la Cité et de la passation de pouvoir entre ce dernier et l'Ancien Gouverneur.

Huit personnages sont présents dans cet ensemble, lequel peut par ailleurs se lire comme un huis clos ; à savoir : L'Ancien Gouverneur, La Femme de L'Ancien Gouverneur, Le Nouveau Gouverneur, La Mère du Nouveau Gouverneur, Le Père du Nouveau Gouverneur, La Soeur du Nouveau Gouverneur, L'Ami du Nouveau Gouverneur et L'Intendant.

Cet ensemble peut également se concevoir comme une réception. Chaque personnage, sauf le Père du Nouveau Gouverneur, prend la parole et s'exprime au sujet du Nouveau Gouverneur, un sujet que Jean-Luc Lagarce traite sur le plan de l'évènementiel. Le Nouveau Gouverneur était attendu par les membres de sa famille avec impatience, y compris, semble-t-il, par L'Ancien Gouverneur et la Femme de ce dernier, car le couple s'inscrit dans la logique des choses et leur acceptation nécessaire. L'Ancien Gouverneur s'exprime en effet dans cette attitude d'acceptation de l'événement : "Il y a dans toute cette affaire, deux axes : notre installation d'une part, ce choix que nous fîmes né volontairement, consciemment, de notre libre-arbitre, et d'autre part, l'ordre ... "


 

Cette acceptation de L'Ancien Gouverneur et de son épouse, même si elle se teinte à peine parfois de résignation, apparaît comme le socle architectonique de cette intrigue, étant donné qu'il permet l'écriture de la passation, qui s'avère être le motif majeur. Paradoxalement, les dialogues, marqués à intervalles réguliers par de longues répliques, ou des tirades, de la part des personnages, placent au premier plan la valeur fondamentale du silence, ce qui explique la mention d'"Isolement" et justifie l'idée de huis clos. L'affaire est traitée dans le secret d'une "salle de réception". Et elle demeure dominée par le savoir de L'Ancien Gouverneur et du Nouveau Gouverneur en matière de sciences politiques. Au second plan, on peut lire la reconnaissance exprimée par les proches du Nouveau Gouverneur à l'égard de son investiture, mais également celle que manifestent L'Ancien Gouverneur et son épouse : "D'autre part, on s'imaginait mal, de retour dans notre quartier, avouant que nous nous étions trompés sur la mission confiée."

 

Au demeurant, Jean-Luc Lagarce donne à voir à ses lecteurs et spectateurs l'écriture d'un événement qui fait partie du quotidien dans le domaine politique. La passation de pouvoir est traitée en l'occurrence dans sa dimension psychologique. Les caractères mis en présence se complètent jusqu'au dénouement. Leur complémentarité fait bloc, grâce à la tension manifeste dudit événement, que le génie de l'auteur sait exprimer par la raison d'une maîtrise parfaite du langage dramatique. Les personnages sont à la mesure de la réception, dignes et solennels, autant de qualités vertueuses que la parole révèle.

Détails sur le produit

  • Broché : 61 pages

  • Poids de l'article : 81.6 g

  • ISBN-10 : 2846811628

  • ISBN-13 : 978-2846811620

  • Dimensions du produit : 20 x 0.5 x 12.5 cm

  • Éditeur : Les Solitaires Intempestifs (16 décembre 2006)

  • Langue : : Français

Présentation de l'éditeur :

 

 

La Soeur. - C'est à moi ?...
et puis, à la fin, on ne l'attendait plus et il arriva.
«Longtemps déjà, dit quelqu'un, qu'on le croyait mort.»
Mort ou disparu. Englouti aussi, c'est possible, ou écrasé encore dans un accident de la route, un terrible accident de la route. Noyé ou tué par balles, le plus simplement du monde, tué par balles dans un quelconque épisode sanglant de l'histoire.
«Toujours cette façon bien à lui, dit quelqu'un, cette manière inimitable d'être là quand il ne le faut pas, là où il ne faut pas.» Cette habitude, oui, cette recherche, ce goût («Et qu'est-ce que ce pourrait être d'autre ?», s'interrogea quelqu'un), ce goût pour le risque, sans nécessité aucune, vraiment. Lorsqu'il entre, qu'est-ce que cela change ? On croit toujours, on imagine que ce genre de choses, lorsqu'elles arriveront, si elles arrivent, vous feront hurler de joie, ou vous évanouir, peut-être. On le regarde : c'est lui, c'est bien lui, on se sourit, lui et moi, il y a du temps qu'on ne s'est vus, on s'embrasse aussi, c'est possible, mais il n'y a rien d'autre à ajouter, une visite banale, son retour une heure après être parti. Longtemps déjà que, de lui-même, il aurait pu se rendre compte, jeter un oeil sur sa propre vie. Mettre à jour l'absurdité de son existence, en tirer les conséquences qui s'imposent et qui sait ? découvrir un raisonnement.
«Tout cela en pleine lumière, et bâtir, pourquoi pas ?, dit quelqu'un, une théorie, une ligne de conduite.»

Une Comédie sérieuse

Le 15 janvier 2020

Le Tartuffe (Français) Broché – 9 février 2011

de Molière

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Détails sur le produit

  • Broché : 208 pages

  • Editeur : Larousse (9 février 2011)

  • Collection : Petits Classiques Larousse

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2035859174

  • ISBN-13 : 978-2035859174

  • Dimensions du produit : 18 x 1 x 12,5 cm

Cette pièce de Molière, considérée à juste titre comme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre du patrimoine littéraire, propose une étude de caractères d'après le personnage de Tartuffe, un faux dévot.

L'action a lieu à Paris, dans la maison d'Orgon. Tartuffe est son confident et, par ce fait même, habite chez lui. Orgon lui voue une confiance sans bornes, au point qu'il veut lui offrir la main de sa fille. Néanmoins, le personnage inquiète, en particulier Marianne, sa fille précisément, qui refuse le mariage, et naturellement Valère, l'amant de cette dernière. Elmire, l'épouse d'Orgon, quant à elle, au terme de plusieurs entretiens avec Tartuffe et d'une observation sagace de son comportement, se rend vite compte de la supercherie et croit à un réel abus de pouvoir et de confiance exercé principalement sur son époux et sur sa belle-mère, Madame Pernelle.

Elmire, de fait, peut être comprise comme le personnage clef de cette intrigue, dans la mesure où elle est l'actant de la résolution dans la célèbre scène 5 de l'Acte IV, qui va mettre à nue l'hypocrisie de Tartuffe et montrer à Orgon, dont le sentiment de culpabilité est très fort, la vérité des intentions de son hôte : "Vous épousiez ma fille, et convoitiez ma femme !"

Au demeurant, Molière produit un chef-d'oeuvre d'art dramatique par l'écriture du Tartuffe, car il construit là un personnage autour duquel l'ensemble de l'intrigue gravite, de la Scène d'exposition jusqu'au dénouement, qui se termine heureusement par une décision de justice. Tartuffe est un représentant de l'Eglise et son statut oblige ; raison pour laquelle il est l'hôte permanent d'Orgon et de sa famille. La tromperie est, dans sa gravité, à la mesure de son statut.

Molière interpelle de la sorte ses lecteurs et spectateurs sur les faits de langue et de comportement que tout un chacun se doit de respecter, fidèle en cela à l'esprit du XVIIe siècle, à la fois scientifique et artistique et dont Louis XIV fut le grand mécène. A cet égard, Molière lui-même écrit dans sa Préface pour défendre la cause du Tartuffe et de toute comédie digne de ce nom, c'est-à-dire au sens aristotélicien du terme, Molière écrit donc : " On connaîtra sans doute que, n'étant autre chose qu'un poème ingénieux, qui, par des leçons agréables, reprend les défauts des hommes, on ne saurait la censurer sans injustice." La présente édition accompagne le texte d'un appareil pédagogique relatif aux programmes des lycées , établi par Madame la Professeure Ruller-Thuret et apporte des informations indispensables à la problématique de ce chef-d'oeuvre de Molière, si décrié en son temps, et donnant à voir de l'auteur un immense artiste de l'écriture autant qu'un chirurgien de l'âme.

Présentation de l'éditeur

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Une famille est déchirée ; sous le masque d'une religion austère, un intrus s'est installé, a conquis Orgon, le maître de maison, et sème le désordre : il courtise en secret la femme de son hôte, convoite sa fille et ses biens. Et Orgon n'y voit que du feu... sacré !


En 1664, Molière montre, dans Le Tartuffe, les dangers de l'imposture et de l'aveuglement. Deux fois interdite à l'époque, sa pièce est plus que jamais d'actualité. Et si le rire restait le meilleur moyen de combattre le fanatisme ?

Molière, Tartuffe - Résumé analyse de l'oeuvre complète

Un document YouTube.

Une Épopée du langage

Le 30 décembre 2019

Music-hall (Français) Relié – 17 mai 2001

de Jean-Luc Lagarce

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Trente mouvements composent cette oeuvre théâtrale. L'auteur, Jean-Luc Lagarce, la conçoit à trois personnages : LA FILLE, LE PREMIER BOY et LE DEUXIEME BOY, auxquels il ajoute la présence manifeste de la grande artiste JOSEPHINE BAKER.

L'action se situe au sein d'un music-hall, le terme éponyme, du moins dans un lieu, comme le souligne le dramaturge, "qui croit servir de music-hall". Le cadre spatial est aussi "une ville" où se trouve précisément ledit music-hall.

Le dialogue s'articule autour du souvenir, de la mémoire, du lieu et de Joséphine Baker, sur un fond musical, en l'occurrence une chanson de cette dernière qui a pour titre  De Temps en temps : "La Fille serait déjà là / elle attendait au fond, et lorsque cela commençait / [ ... ] elle avançait en ligne droite / vers le public et elle s'asseyait." Les didascalies mentionnent à cet égard, et à de rares moments, "de temps en temps", les paroles de la chanson de Baker : "On entend la musique, c'est Joséphine Baker. 'Ne me dis pas que tu m'adores, / Mais pense à moi de temps en temps' ..."

Il s'agit d'un huis clos, de fait, où le propos se teinte de nostalgie envers le music-hall et son égérie Joséphine Baker. Les trois personnages racontent dans un style marqué par la syncope et le contretemps du jazz, directement appliqués à la syntaxe française, les performances scéniques de la grande artiste : "C'était plutôt une pièce musicale et fatalement, fata / lement, sans musique. / Comment dire ? [ ... ] Toujours la même histoire."

 

La parole, au demeurant, a dans cette oeuvre une importance capitale, ce dans la mesure où le music-hall y prend corps et âme. Jean-Luc Lagarce sait parfaitement retranscrire son histoire, à la fois par le rythme qui imprégna le lieu, le rythme du jazz, et par la personnalité de Joséphine Baker, sa prégnance. Le style de l'auteur propose ici un voyage dans le temps qui permet au lecteur et au spectateur de remonter aux origines de cet établissement, aujourd'hui un peu oublié, réhabilitant de la sorte la performance sur scène et ses origines : la danse, le chant, la musique, la parole du corps, sa gaieté, son appétit : "là, à attendre / et regretter déjà les fourchettes et cuillères et bou - / teilles de bière des tribus les plus primitives - c'était le bon temps, ah !"

Détails sur le produit

  • Relié : 60 pages

  • Editeur : Les Solitaires Intempestifs (17 mai 2001)

  • Collection : Bleue

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2846810001

  • ISBN-13 : 978-2846810005

  • Dimensions du produit : 20 x 0,5 x 12,5 cm

Présentation de l'éditeur

​

Mais madame, répètent-ils

- sont courtois mais obstinés et n'entendent

pas ne rien entendre  - oui, madame, l'histoire 

quelle est-elle ?

Parce que tout de même on ne saurait se nourrir

ainsi, tout le temps,

d'expédients divers,

le tabouret, l'histoire du tabouret, ses multiples

aventures, et la robe,

et la porte du fond, et celle, plus fréquente encore,

latérale, dans les cas difficiles, tout cela,

nous l'avons compris, mais l'histoire,

on ne saurait faire semblant, il y en a bien une,

et quelle est-elle ? Nous serions heureux de la

connaître ...

Music-hall de J L Lagarce. Mise en scène de V. Ros de la Grange avec Jacques Michel. Un document YouTube.

Une Tragédie contemporaine

Le 11 décembre 2019

Pasarán (Français) Broché – 23 août 2000

de Philippe Malone

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Détails sur le produit

  • Broché : 108 pages

  • Editeur : Les Solitaires Intempestifs (23 août 2000)

  • Collection : La Mousson d'été

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2912464765

  • ISBN-13 : 978-2912464767

  • Dimensions du produit : 19,7 x 0,8 x 12,3 cm

Présentation de l'éditeur

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Les bonnes fortunes usinent le monde Elles font et défont les pays Et les hommes Sans objections Ni entraves Voilà la seule réalité qui mérite d'être nommée La vérité que vous présentez n'est que le reflet mensonger De la réalité que j'exerce Vous seriez misérable sans mes talents pour vous rehausser Ce siècle n'est plus fait pour la vérité, monsieur Fat Vous agitez son cadavre devant des foules affamées Avec l'ardeur d'une hyène au sommet d'un charnier Mais que cela ne vous abuse pas C'est la fascination du charnier qui rend les foules attentives Pas ce que vous tentez de leur dire La nécessité contre la vérité Le reste n'est qu'illusion Une illusion de plus, monsieur Fat Les illusions s'évanouissent vite Pas la nécessité.

La lecture de cette oeuvre de Philippe Malone nous fait prendre conscience de la dimension tragique des événements qui se sont déroulés en Espagne durant le conflit qui opposa les partisans de la Seconde République Espagnole aux franquistes,, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, de 1936 à 1939.

L'intrigue a pour cadre une rue où est affiché le slogan cher aux républicains "No pasarán", puis plusieurs appartements, celui de Fat et celui de Judith, notamment, où a lieu la majorité de l'action.

Les personnages sont au nombre de dix et confèrent à la pièce sa teneur à la fois historique et tragique, comme a pu le faire William Shakespeare. Nous découvrons ainsi le huis clos d'une micro-société soumise à la loi d'un seul homme, Fat, candidat à la fonction de gouverneur. Il a son homme de main, Gil ; son homme d'affaires, Lamb et va, une fois parvenu au pouvoir, se trouver confronté à la vengeance de son épouse Lydie qui ne peut plus supporter sa domination perverse : "Se peut-il qu'ici, presque sous mon toit, / Des traînées sans vertu élèvent le ton de leur voix [ ... ] ?"

Au demeurant, Philippe Malone, compose une pièce de théâtre dont le point de vue critique s'articule autour de la figure du tyran et, en contrepoint, de la cause féministe. L'écriture est libre et accorde aux répliques un rôle majeur. Le titre, explicite s'il en est, renvoie à une tragédie historique, celle de la guerre civile espagnole et, par le fait de l'absence de la particule négative "No", Philippe Malone, tronquant de la sorte le célèbre slogan "No pasarán", qui signifie en langue française "Ils ne passeront pas !", Philippe Malone fait entendre avec ironie comment la privation, la perte, des valeurs républicaines, conduisent au chaos et donc, à la guerre. Un titre qu'incarne le caractère de Fat, symbole en l'occurrence de toute forme de pouvoir dictatorial.

Une Pièce qui s'organise autour de l'importance de la parole

Le 24 novembre 2019

L'exercice de la raison Poche – 14 février 2007

de Jean-Luc Lagarce

Une citation de Jean-Jacques Rousseau, mise en exergue, extraite de son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes apporte un éclaircissement sur la genèse de cette oeuvre de Jean-Luc Lagarce : " ... car sitôt que l'imagination s'arrête, l'esprit ne marche plus qu'à l'aide du discours."

L'auteur nous propose dans L'Exercice de la raison d'assister, de participer, à une réunion au sein d'une entreprise, dont l'objet est la succession du Directeur, âgé d'une soixantaine d'années et qui est jugé pour être destitué. De nombreux personnages demeurent présents, dont les membres de la famille de ce dernier ainsi que les membres du personnel tels La Responsable, Le Mari de La Responsable, Le Premier Adjoint, Le Second Adjoint, Le Gouverneur, Le Vice-Gouverneur, etc. et puis les candidats à la succession ; à savoir deux jeunes hommes : Le Premier Jeune Homme et le Deuxième Jeune homme.

L'ensemble s'articule autour de l'importance du discours en un pareil cas. La situation est qualifiée de "mélodramatique", ce dans la mesure où il s'agit, pour Le Directeur, de quitter définitivement ses fonctions parce qu'il est renvoyé : "cette lente destitution", confie-t-il à son épouse. 'Mélodramatque" aussi pour les deux jeunes hommes, qui doivent subir la loi du vote, rendant de la sorte à l'un l'investiture de la direction de l'entreprise, aux dépens de l'autre.


 

Détails sur le produit

  • Poche : 78 pages

  • Editeur : Les Solitaires Intempestifs (14 février 2007)

  • Collection : BLEUE

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2846811881

  • ISBN-13 : 978-2846811880

  • Dimensions du colis: 21,4 x 14,9 x 1,9 cm

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Chaque personnage est doté d'un temps de parole important. On note à cet égard de nombreuses tirades conséquentes et constitutives d'une intrigue qui se fonde sur l'entendement et la raison, comme l'indique le titre ; ainsi, par exemple, le propos du Vice-Gouverneur, quand il dit : 'Lorsque je dis 'mon opinion', je tiens à préciser, il s'agit de mon opinion la plus intime, celle-là chargée de mon intime conviction."

 

Jean-Luc Lagarce fonde son oeuvre sur une structure, une "architectonique" - un terme d'Umberto Eco, très élaborée, érudite, où la gravité domine. Les discours sont froids, prononcés par des personnages qui sont autant de membres d'un tribunal d'entreprise, chacun ayant une fonction liée au pouvoir politique.

 

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L'auteur sait rendre prégnante la puissance de la raison en la circonstance et le poids de la réflexion que cette circonstance suscite dans le propos. Le terme "Exercice" du titre renvoie au jugement, à la faculté de juger. Ici, le procès du Directeur mobilise cette faculté chez chacun des membres de l'assemblée : "Je garde ainsi une sorte de pureté, et je reste, d'autre part, indépendant dans mes jugements", confie le Vice-Gouverneur. Au demeurant, l'action, le temps et les caractères de cette oeuvre semblent relever du registre tragique, à la fois par son sujet, la pratique politique, et par son traitement discursif, assimilable à celui d'un philosophe stoïcien.

Présentation de l'éditeur

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Ils n'ont encore rien décidé. Un de ces petits jeunes hommes mélancoliques peut remplacer le vieux, être nommé à sa place ou intriguer habilement. Et le vieux peut aussi se succéder à lui-même. Tout cela peut n'être qu'une réunion préparatoire et tout peut se décider une autre fois. «Une autre fois» comme toujours. On ne sait pas. Et encore, rien ne doit être écarté, aucune éven­tualité, et encore : rien, la vie peut continuer ainsi.

« Car sitôt que l'imagination s'arrête, l'esprit ne marche plus qu'à l'aide du discours. » C'est par cette phrase en exergue de Jean-Jacques Rousseau que Jean-Luc Lagarce ouvre cette pièce sur le pouvoir, avec l'idée de raconter un conseil d'ad­ministration. Projet peu raisonnable puisqu'en ces temps difficiles pour la création de textes contemporains, il décide qu'il y aura 17 personnages. Les comités de lecture refusent sa pièce. En 1988, il la reprend ; elle deviendra Les Prétendants, avec le succès que l'on sait en 2001 dans la mise en scène de Jean-Pierre Vincent au Théâtre de la Colline à Pari
s.

Captation d'une pièce de Théâtre (extrait), de Jean-Luc Lagarce. Un document YouTube

Une Réécriture de la tragédie classique

Le 11 novembre 2019

L'Amour de Phèdre Poche – 20 juin 2002

de Sarah Kane

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L'Amour de Phèdre est une réécriture de la tragédie Phèdre, écrite notamment par Sénèque et Jean Racine.

L'intrigue se déroule dans un palais royal puis aux portes de la Cour. Sarah Kane l'a réactualisée en utilisant un langage dramatique contemporain qui emprunte à la psychanalyse et à la sociologie. Le niveau de langue est familier le plus souvent et renvoie à une thématique proche du quotidien, abordant des sujets graves tels que la rupture sentimentale, l'inceste, la solitude et la place de l'individu face au pouvoir.

L'auteure nous fait partager son écriture savante, très ancrée dans la réalité, en donnant aux personnages une épaisseur de caractère, une consistance, qui confère à la pièce sa dimension cathartique ; le registre tragique, suscitant terreur et pitié, est prégnant tout du long. Phèdre et Hippolyte sont sujets d'actions et de situations qui s'inscrivent dans l'hybris, propre au genre.

Sarah Kane excelle dans son art, ses connaissances du répertoire classique sont immenses, elle écrit avec science et générosité, avec génie, faisant de la tragédie classique un poème contemporain, un poème dramatique contemporain qui parle et s'adresse avec gravité à la jeunesse d'aujourd'hui. Les didascalies ont cet égard un rôle majeur car elles servent les scènes en donnant à voir un décor d'aujourd'hui, même s'il s'agit de celui d'un palais, et instaurant par là une vraie proximité avec son lectorat : "Phèdre se rassied, bien droite, et regarde la télévision."

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Enfin, la traduction de l'anglais par Séverine Magois est, d'un point de vue à la fois syntaxique et sémantique, fidèle au réalisme de la pièce et propose grâce à ce remarquable travail, la lecture d'un chef-d'oeuvre.

Détails sur le produit

  • Poche : 72 pages

  • Editeur : L'Arche (20 juin 2002)

  • Collection : Scène ouverte

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2851815164

  • ISBN-13 : 978-2851815163

  • Dimensions du produit : 17,7 x 10,7 x 1 cm

Présentation de l'éditeur :

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L'Amour de Phèdre semble occuper une position singulière parmi les pièces de Sarah Kane et il est de fait très rare qu'un auteur anglais adapte une pièce classique. L'adaptation s'intègre parfaitement dans l'univers de l'auteur : réapparaissent notamment la dissection d'une émotivité masculine malsaine et nihiliste, tout comme la question de Dieu et les conséquences de la violence.

L'AMOUR DE PHEDRE par la Zamak Cie - Festival Festhéa 2014. Un document YouTube.

La Tragédie du 11 septembre 2001 mise en mots

Le 1er novembre 2019

11 septembre 2001 / 11 September 2001 Poche – 25 janvier 2002

de Michel Vinaver

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L'écriture de Michel Vinaver se fonde sur l'actualité de la catastrophe du 11 septembre 2001. Inspiré par les témoignages rapportés dans la Presse internationale, l'auteur compose une tragédie dont la résonance se fait entendre par la voix et la situation des personnages ; ainsi, par exemple, Todd qui dit : "Oui les deux pilotes aussi qui sont blessés / Ils ont poignardé aussi un passager". Cette résonance est d'autant plus forte pour le lecteur que la focalisation, en l'occurrence, est interne ; Todd fait partie des passagers de l'un des avions détournés.

L'auteur, de fait, donne la parole à l'ensemble des témoins et reporte des preuves qu'il a pu recouper afin de leur conférer une dimension d'ordre dramatique.

Le texte est une réécriture des supports journalistiques, sur un mode à la fois musical et polyphonique. Il est versifié. Il nous découvre les feuillets d'instruction des terroristes, l'émotion de terreur et pitié des victimes, ainsi que des fragments des interventions publiques du Président Bush et de Ben Laden. La structure rythmique s'organise autour de la concision du propos et la présence du Choeur.

Le lyrisme, à cet égard, est celui de la poésie contemporaine, très ténu, presque inexistant, par souci de mimesis, peut-on penser, une mimesis appliquée à l'événement, à sa réalité, situant l'imaginaire dans les limites les plus strictes de la conscientisation des choses - celle d'une catastrophe humaine, d'un crime de masse ou massacre - et, pour ce faire, Michel Vinaver s'exprime en langue anglaise : "Keep Desires Afloat / [...] Consent Sacrifices"

L'écriture est bilingue, mais la traduction française intègre également des paroles en anglais, celles du Choeur plus précisément. La note liminaire de cette oeuvre confirme ce choix de l'auteur comme suit : "La forme se rapproche de celle des cantates et des oratorios, se composant d'airs (à une, deux ou trois voix), de parties chorales (qui, dans la version française, restent dans la langue originale)".

Détails sur le produit

  • Poche : 71 pages

  • Editeur : L'Arche (25 janvier 2002)

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2851815032

  • ISBN-13 : 978-2851815033

  • Dimensions du produit : 21 x 13,5 x 1 cm

Présentation de l'éditeur :

Le monde a changé, dit-on. Une chose est désormais sûre : les événements du 11 septembre 2001 ont révélé que notre monde, celui de l'Occident, est moins stable et plus vulnérable que nous ne le pensions.

Michel Vinaver, auteur de 11 septembre 2001. Un document YouTube.

Une Pièce polyphonique autour de la souffrance

Le 29 octobre 2019

Purifiés Broché – 21 octobre 1999

de Sarah Kane

Sarah Kane produit avec Purifiés un ensemble qui se fonde sur la structure de vingt-six scènes.

Le cadre de l'action est une université. Sept personnages interviennent comme autant de voix et d'actants d'une intrigue, somme toute complexe, et dont le leitmotiv est la souffrance. Chaque scène se déroule dans une salle d'une couleur ou d'une forme particulières, selon le cas. Tantôt il s'agit de "la Salle Ronde" ou d'une "cabine", tantôt il s'agit de "la Salle Blanche", de "la Salle Rouge" ... Et dans chacune s'exerce la violence, qu'elle soit d'ordre verbal, d'ordre psychique ou bien d'ordre physique. Les didascalies ont, de ce point de vue-là, une fonction essentielle car, à l'a façon d'un récit, elles apportent des informations nécessaires sur le caractère et le comportement des personnages : "ROBIN regarde passionnément d'abord, et en toute innocence, puis il devient perplexe et finit désemparé."

Plusieurs sujets de société sont abordés par Sarah Kane dans cette oeuvre. Autour du leitmotiv de la souffrance sont concentrés et gravitent les thèmes de la toxicomanie, de l'homosexualité, de l'hétérosexualité et souvent dans leur excès.

Sur le plan dramatique plus précisément, l'auteure exploite avec génie l'écriture du huis clos et du Théâtre de la Cruauté, ainsi que Jean-Paul Sartre, Antonin Artaud, ont pu la pratiquer. A cet égard, la voix de chaque personnage a une résonance d'autant plus puissante sur le plan sémantique, semiotique, mais aussi sur le plan rythmique ou chromatique, tel un opéra rock ou jazz fusion.


 

Détails sur le produit

  • Broché : 66 pages

  • Editeur : L'Arche (21 octobre 1999)

  • Collection : Scène ouverte

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 285181432X

  • ISBN-13 : 978-2851814326

  • Dimensions du produit : 11,6 x 0,9 x 18,7 cm

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Le titre enfin, Purifiés, n'est pas sans évoquer la place capitale que la catharsis occupe dans l'écriture et la représentation théâtrales.

Présentation de l'éditeur :

Théâtralement parlant, Purifiés est une entreprise audacieuse. La matérialisation de son univers poétique soulève la même question que les premières pièces de Kane. « Les rats emportent les pieds de Carl » comment est-il possible de monter une telle didascalie sur scène ? Sarah Kane croyait passionnément qu il est possible de représenter ce qui est imaginable. Aussi a-t-elle repoussé les frontières d un théâtre (anglais) souvent confiné dans son naturalisme et a exigé des metteurs en scène des solutions nouvelles et courageuses.

Sarah Kane: CLEANSED (2003) | film, scene 1, performed by the Royal Court Theatre Downstairs, in London. Un document Vimeo, WaxFactory et Wikipedia.

Un Livret d'opéra contemporain

Le 26 octobre 2019

Quichotte Poche – 14 février 2007

de Jean-Luc Lagarce

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Jean-Luc Lagarce propose à ses lecteurs, dans cette oeuvre dramatique, une vision de Don Quichotte selon une composition de vingt-huit mouvements versifiés. L'écriture est une performance tant dans le domaine de la réécriture que dans celui de l'interprétation de la fin des jours du protagoniste de Cervantès.

On assiste en l'occurrence au retour à la réalité du héros : "Je me suis trompé,/ Tous les égarements,/ Mais je suis éveillé,/ Et je vois les choses, le Monde et les hommes,/ désormais clairement." "Quichotte", de fait, peut être perçu comme l'incarnation de la prise de conscience de soi et des choses : "Je vivais dans les songes,/ Loin de la réalité."

Les personnages qui demeurent associés à cet épisode de l'existence du célèbre aventurier, outre Sancho Panza, sont au nombre de cinq ; à savoir : Toboso, la patronne du restaurant, La Serveuse, Le Jeune pompiste, La Chanteuse et Le Choeur. Le cadre de l'intrigue est précisément le restaurant que Toboso dirige. La dimension opératique est justifiée par la présence de nombreux refrains dans les répliques ainsi que par celle des récitatifs ou des passages parlés, ce sur le mode d'une alternance régulière avec les autres scènes.


 

Ainsi, Jean-Luc Lagarce pratique avec génie l'écriture polyphonique et musicale en donnant à voir de l'épilogue de l'oeuvre de Cervantès un épisode tragique, un requiem moderne, contemporain, qui place le personnage éponyme au rang de héros, de guerrier ayant vaincu ses démons au terme de mainte aventure en compagnie de son acolyte Sancho Panza et parvenu à reconnaître sa vraie Dulcinée et à partager ses dernières heures avec elle.

Détails sur le produit

  • Poche : 60 pages

  • Editeur : Les Solitaires Intempestifs (14 février 2007)

  • Langue : Français

  • ISBN-10 : 2846811865

  • ISBN-13 : 978-2846811866

  • Dimensions du colis: 21,4 x 14,9 x 1,9 cm

Présentation de l'oeuvre par l'éditeur :

C’est l’heure ultime pour partir‚
La cérémonie des adieux‚
Mais avant de te quitter‚
(Je dois maintenant mourir)‚
Écoute-moi un peu‚
Je voudrais seulement te dire,
Ô‚ seulement te dire :
Je vois doucement venir le jour‚
À l’heure de l’obscurité‚
Nous ne devons pas craindre le pire‚
Je t’emporte‚ mon seul amour‚
Tu es mon unique réalité.

Livret écrit en 1989 pour un opéra jazz composé par Mike Westbrook‚ ce texte librement inspiré du dernier chapitre de Don Quichotte de Cervantès est aussi un hommage à l’univers de Jacques Demy.

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Un Ensemble à deux voix

Le 16 octobre 2019

Les Diablogues et autres inventions à deux voix Poche – 3 novembre 1998

Roland Dubillard

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Photo d'archives prise le 9 janvier 1962 à Paris de Roland Dubillard, lauréat du prix des "U" pour sa pièce "Naïves Hirondelles". AFP. Un document du journal Le Monde.

La particularité de cet ouvrage tient dans le concept d'un duo de personnages, pour la majorité désigné par "Un" et "Deux". Roland Dubillard le compose de trente-sept scènes, ou mouvements, qui lui confèrent une unité de sens avec autant de variations, à la fois rythmique et thématique.

Ainsi, dans "L'Ecrivain souterrain", il construit le dialogue entre "Le Reporter" et "L'Ecrivain" sous la forme d'une interview caricaturale à l'égard de ce dernier dans la mesure où 'Le Reporter" s'attache à le questionner sur le sens de ses phrases célèbres, toutes relatives aux règles de conduite à observer par les usagers et le personnel de la S.N.C.F. et du Métropolitain : "Vous rappelez-vous pourquoi vous avez écrit, la même année, je crois, excusez-moi, je cite de mémoire : 'Toute quête ou vente d'objets quelconques est interdite dans l'enceinte du Métropolitain' ?" De fait, au fil de l'interview, on prend conscience que l'écrivain est un législateur spécialisé dans le règlement intérieur de la S.N.C.F. et du Métropolitain : "Il y a bien encore : B, b 174 - M 1769 ... mais ça, ça change avec tous les wagons."

Dans "Entretien", "Un" et "Deux" font l'objet d'une caractérisation, là encore, de l'interview d'une personnalité. Le registre comique est prégnant grâce à la maîtrise parfaite de l'auteur, s'agissant des jeux de mots et de la science du langage. "Un" interviewe "Deux" sur sa vie et l'on se rend compte que ce dernier est né au XIXe siècle, incarnant de la sorte la mémoire vivante de l'époque contemporaine, ayant connu Mauriac, Mauroix, Malraux, Paulhan et auteur d'un journal intime où il reporte tous ses souvenirs. Roland Dubillard traite les deux actants avec beaucoup d'humour, utilisant le comique de mots, de situation et de caractère avec génie : "UN - Tagadag, tagadag, tilala ... tsain, tsain, patapan ? / DEUX - Oui, patapan, comme ça."


 

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Au demeurant, cet ensemble est à considérer comme un chef-d'oeuvre du langage dramatique. L'écriture explore toutes les ressources de la syntaxe au service de la comédie et de son éthique. Roland Dubillard s'inspire du quotidien et le transmue en trente-sept mouvements d'un tableau dont la polyphonie et ses rythmes donnent à voir de la société de notre époque un reflet grave, généreux, enthousiaste.

Détails sur le produit

  • Poche : 368 pages

  • Editeur : Gallimard (3 novembre 1998)

  • Collection : Folio

  • Langue : Anglais, Français

  • ISBN-10 : 2070406938

  • ISBN-13 : 978-2070406937

  • Dimensions du produit : 17,8 x 10,8 x 1,6 cm

Ci-dessus, Les Diablogues Théâtre du Rond Point, Paris. Directeur: Jean Michel Ribes, mise en scène par Anne Bourgeois, avec Jacques Gamblin & François Morel. Un document France 2 et YouTube.

Une Comédie autour de l'importance de l'amour

Le 9 septembre 2019

Bibliocollège - Le Médecin malgré lui, Poche – 7 juin 2017

Molière

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Ci-contre, un portrait de Molière par Pierre Mignard (1658). Un document Wikipedia.

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Détails sur le produit

  • Poche: 128 pages

  • Editeur : Hachette Éducation (7 juin 2017)

  • Collection : Bibliocollège

  • Langue : Français

  • ISBN-10: 2013949774

  • ISBN-13: 978-2013949774

  • Dimensions du produit: 12,5 x 0,8 x 18 cm

Cette pièce en trois actes de Molière débute par une scène de ménage entre Martine et Sganarelle. Ce dernier n'assume pas son rôle de père de famille ; il fait preuve d'irresponsabilité en rentrant régulièrement au foyer ivre et gaspillant les économies et le salaire de son épouse : "Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, un traître qui me mange tout ce que j'ai ?", s'exclame Martine. Il lui répond toujours avec une ironie féroce, au point de s'en prendre à elle physiquement : "Voilà le vrai moyen de vous apaiser."

Sganarelle n'a de fait le moindre égard pour Martine, ni même pour leurs enfants : "Mets-les à terre." Néanmoins, Martine entend se venger et, dès la quatrième scène relevant de la Scène d'exposition, fait passer son mari pour un grand médecin, ce au cours d'un dialogue à trois entre elle précisément, Valère et Lucas, deux employés de Géronte, dont ils rapportent l'inquiétude de voir sa fille Lucinde malade. En outre, Martine leur confie que son mari ne peut correctement exercer son métier de praticien que si on l'y pousse par la force et leur recommande vivement de ne pas hésiter à le rosser ; chose que les deux serviteurs vont s'empresser de faire : "Là ils recommencent à le battre." indique la didascalie dans la cinquième scène.

Au cours de l'acte II, le lecteur apprend le principal symptôme de la maladie de Lucinde : elle est devenue muette. A la demande expresse de Géronte, Sganarelle va découvrir que ce symptôme est dû au fait que le même Géronte, le père de Lucinde donc, a entrepris de marier sa fille de force. Il en est tenu informé dès la fin de l'acte II par Léandre, avec lequel Lucinde désire vivre : "... je m'appelle Léandre, qui suis amoureux de Lucinde, que vous venez de visiter." Afin que le jeune amant puisse rencontrer cette dernière , Sganarelle va répondre favorablement à sa requête de devenir son aide en tant qu'apothicaire. Léandre va ainsi devenir le vrai médecin de la jeune fille et, dès la scène 6 du troisième et dernier acte, occasionner sa guérison soudaine. La réaction de Géronte est à cet égard probante qui, entendant sa fille parler, réagit avec bonheur : "Voilà ma fille qui parle !"


 

Au demeurant, Molière invite ses lecteurs et, par là même, ses spectateurs, à sourire devant le spectacle de cette comédie. L'écriture a une dimension très visuelle ; on pourrait parler d'hypotypose dramatique tant l'épaisseur psychologique des personnages est réelle. Le sujet autour duquel il les fait s'animer est pourtant le reflet d'une actualité grave et sensible : le mariage forcé des jeunes filles et le pouvoir éhonté des pères de famille qui battent leur épouse et leurs enfants. La comédie met ainsi l'accent sur les abus de pouvoir déjà existants dans l'Antiquité romaine : ceux du pater familias détenant la "patria potestas", autrement dit détenant le pouvoir absolu sur son épouse et sur ses enfants. Martine est une femme battue en effet, de même que Lucinde n'a aucune alternative que de feindre le mutisme devant la loi paternelle. Le registre comique va heureusement transmuer cet état de choses, sous le regard de Molière, dont le génie consiste ici à inverser les rôles en donnant aux deux personnages féminins une autorité majeure dans le déroulement de l'action. Martine va par exemple faire de son mari, Sganarelle, un acteur de la justice féminine contre la phallocratie et ses abus et ce, malgré lui, mais dans un esprit de réconciliation.

 

On doit enfin noter que cet ouvrage pédagogique inscrit dans la Collection Bibliocollège des éditions Hachette offre des ressources très précieuses de réflexion pour les élèves et pour les enseignants, des ressources documentaires conçues par deux professeurs : Chantal Grenot et isabelle de Lisle, qui ont su mettre à notre disposition de nombreuses questions essentielles autour de l'oeuvre mais aussi de la vie de Molière et du Grand Siècle. Ajoutons que ces ressources parcourent la pièce dans son complet déroulement et qu'elles le clôturent sur une analyse très construite, à la fois historique et philosophique, du genre dramatique, offrant de la sorte aux lecteurs les outils nécessaires à la contextualisation de l'écriture de Molière.

Ci-dessus, pièce de théâtre complète LE MEDECIN MALGRE LUI de Molière par le théâtre de l'Echo du Robec. Mise en Scène de Daniel Deprez Réalisation : Sandra Partipilo. Un document YouTube.

Djamila ou l'histoire d'une amitié

 Le 18 août 2019

Rien d'humain (Poche – 11 mai 2004)

Marie NDiaye

Ci-contre, un portrait de Marie NDiaye (2013).

Un document Wikipedia.

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Cette oeuvre de Marie NDiaye peut être conçue comme un drame qui s'articule autour des motifs de l'injustice et des préjugés sociaux.

Elle se compose de sept mouvements, ou sept grandes scènes, dominés par le dialogue entre Bella et Ignace. Ce dernier est le compagnon de Djamila, Bella, quant à elle, est décrite comme une soeur de coeur de Djamila.

L'objet de l'ensemble est Djamila, l'héroïne, associée à l'idée du logement.

Bella, de retour d'Amérique, désire à nouveau habiter son appartement et, pour ce faire, entend déloger Djamila et le confie à Ignace : "Djamila est ma plus vieille amie mais ..." Autour de l'objet du logement gravitent les thèmes de la famille, des préjugés sociaux, du rapport de l'individu à l'argent et de la condition féminine.


 

Marie NDiaye, de fait, donne ainsi à comprendre que Djamila est une femme qui fut longtemps abusée par la famille de Bella et qu'elle n'a pas les moyens de vivre autrement que chez cette dernière avec son enfant. Au cours de la scène 3, entre Djamila et Ignace, l'auteure informe le lecteur que Djamila a presque oublié son amie Bella et elle retient surtout l'idée que c'est par pitié que cette dernière lui a permis de s'installer chez elle avec sa fille : "Le mouvement de pitié et de gêne qui l'avait poussé à m'installer chez elle, elle ne le comprendra plus ... " Néanmoins, Ignace la rassure sur la bienveillance de Bella : "Cette Bella, elle paraît gentille, oui."

Marie NDiaye, au demeurant, découvre d'après ces sujets graves de société, celui de l'exclusion, de l'ostracisme et de la dépendance sociale, comment, à terme, peuvent se résoudre de telles difficultés, notamment par le dialogue et l'amitié, le dialogue, ici souvent assorti de moments de silence, faisant place à la réflexion des personnages : "Qui peut rentrer chez moi, c'est moi qui en décide. Mon amie, douce amie " confie Bella à Djamila. Le titre : Rien d'humain, renvoie aux conditions d'existence de Djamila et d'Ignace, dont la vie conjugale est assujettie à la seule volonté de Bella : "Maintenant, il serait bien que vous vous en alliez." Il reste que la dimension comique est présente par la raison que Djamila conserve l'amitié de Bella et l'entière disposition de l'appartement.

Détails sur le produit

  • Poche: 44 pages

  • Editeur : Les Solitaires Intempestifs (11 mai 2004)

  • Collection : Bleue

  • Langue : Français

  • ISBN-10: 2846810958

  • ISBN-13: 978-2846810951

  • Dimensions du produit: 20 x 0,5 x 12,5 cm

Ci-dessus, Rien d'humain, de Marie NDiaye, d'après une mise en scène d'Olivier Werner, avec Juliette Delfau, Pauline Moulène et Yves Barbaut. Un document YouTube (Extrait).

Un Drame social

 Le 14 août 2019

Hilda (Livre broché – 19 janvier 1999)

Marie NDiaye

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Cette pièce de Marie Ndiaye peut se concevoir comme un drame social.

 

Hilda, l’héroïne éponyme, est une jeune femme et une mère de famille, mariée à Franck, que Mme Lemarchand a embauché comme gouvernante pour s’occuper de ses enfants.

Au fil de l’intrigue, on constate que Mme Lemarchand l’assujettit au point de ne plus la laisser libre de revenir dans son foyer. Elle exerce en effet sur Hilda une pression psychologique qui rend cette dernière totalement dépendante de ses décisions et, par là même, de son autorité.

Franck ne peut rien contre cet état de choses, dans la mesure où Mme Lemarchand lui a versé une importante somme d’argent qu’il ne peut rembourser de suite, par le fait que ses revenus sont modestes : « Vous n’avez pas refusé mon argent, Franck, vous n’avez pas repoussé mon aide : pourquoi n’aurais-je pas en échange ce à quoi mon argent me donne droit ?  J’ai acheté le travail et la présence d’Hilda, et je veux m’en faire payer. Qui me donnerait tort ? »

De fait, Mme Le marchand s’ennuie, n’assumant pas la responsabilité de mère de famille et a besoin d’Hilda pour la distraire parfois mais surtout pour éduquer ses enfants : « Ma solitude est si pesante quand je n’ai que les enfants pour me tenir compagnie. »

Hilda travaille à plein temps et ne peut rien contre son destin, un destin d’héroïne tragique puisque le fatum social qu’incarne Mme Lemarchand relève de la tragédie antique : « Mais Hilda ne sort pas, ne dépense rien. Hilda n’existe plus, Franck. »


 

Marie NDiaye a structuré un drame en quatre mouvements dans lesquels se conjuguent « le burlesque », ainsi que le souligne le journaliste et écrivain Olivier Barrot, et la dimension tragique, quatre grandes scènes donc, fondées essentiellement sur le dialogue entre Mme Lemarchand et Franck, l’époux d’Hilda. Hilda, quant à elle, est présente par les seules évocations de ces deux personnages au cours d’un dialogue dont on se rend compte à terme qu’il s’agit d’un dialogue de sourd. Franck ne peut rien obtenir de Mme Lemarchand à telle enseigne qu’il devient malade et qu’il va refaire sa vie avec Corinne, une amie. Ces quatre mouvements sont des mouvements de confrontation à la fois d’ordre social et d’ordre politique : Mme Lemarchand se dit « de Gauche » mais assoit son autorité sur l’argent, une autorité qui, par ailleurs, va détruire le couple d’Hilda et Franck, étant donné qu’elle leur interdit résolument de se voir : « Hilda est à moi. Je l’aime et je la respecte. » Au-delà de cet univers délétère dans lequel évoluent les personnages, Marie NDiaye invite à une réflexion sur les rapports entre individu et pouvoir, maître et valet, ainsi que sur les passions humaines, telles que la jalousie, l’orgueil, l’abjection, mais également sur les préjugés sociaux qui peuvent aboutir, comme dans cette pièce, à la réduction d’une jeune femme à l’esclavage, une jeune femme qui n’a plus aucun droit et soumise entièrement à l’autorité de son employeur.

Détails sur le produit

  • Broché: 91 pages

  • Editeur : Editions de Minuit (19 janvier 1999)

  • Langue : Français

  • ISBN-10: 270731661X

  • ISBN-13: 978-2707316615

  • Dimensions du produit: 11,4 x 1 x 17,5 cm

Ci-dessus, HILDA | MARIE NDIAYE on YouTube (Extrait)

Pièces détachées (1992)

de Jean-Michel Ribes 

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Ci-contre un portrait de Jean-Michel Ribes (Wikipédia)

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Jean-Michel Ribes organise dans cette oeuvre un ensemble qui se fonde sur l'observation de la société de son temps d'un point de vue à la fois critique et comique.

L'humour est prégnant dans chacun des textes et s'articule autour du jeu de langage.
Ainsi dans « Roméouche et Henriette », il réécrit le « Roméo et Juliette », de William Shakespeare, sous la forme d'une parodie grinçante dont la mise en page, par une présentation textuelle comme en quinconce, donne à voir la rivalité de deux familles ; les Dubibouche d'une part, et les de Bergerette, d'autre part, une rivalité qui sévit surtout sur leurs enfants respectifs, Roméouche et Henriette, pour le seul motif que ces derniers sont amoureux l'un de l'autre. La part tragique du drame shakespearien est indéniable et le génie de Ribes semble consister dans la parfaite connaissance du langage dramatique et de l'oeuvre de Shakespeare, de ses rouages. Le registre dominant demeure néanmoins comique, puisqu'un troisième personnage, actant majeur de la pièce, celui du facteur en l'occurrence, par ses cinq interventions résout les péripéties en événement heureux : « je suis le facteur qui vous apporte un peu de bonheur. »

Dans « Ultime bataille », par exemple encore, la science de Jean-Michel Ribes s'applique à exploiter les ressources du monologue pour évoquer la solitude et la déception amoureuse d'une jeune femme qui s'apprête à rompre avec Guy : « et c'est vrai, j'ai envie que nous nous quittions d'une façon qui soit digne de toi, de moi, de nous ... »


 

Au demeurant, ce qui apparaît avec clarté dans cette oeuvre, c'est la façon dont Jean-Michel Ribes utilise les mots. Les mots sont un outil qui sert non seulement la langue française mais aussi et surtout l'architectonique de l'écriture théâtrale, sous toutes ses formes. Son génie fait de sa seule vision de la société et de sa philanthropie des tableaux vivants à notre seule lecture, et cette alchimie cathartique produit son effet purgatoire, libérateur, au préalable de sa représentation, telle l'hypotypose.

Éditions : Actes Sud. Date de parution : 5 mars 1992. Nombre de pages : 106 p. Prix : 8,84 €. ISBN : 978-2869430709

Théâtre sans animaux : Neuf pièces facétieuses (2001)

 Jean-Michel Ribes 

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Jean-Michel Ribes propose dans cette oeuvre neuf pièces qu'il qualifie de facétieuses dans la mesure, peut-on penser, où des sujets sérieux, graves, tels que l'égalité, la fraternité, la mémoire, l'art, sont traités avec beaucoup d'humour et, notamment, par le ressort du langage dramatique, celui de la comédie en particulier, fondé sur les quatre formes de comique.

Le comique de mots, par exemple, dans la pièce intitulée « Monique » s'organise autour d'un jeu sur le prénom, ce d'après un sujet grave qui est celui de la perte des repères, voire la perte de la mémoire, mais surtout de l'importance capitale de cette fonction cérébrale. Il s'agit d'un dialogue entre un père et sa fille qui fait entendre au lecteur qu'il semble avoir perdu la mémoire du prénom de cette dernière : « Quand je dis "Monique", pourquoi te retournes-tu vers moi ? »

De même, dans la pièce « USA », la référence à l'onomastique est prégnante, en l'occurrence s'agissant de l'usage des prénoms américains : « Ça te fait plaisir de m'appeler Bob ? » Les deux personnages sont d'ailleurs Monsieur ONE et Monsieur TWO.

Dans « Souvenir », cinq personnages évoquent leurs souvenirs et font de nombreuses digressions en regardant un tableau flamand du XVIIIe siècle dont le motif principal est une carpe : « Eh bien, en CM2, Pascal a eu un petit camarade qui jouait du violoncelle. »


 

Au demeurant, Jean-Michel Ribes invite son lecteur à partager son écriture et sa réflexion autour de sujets graves tels que la perte de mémoire, l'esthétique picturale, mais toujours sous l'angle de l'humour et en explorant les ressources du langage dramatique et de la linguistique, qu'il maîtrise parfaitement. La langue, par l'usage qu'en fait le dramaturge dans le discours, sa praxis, est au coeur de cette oeuvre et apparaît comme leitmotiv.

Éditions : Actes Sud. Date de parution : 4 septembre 2001. Nombre de pages : 106 p. Prix : 12.63 €. ISBN-10: 2742734279

Mise en scène de Sylvain Ferrondu.
 

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Une allégorie de la relation mère-fils

14 mars 2019

Les Serpents
Pièce de Marie NDiaye (2004)
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À l'occasion de la fête nationale du 14 juillet, Madame Diss se présente chez son fils, mais ne peut entrer, car l'accès lui est interdit.

 

La pièce s'ouvre sur une conversation entre Madame Diss, la mère, et France, sa belle-fille. Dès l'abord, Madame Diss se révèle très possessive et exerce une pression incessante envers sa belle-fille afin de pouvoir entrer dans la maison, une maison qui, par ailleurs, est vraisemblablement une maison de campagne, puisqu'elle est située au milieu des champs de maïs : « Où est mon fils ? Tu l'as épousé, ma pauvre, et voilà le résultat. »

 

À partir de la deuxième scène, un troisième personnage féminin intervient ; il s'agit de Nancy, l'ex-épouse du fils de Madame Diss. On imagine qu'elles se rencontrent sur le seuil de la maison.

 

Dans ces deux premières scènes, on apprend que le motif de la visite de Madame Diss est un besoin d'argent. Elle désire lui emprunter une certaine somme pour rembourser des dettes : « J'ai de gros besoins. J'ai fait des dettes. Je me suis mariée trois ou quatre fois, sans en tirer profit [...] J'ai mon fils, je n'ai qu'un fils. Je resterai jusqu'à ce que je le voie. »

 

Au cours de ce dialogue, qui évolue avec trois personnages, Madame Diss, fait de nombreuses révélations sur sa vie privée et sur celle de son fils.

Elle confie notamment que l'un de ses petits-fils, Jacky, est décédé, par le fait de l'irresponsabilité du père, c'est-à-dire de son propre fils. Mort, enfermé dans une cage, au milieu des vipères.

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Au demeurant, cette œuvre s'organise autour de la parole et d'une relation complexe entre une mère et son fils, une mère très bavarde qui, à l'occasion de la fête nationale française, décide d'éponger ses dettes en faisant appel à son fils et ce,  par  l'intermédiaire de ses belles-filles, en tentant de les convaincre de la laisser entrer dans leur foyer conjugal, ce que le fils interdit. La parole ici est donnée à voir et à entendre tel un gage de libération psychologique pour Madame Diss, laquelle en fait aussi un instrument de révélations des secrets de famille, de ses secrets conjugaux ainsi que ceux de son fils. On observe que leur relation est, ou plutôt fut, très fusionnelle, voire trop fusionnelle. Ce qui amène à comprendre au lecteur la raison pour laquelle le fils refuse de la voir.

 

Au dénouement, par un jeu scénique de porte à porte, France, séduite par les arguments de sa belle-mère, se présente chez elle, mais l'accès lui est à son tour interdit : « MME DISS. - Souviens-toi de moi.  FRANCE. - Je reviendrai. » La parole enfin et d'après cette dernière occurrence, semble à l'image du serpent, des serpents, si l'on s'en réfère au titre ; l'auteure nous montrant qu'elle peut avoir des effets désastreux, mortels même à l'exemple du petit Jacky, un enfant.

Éditions : Minuit. Date de parution : 5 février 2004. Nombre de pages : 91 p. Prix : 6,60 €. EAN 9782707318565

La pièce Les Serpents de Marie NDiaye a été créée en novembre 2017 au Théâtre-Maison d'Elsa à Jarny.

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Un drame familial

4 mars 2019

Papa doit manger
Pièce de Marie NDiaye (2003)
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L'intrigue de Papa doit manger repose sur le retour d'un père auprès de son ex-épouse et de ses filles dans la ville de Courbevoie où l'on apprend qu'elles résident. La scène d'exposition présente le personnage éponyme en présence de l'une de ses filles, Mina, l'aînée, Zelner, le beau-père et Maman, qui a donc refait sa vie avec ce dernier.

Papa est revenu au terme de dix ans d'absence et confie qu'il est revenu avec l'intention de vivre et d'habiter à nouveau au sein du foyer familial avec de belles promesses : « Je vous donnerai beaucoup, je vous couvrirai de tout ce que vous n'avez pas, si Maman me reprend. » Dans un dialogue avec Zelner, il dit avoir fait fortune dans de nombreux pays : « Mais Papa est là, Zelner. Que croyez-vous que j'aurais pu devenir dans ce Courbevoie miteux ? [...] Tenez, regardez, touchez un peu ça : costume, chemise, montre, souliers. »

De fait, physiquement, il a rajeuni : « Constatez, Zelner. J'ai cinquante ans et j'en parais trente. Mon corps, mon visage : toute ma personne est d'une jeunesse insensée. »

Après cette première rencontre, Papa invite sa femme et ses deux filles à l'hôtel Nikko, Zelner ayant décliné l'offre en raison de la situation qu'il trouve indécente puisque Maman, son épouse, est dans le ravissement de revoir son ex-époux : « Mais je suis tellement heureuse Ahmed, tellement ... de te voir, simplement. Comme tu parais jeune. Qu'as-tu fais pour paraître aussi jeune ? »

Cependant, la scène IV découvre de Papa un autre visage ; la réalité étant celle d'un homme qui est demeuré à Courbevoie avec sa compagne Anna, dans un logement insalubre, une scène révélant ses mauvaises intentions de soutirer de l'argent à Maman, ou tout simplement de trouver chez elle un confort facile. Papa et Anna ont eu un enfant, Bébé, dont ils ont du mal à prendre soin. Ils vivent d'emprunts et aux crochets du frère d'Anna. Papa dit à Anna qu'il doit rencontrer une deuxième fois Maman à l'hôtel Nikko afin qu'elle puisse lui faire un chèque de dix mille francs : « Mais les choses vont changer. Je vois ma femme demain, toujours à l'hôtel Nikko. Elle me fera un chèque. Elle s'y est engagée tout à l'heure. »

Au demeurant, cette pièce de théâtre de Marie NDiaye s'ancre dans la réalité du quotidien des étrangers en France et en particulier des personnes d'origine africaine. On pourrait qualifier ce drame de drame social, tant il témoigne de la grave situation, à la fois financière et familiale, que vivent certaines gens, a fortiori lorsqu'ils ont la peau noire. Papa est un personnage qui souffre du regard que les membres de la famille de son ex-épouse, Maman, ont posé sur lui et posent encore sur lui : les beaux-parents, les tantes, notamment.

L'ensemble s'organise autour de la chronologie et de l'espace-temps, puisque l'intrigue nous donne à voir la transformation physique de Papa sur une période de trente ans. Au dénouement, du presque jeune homme qu'il était à l'ouverture du drame, le personnage est devenu indigent, totalement dépendant de sa femme et de ses filles, et a beaucoup vieilli, le visage marqué de surcroît par les cicatrices d'anciennes blessures au couteau, dans le contexte d'une violente dispute avec Maman, qui date de vingt ans en arrière. Mina refuse de le garder - « Non nous ne pouvons plus nous occuper de lui. » Mais l'amour de Maman pour Papa s'y oppose radicalement : « J'ai toujours eu pour toi oui ... un amour inexplicable. »

La pièce est enfin, pour cette raison-là aussi, une oeuvre qui se fonde sur le comportement amoureux au sein d'un couple formé par un homme Noir et une femme Blanche et qui apporte une note très optimiste sur l'amour régnant entre deux êtres, au-delà des contraintes posées par les jugements d'autrui. Marie NDiaye met ici en valeur un amour incorruptible, inaliénable, ni par les effets du temps qui passe, ni par les jugements de valeur et les moqueries.

Éditions : Minuit. Date de parution : 24 janvier 2003. Nombre de pages : 94 p. Prix : 9,50 €. EAN 9782707317988

Représentation de 2012

au Théâtre du Soleil, avec Elvira Barboza et Ana Belén Navares .

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Une réflexion sur l'art pictural contemporain

4 mars 2019

« Art »
Pièce de Yasmina Reza (1994)
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Serge, Marc et Yvan, sont les trois personnages de cette pièce de théâtre de Yasmina Reza. Leurs dialogues s'organisent autour d'un objet, un tableau de peinture contemporaine réalisé par l'artiste Antrios ; il s'agit de fait d'un monochrome blanc, orné de liserés légèrement nuancés de gris, acheté par Serge pour la somme de deux cent mille francs.

Ce dernier est aussitôt critiqué par ses deux amis et se heurte à leur incompréhension ; Marc, en particulier, se montre virulent : « Que Serge ait acheté ce tableau me dépasse, m'inquiète et provoque en moi une angoisse indéfinie. »

En l'absence de Serge, Marc et Yvan s'interrogent sur la raison d'un tel achat et surtout de la dépense occasionnée au regard de l'apparente simplicité de la toile. De scène en scène, la situation s'envenime au point même qu'elle engendre une violente dispute entre Marc et Serge au sujet de Paula, l'épouse de Marc, à l'occasion d'une soirée chez Serge, et qui correspond à la dernière scène.

La chronologie de l'intrigue s'augmente ainsi de plusieurs digressions entre les trois hommes, mais qui ont toutes pour origine le tableau d'Antrios ; ainsi Yvan, qui a pris un coup lors de la dispute et qui dit : « Vous êtes complètement anormaux tous les deux. Deux garçons normaux qui deviennent complètement cinglés ! »

Yasmina Reza propose de la sorte dans cette oeuvre une lecture autour de l'art contemporain qui concerne à la fois la création et ses dimensions économique et politique, autrement dit le marché de l'art. Le monochrome d'Antrios, qui n'est pas sans évoquer « Le Carré blanc sur fond blanc », de Kasimir Malevitch, est un objet qui interpelle et interroge. Serge est un amateur d'art et est soumis aux critiques de ses amis. La pièce traite aussi, pour cette raison-là, de la critique d'art et explore avec humour et sobriété un langage de vulgarisation en la matière, qui sert intensément le langage dramatique. Yasmina Reza donne, par l'intermédiaire du personnage de Serge, la parole à un spécialiste des oeuvres d'art, citant Sénèque, Paul Valéry, dans son plaidoyer d'ordre amical défendant sa prise de position en faveur du monde artistique, tandis que Marc et Yvan font sensiblement preuve d'agressivité et d'ignorance en l'accusant d'avoir dépensé autant d'argent.

Le dénouement instaure, en revanche, un nouvel équilibre et résout les points de vue divergents lorsque Serge propose à Marc de faire un acte pictural, à la façon d'un Happening, sur le monochrome et lui tend un feutre bleu, celui d'Yvan, pour dénaturer le tableau en dessinant lui-même quelque chose dessus, ce qui va amener à une prise de conscience pacificatrice, à une réaction très positive de la part de Marc, par ailleurs le principal opposant, une réaction qui semble de la nature de l'épiphanie. Marc dit enfin : « Mon ami Serge, qui est un ami depuis longtemps, a acheté un tableau. »

Éditions : Gallimard. Collection : "Folio" n° 6240. Date de parution : 3 janvier 2017. Nombre de pages : 120 p. Prix : 5,20 €. EAN 9782070467976

La première représentation de « Art » a eu lieu le 28 octobre 1994, interprétée par Pierre Vaneck (Marc), Fabrice Luchini (Serge) et Pierre Arditi (Yvan), dans une mise en scène de Patrice Kerbrat à la Comédie des Champs-Élysées.

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4.48 psychose (4.48 Psychosis)
Pièce de Sarah Kane (2000), traduite de l'anglais par Évelyne Pieiller.
Montée pour la 1re fois à Londres le 23 juin 2000 sous la direction de James Macdonald.
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Cette œuvre dramatique s'organise autour du motif de la solitude ; solitude d'un personnage confronté à la maladie mentale de la psychose, ainsi que l'indique le titre.

Le langage qu'exploite l'auteur, Sarah Kane, est multiple, associant le monologue et le dialogue selon un rythme soutenu, rapide, qui évoque les mouvements de la conscience, souvent jalonnés par des périodes de silence. Ces mouvements sont par ailleurs construits sur le principe de l'écriture poétique, accordant à l'espace blanc une grande importance, ainsi qu'on peut le découvrir dans l'œuvre d'André du Bouchet par exemple. Chacune de ces plages réservée à la blancheur du papier est, en l'occurrence, à concevoir comme un lieu de silence qui ajoute à la gravité de la parole.

Le monologue, qui est la forme de discours dominante ici, alterne avec deux types de dialogues, celui où le personnage s'entretient avec lui-même (« la langue pendante / pensée bloquée ») et celui qui rapporte les consultations avec son médecin (« Je ne comprends pas pourquoi vous avez fait ça »).

L'ensemble donne à voir l'état d'une âme proche du suicide et qui ne cesse de se remettre en question : « impropre / irrespectueux / irréligieux / impénitent ».

Au demeurant, Sarah Kane traite dans cette oeuvre de la maladie mentale avec une remarquable lucidité, conférant à l'acte de langage, dans ses dimensions poétique et dramatique, une puissance d'évocation qui rend sensible la souffrance psychologique du personnage au suprême degré, faisant état à la fois de son mal-être et de son souhait de s'en libérer, au point de vouloir se suicider. On pourrait considérer que l'auteur met en scène un théâtre intérieur, celui du personnage atteint de psychose, précisément, et son art témoigne de son érudition dans les domaines de la psychologie, de la poésie et de l'écriture dramatique : « Je vais mourir / pas encore / mais c'est là ».

Éditions : L'Arche. Date de parution : 15 juin 2001. Nombre de pages : 56 p. Prix : 11,00 €. EAN 9782851814852

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Interprétation - Sophie Cadieux

Mise en scène - Florent Siaud

Texte français - Guillaume Corbeil Scénographie et costumes - Romain Fabre

Lumières - Nicolas Descôteaux

Vidéo - David B. Ricard 

Conception sonore - Julien Éclancher

Assistante à la mise en scène - Valéry Drapeau

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Une production Les songes turbulents avec le soutien du Conseil des Arts et des Lettres du Québec.

Jules César
Tragédie de William Shakespeare (1599) ; traduite de l'anglais par Yves Bonnefoy.

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Cette tragédie de William Shakespeare nous donne à voir, dans la chronologie de ses cinq actes, les événements qui menèrent Octave, le petit neveu de César, à prendre progressivement la succession de son grand-oncle dans le cadre du Second Triumvirat dirigé par Octave précisément, Marc Antoine et Lépide, après leur victoire sur Brutus et Cassius, les principaux conjurés ayant fomenté l'assassinat de Jules César.

 

La dimension tragique est prégnante à la fois dans l'action et l'état des personnages. Jules César, en particulier, est mis en valeur par son attitude et sa posture héroïques face aux partisans de Pompée, au moment où ils l'entourent pour l'assassiner dans l'enceinte du Sénat, précisément aux pieds de la statue de Pompée : « De même qu'avec fermeté j'ai banni Cimber, / De même, fermement, je le garderai en exil. » Dans cette réplique de César, William Shakespeare tend à faire entendre que l'un des motifs majeurs qui anima entre autres les conjurés est celui du diktat imposant l'exil de Publius Cimber, le frère de Métellus, auquel il s'adresse vertement juste avant qu'on ne l'assassine.

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De fait, ses vertus héroïques se fondent sur les principes de la philosophie stoïcienne, qu'il adopte face à ses adversaires politiques et qui appartient à sa nature.

Ainsi, lorsque son épouse Calpurnia lui fait part de la vision funeste qu'elle eut durant son sommeil, annonçant sa mort, et le prie instamment de ne pas se rendre au Sénat, il accepte malgré tout le fatum qui lui est imparti, avec résignation et ne doutant pas de l'intention criminelle de Decius quand celui-ci le convie hypocritement à s'y rendre en donnant une autre interprétation au rêve de Calpurnia : « Ce rêve est tout à fait mal interprété, / C'est une heureuse vision, de bon augure. »

 

Au demeurant, dans cette oeuvre historique William Shakespeare organise autour de l'imposante stature de Jules César une intrigue très proche de l'univers du genre policier, non seulement pour les effets de suspense qu'il sait parfaitement ménager, en particulier au cours de l'épisode qui précède l'assassinat du héros, mais aussi par le réalisme de l'action qui voit triompher la justice grâce à la perspicacité de Marc Antoine, puis d'Octave ; Marc Antoine dont la place d'infiltré qu'il occupe parmi les conspirateurs n'est pas sans rappeler qu'il fut formé à l'École de Jules César, sous le règne duquel fut institué l'ordre de l'espionnage. Le sentiment de culpabilité est dès lors très présent chez les conspirateurs et surtout chez Brutus, le fils adoptif de César ; un sentiment que Shakespeare traduit avec beaucoup de justesse lorsqu'il crée le dialogue entre le fils et le fantôme du père : « Je suis ton mauvais génie, Brutus. »

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Yves Bonnefoy, qui a préfacé l'oeuvre, écrit à ce propos : « L'apparition n'est pas celle d'un mort qui cherche vengeance, c'est la condensation - explicitement -  d'un aspect de l'être psychique de Brutus [...] Et voici qui ajoute à notre idée de Brutus la dimension d'une fatalité intérieure, dont il faut remarquer que ni les données de la pièce, qui sont politiques, morales, ni même les intuitions de Shakespeare, quant au faire accroire métaphysique, ne peuvent fournir d'explication. »

 

La fatalité qui est en effet ici l'un des actants essentiels de la pièce.

 

On voit enfin que cette fatalité dominante - ce fatum, cette décision des dieux - concerne aussi Cicéron, héros historique s'il en est, qui occupe là un rôle secondaire, un rôle d' « absent », pourrait-on dire, si l'on prend la mesure de l'importance de son action et de ses écrits dans la littérature mondiale en faveur de la défense des valeurs de la République. William Shakespeare semble en avoir fait le grand absent dans cette guerre des Princes et des Rois, autrement dit des grands décideurs de Rome. Il meurt en effet assassiné  au moment du conflit des Philippiques, avec cent autres sénateurs, sous l'ordre de Marc Antoine. Messala dit à son sujet : « Oui, Cicéron est mort / Du fait de ces  décrets ... »

Éditions : Gallimard. Collection : "Folio Théâtre" n° 19. Date de parution : 3 mars 1996.

Nombre de pages : 226 p. Prix : 6,80 €. EAN 9782070393206

Manque
Pièce de Sarah Kane (1998), traduite de l'anglais par Évelyne Pieiller.
Création le 13 août 1998, à Édimbourg, en Écosse.

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Ci-contre, un portrait de Sarah Kane, paru dans The Guardian, 2015.

Photographie de Jane Bown.

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Cette pièce de Sarah Kane se fonde sur les répliques discontinues de quatre personnages identifiés respectivement par une lettre de l'alphabet latin : C, M, B, A.

L'ensemble s'organise autour de la prise de parole de chacun d'eux, selon un rythme équilibré et rapide, prise de parole en majorité lapidaire, qui n'est pas sans rappeler le principe tragique des stichomythies, où parfois alternent des tirades : « B. Non ce n'est pas ça. / C. Si je pouvais me délivrer de toi sans pour autant te perdre. / A. Ce n'est pas toujours possible. / M. Je raconte partout que je suis enceinte. On me dit Mais t'as fait comment, qu'est-ce que tu prends ? Et moi je dis J'ai bu une bouteille de porto, fumé pas mal de clopes et baisé un inconnu. »

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Cette séquence s'inscrit en réalité dans l'ordre de la polyphonie caractérisée, au sens dramatique du terme. Chaque voix correspond en effet à l'expression d'un caractère, liant l'émotion et le signe. On peut à cet égard qualifier l'ensemble de poème dramatique, dans la mesure où l'auteur exploite les ressources de la poésie, autrement dit de l'acte de langage imagé et musical que motive la volonté d'équilibre. Aucun des personnages ne monopolise la parole, il n'y a pas de héros véritablement, entendu comme personnage principal. Tous ont le même statut, celui de voix , véhiculant l'émotion et le son, voix relatives au motif majeur : celui du manque, et qui est par ailleurs l'actant éponyme.

Le manque, qui serait à la fois le sujet et le destinateur du schéma actantiel de cette oeuvre ; l'objet et le - ou les - destinataire pouvant être, dans ce premier cas, les personnages et leur parole et, dans ce deuxième cas, l'auteur, le lecteur et le spectateur, si l'on tient compte surtout de la dimension cathartique que l'architecture de la pièce produit chez nous.

Enfin, il semble permis de supposer que ce manque révélé ici pourrait être celui de l'amour, car le désir est prégnant tout du long et, de fait, il apparaît que désir et manque demeurent indissociables, étant donné qu'ils fondent ce long dialogue, ce quatuor : « A. L'amour est la loi, l'amour soumis au vouloir. / C. Je ne sens rien, rien, rien, / Je ne sens rien. / [...] A. Et n'oubliez pas que la poésie est pour son propre bien langage. N'oubliez pas que si on valide des mots différents, cela requiert d'autres attitudes . N'oubliez pas le décorum. / N'oubliez pas le décorum. »

Éditions : L'Arche. Collection : "Scène ouverte". Date de parution : 17 juin 2002. Nombre de pages : 69 p. Prix : 11,00 €. EAN 9782851815170. Première édition en 1999 par L'Arche éditeur.

Musée haut, musée bas
Pièce de Jean-Michel Ribes (2004), créée au Théâtre du Rond-Point le 21 septembre 2004.
La chorégraphie est signée Jean-Claude Gallotta.

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Jean-Michel Ribes propose dans cet ouvrage une lecture de trente scènes inspirées du quotidien des visites qui ont lieu, ou peuvent avoir lieu, dans les musées d'art. On note dans son écriture un esprit d'observation qui sait rendre compte avec beaucoup d'humour du comportement et des commentaires que le public amateur des musées laisse parfois paraître quand il se rend dans ce type de lieu, c'est-à-dire beaucoup d'entre nous, et son effet est indéniablement cathartique.

Plusieurs personnages récurrents tels qu'entre autres La Guide, Les Gardiens, Monsieur Mosk, Sulki, Sulku, témoignent de la volonté du dramaturge de faire de cette pièce un ensemble séquentiel. La suite des scènes doit se lire dans sa chronologie. Jean-Michel Ribes recommande à ses lecteurs dans son propos d'Avant-Visite de suivre l'ordre voulu et donné dans cette version publiée : « c'est cette version qu'ils devront choisir en respectant l'enchaînement des scènes », écrit-il.

Chaque scène peut se concevoir comme un tableau vivant, animé par les dialogues et les gestes des personnages. Ribes construit par là même un « Musée Imaginaire », pour reprendre ici le titre d'un essai André Malraux édité en 1947, où les visiteurs, par leur présence, figurent eux-mêmes dans chaque scène les éléments d'un tableau animé et s'avèrent ainsi des éléments constitutifs, indissociables, des lieux.

Chaque scène peut se concevoir comme un tableau vivant, animé par les dialogues et les gestes des personnages. Ribes construit par là même un « Musée Imaginaire », pour reprendre ici le titre d'un essai André Malraux édité en 1947, où les visiteurs, par leur présence, figurent eux-mêmes dans chaque scène les éléments d'un tableau animé et s'avèrent ainsi des éléments constitutifs, indissociables, des lieux. La scène intitulée « Salle 3 INSTALLATION » ajoute avec intensité à ce concept de musée vivant lorsque l'auteur prête à La Guide, qui s'adresse aux visiteurs à propos de l'artiste Karl Paulin, les paroles suivantes : « ... les nombreuses expositions, sans cesse renouvelées par leurs visiteurs qui en sont le sujet même [...] Voilà. Je vous laisse maintenant profiter de cette belle exposition, c'est-à-dire de vous. »

Le statut du personnage s'inscrit de fait dans son appartenance au monde, à la fois comme spectateur et acteur essentiel de la scène qui se structure et se structure avec lui, comme dans le genre du Happening, mais également comme signe participant de l'esthétique désirée par le dramaturge ou encore par le metteur en scène, un statut qui n'est pas sans évoquer un autre concept de l'Âge baroque, celui de Theatrum mundi.

À lire cette oeuvre, il est manifeste pour le lecteur que Jean-Michel Ribes est un érudit qui a su exploiter non seulement les rouages du langage dramatique en empruntant à la fois à la langue parlée et à l'architectonique de l'intrigue, mais aussi en sachant intégrer à la parole de ses personnages ses connaissances et, plus précisément, sa science de l'Art, ainsi que son immense culture historique et linguistique.

Éditions : Actes Sud. Collection : "Babel" n° 735. Date de parution : 3 mars 2008. Nombre de pages : 186 p. Prix : 7,70 €. EAN 9782742773947

Derniers remords avant l'oubli 
Pièce de Jean-Luc Lagarce (1987)

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Ci-dessus un portrait de Jean-Luc Lagarce

Hélène, Paul, leur époux et épouse respectifs, Antoine et Anne, ainsi que Lise, fille d'Hélène et Antoine, âgée de dix-sept ans, se retrouvent chez Pierre, un ami de longue date. Au terme des présentations, le dialogue apporte un éclairage sur l'histoire d'amitié qui lie Hélène, Paul et Pierre et sur les intentions qui ont occasionné la rencontre. En effet, sous le couvert de simples retrouvailles se devant d'être en toute logique le motif de célébration du bon temps de la camaraderie, des amours anciennes qui les unissaient alors tous les trois comme à nouveau aujourd'hui dans la même demeure, que Pierre est désormais seul à habiter, Hélène et Paul qui en partagent encore avec ce dernier l'usufruit semblent s'être annoncés inopinément afin d'en venir presque aussitôt au fait : leur volonté de vendre la maison. Dès lors, la situation s'envenime et le propos devient l'objet d'un dialogue de sourds, Pierre, sans mettre directement son veto à pareille décision, faisant preuve d'une attitude tellement indifférente qu'elle tend à le victimiser aux yeux des autres et sème la zizanie : « - Qu'est-ce que tu dis là, qu'est-ce que tu as dit, tu parles de moi comme si j'étais malade !... »
 

Jean-Luc Lagarce, au demeurant, réalise avec cette oeuvre un projet d'écriture qui met en exergue le rôle déterminant du non-dit dans la dynamique d'une action reposant de manière paradoxale sur la primauté de l'échange de paroles entre les personnages. De fait, il apparaît comme le dénominateur des intentions vénales d'Hélène et de Paul, de la mutation d'une amitié ancienne en l'actuelle inimitié, du comportement inhibé de Pierre et de la réduction du langage à sa fonction phatique, comme si l'intrigue n'avait de sens qu'au regard de ce que les personnages laissent entendre au lecteur et au spectateur. Enfin, l'intensité dramatique se fonde sur le jeu des rivalités et des animosités qui divisent, au fur et à mesure, chacune et chacun jusqu'à l'extrémité de l'oubli ; Pierre incarnant le point névralgique d'un ensemble de situations marquées par le contretemps et le renoncement, à terme, dû aux « derniers remords » d'Hélène et de Paul.

Éditions : Les Solitaires intempestifs

Date de parution : 8 septembre 2003

Nombre de pages : 64 p.

Prix : 10,00 €

EAN 9782846810630

Juste la fin du monde
Pièce de Jean-Luc Lagarce (1990)

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Louis, ses frère et soeur, Antoine et Suzanne, Catherine, la femme d'Antoine, sont réunis dans la maison familiale, chez leur mère plus précisément. Suzanne vit avec elle. Cette conjoncture réveille malheureusement les rancunes et les jalousies fraternelles qui semblent avoir toujours opposé Antoine et son aîné Louis. Suzanne, leur mère et Catherine ont beau s'efforcer de temporiser, voire de s'entremettre, chacun d'eux demeure campé sur ses positions, ajoutant ainsi au climat pesant de la rencontre. La présence exceptionnelle de Louis dans ce cercle corrobore à cet égard son intention d'en finir avec la vie et de rendre, au préalable, une dernière visite à ses proches. Sa dette envers l'existence est vraisemblablement arrivée à échéance lorsque, s'adressant dès l'abord à lui-même, il confie : « j'ai près de trente-quatre ans maintenant et c'est à cet âge / que je mourrai,... » ; ou encore : « me donner et donner aux autres une dernière fois l'illusion / d'être responsable de moi-même et d'être, jusqu'à cette / extrémité, mon propre maître... »

Du reste, Jean-Luc Lagarce donne à voir dans cette pièce comment le non-dit des intentions délétères de Louis peut revêtir l'importance capitale d'une dynamique de la fatalité, comment il monopolise l'action au regard des monologues du personnage et de sa fausse présence parmi les autres. De fait, la parole ici, au-delà de sa fonction phatique, qui caractérise notamment les leitmotive de la reconnaissance ou, au contraire, de l'ingratitude familiales, est performative. Les silences de Louis en présence des membres de sa famille et sa détermination à les quitter définitivement se conçoivent comme actes de langage perlocutoires sous-tendus par un profond désir de rupture. L'auteur a choisi de surcroît la forme du vers libre, occurrence qui favorise les moments d'introspection et la lecture d'une destinée qui draine les richesses du drame tragique, autant dans la noble teneur de l'énoncé que dans la peinture des moeurs contemporaines où le suicide est perçu comme l'un des plus grands fléaux sévissant sur la jeunesse (« Je ne reviens plus jamais. Je meurs quelques mois plus tard,... »)

Éditions : Les Solitaires intempestifs

Date de parution : 26 septembre 2000

Nombre de pages : 76 p.

Prix : 10,00 €

EAN 9782912464880

Éd. augmentée d'un soliloque

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JUSTE LA FIN DU MONDE Bande Annonce (Vincent Cassel, Marion Cotillard, Xavier Dolan - Drame, 2016).

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« En finir »

    Le 4 août 2011

Anéantis
Pièce de Sarah Kane (1995) ; traduit de l'anglais par Lucien Marchal

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Ian et Cate forme un couple marqué par une importante différence d'âge : lui a quarante-cinq ans, elle en a vingt et un. Outre cette première caractéristique, la nature de leur relation est celle d'un homme et d'une femme évoluant dans le contexte tragique de la guerre civile. Ils se sont de fait rendus dans un hôtel très luxueux de la ville de Leeds en Angleterre, dans le West Yorkshire plus précisément, et s'installent dans une chambre, sans doute à la fois pour mieux se retrouver mais également pour fuir les événements qui sévissent au dehors. Dès leur entrée dans la pièce, Ian se retire dans la salle de bains afin d'y prendre une douche. Il en ressort, une serviette autour des reins et un revolver à la main. Cate, quant à elle, regarde le mobilier et hume les fleurs qui s'y trouvent posées en guise d'objet décoratif.

Le dialogue tourne très vite à la dispute, tout au moins à un climat tendu, entre les deux personnages, Cate refusant de répondre aux multiples avances de Ian : « Il l'embrasse. Elle s'écarte et s'essuie la bouche. » Tout du long, ce dernier fume beaucoup et boit du gin : « Il tire profondément sur sa cigarette et engloutit la fin du gin, cul sec. » En outre, il arrive que leurs propos soient interrompus souvent, et même à intervalles réguliers, par un cognement à la porte d'entrée de leur chambre, fait des employés de service qui les préviennent avant de déposer le plateau de commande sur le seuil ; jusqu'à ces deux coups inhabituels après quoi Ian, en ouvrant ladite porte, va se trouver nez à nez avec un soldat...

Cette oeuvre de Sarah Kane, au demeurant, propose une lecture très sombre mais surtout très réaliste du conflit sous ses nombreux aspects, que ce soit sur le plan ontologique, sur celui de la relation de couple ou, au-delà, sur le plan sociétal. Les trois personnages sur lesquels se fonde l'action s'inscrivent dans la dynamique d'un fatum directement lié au drame qui se joue à l'extérieur, à la guerre civile, et comme le souligne le titre « Anéantis », l'horizon d'attente est celui d'une tragédie moderne. La violence est prégnante dans chaque scène, dans les répliques des personnages qui s'expriment de façon très crue, mais également dans la gestuelle traitée par les didascalies, et atteint à maintes occurrences le paroxysme de l'anéantissement. Enfin Cate, demeurée seule, ajoute à la dimension apocalyptique de l'intrigue et à son corollaire, l'absurdité du destin, dont le ressort comique cristallise autour de l'image d'une jeune aventurière qui, au comble du manque, suce son pouce.

Éditions : L'Arche. Collection : "Scène ouverte"

Date de parution : 10 décembre 1998. Nombre de pages : 96 p. Prix : 12,50 €. EAN 9782851814210

Antigone
Pièce en un acte de Jean Anouilh (1944)

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L'aube se lève sur Thèbes, la célèbre cité grecque qui vit se succéder sur son trône Œdipe, puis ses deux fils Étéocle et Polynice, lesquels finirent par s'entretuer quand Étéocle, au pouvoir depuis à peine un an, refusa de céder les rênes du pouvoir à son frère malgré le contrat passé entre eux stipulant que l'un et l'autre devaient régner une année chacun à tour de rôle. Créon, leur oncle, est devenu le nouveau roi depuis lors et son accession au trône lui autorise d'instituer une nouvelle loi qui défend à tout habitant de célébrer les funérailles de Polynice. Le corps de ce dernier est en effet resté à découvert sous les murs de Thèbes, exposé à la merci des chacals et des corbeaux. Créon entend de la sorte faire de Polynice un exemple de prince indigne à l'obtention de la couronne, un exemple de rébellion devant être condamnée et réprimée.

L'aube se lève sur la ville encore endormie, mais Antigone n'a pas dormi et rentre à peine dans le palais par une porte dérobée. Elle revient d'une expédition nocturne et avoue à sa sœur Ismène, elle aussi frappée d'insomnie, qu'elle vient de recouvrir d'un peu de terre le corps de Polynice, au mépris de la peine encourue en cas de transgression de la loi de Créon, celle de la condamnation à mort...

Du reste, dans cette pièce Jean Anouilh réalise une transposition moderne de la tragédie antique écrite par Sophocle. Les personnages sont des individus du XXe siècle, de 1944 plus précisément, année de sa première représentation au théâtre de l'Atelier, dans une mise en scène d'André Barsacq. Ils portent des jeans, fument des cigarettes, circulent en voitures et ont un langage plus libre que dans la tragédie classique. Néanmoins, la règle des trois unités est rigoureusement respectée par l'auteur. L'unité d'action s'organise autour de l'acte transgressif commis à deux reprises par l'héroïne éponyme, l'unité de temps est également appliquée, puisque l'intrigue se déroule en vingt-quatre heures. Quant à l'unité de lieu, c'est le palais du roi.

Anouilh, semble-t-il, entend mettre en valeur dans cette histoire tous les ressorts du tragique : celui du fatum, étant donné que le sort d'Antigone est fixé dès l'entrée en scène du Prologue, la jeune femme doit mourir et « elle le sait » ; celui du dilemme qui touche chacun des principaux protagonistes, Antigone comme Créon, dont le dialogue se fonde sur la problématique du choix de dire « oui » ou « non » à la raison d'État ; et enfin celui de l'ontologie : Antigone est en effet une femme insoumise parce qu'elle n'obéit qu'à sa conscience et s'assume totalement au point de braver la mort ; Créon obéit à sa fonction d'homme de pouvoir et, malgré son attachement envers sa nièce, n'hésite pas à la faire condamner après l'avoir quand même exhortée à renoncer au préalable à ce qu'elle-même considère en toute logique comme une fuite en avant.

Enfin, à cette dimension tragique se conjugue celle de l'absurde si l'on se rapporte aux propos et à la gestique des soldats qui, tout du long, se contentent d'obéir aux ordres et ne changent en rien leurs habitudes de pensée et de comportement. Le sanglant dénouement ne les perturbe pas, ils s'attablent pour commencer une partie de cartes.

Éditions : La Table Ronde. Collection : "La Petite Vermillon" n° 300

Date de parution : 8 juin 2016. Nombre de pages : 182 p. Prix : 5,90 €. EAN 9782710381419

Antigone, de Jean Anouilh, d'après la Mise en scène de Nicolas Briançon (en 2003), décors de Pierre-Yves Leprince, costumes de Sylvie Poulet: Avec Barbara Schulz (Antigone), Robert Hossein ...

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Médée
Tragédie en cinq actes de Pierre Corneille (1635)

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À Corinthe, Jason s'entretient avec son ami Pollux, heureux l'un et l'autre de s'être retrouvés à l'occasion d'une rencontre de hasard qui leur permet d'évoquer leur passé d'Argonautes remontant à leur célèbre expédition motivée par la quête de la toison d'or. Le dialogue s'oriente dès l'abord vers un éclaircissement de la situation conjugale de Jason qui, sous la forme d'un récit rétrospectif, tente de justifier le choix qui l'amena à quitter son épouse Médée pour bientôt obtenir la main de Créuse, fille de Créon, le roi de Corinthe : « Créuse est donc l'objet qui vous vient d'enflammer ? » Il dresse ainsi le portrait d'une Médée dotée de pouvoirs surnaturels grâce à qui il reconnaît avoir pu conquérir la fameuse toison mais capable également d'assouvir le moindre de ses ressentiments, une femme en somme dont les talents de magicienne demeurent à l'image de son tempérament duel et qu'elle est en mesure d'exercer au service de la paix comme à celui de sa vengeance personnelle.

Lorsque les deux amis se séparent, Jason désormais seul s'interroge et s'adresse à lui-même en s'avouant ne pas parvenir à résoudre le dilemme auquel il est confronté : « Je dois tout à Médée, et je ne puis sans honte / Et d'elle et de ma foi tenir si peu de conte ; [...] Je regrette Médée, et j'adore Créuse ; ... » Pour sa part, Médée entend réparer l'affront et utiliser sa magie contre son mari et son nouvel entourage, accusant Créon et sa fille d'en être les premiers responsables : « Créon seul et sa fille ont fait la perfidie ! »

Cette oeuvre de Pierre Corneille, du reste, est une tragédie principalement inspirée de la Médée de Sénèque, mettant en exergue une intrigue dont la dynamique se fonde sur le leitmotiv de la vengeance. Médée, l'héroïne éponyme, est traitée comme un personnage dont le caractère moral est mû par la passion amoureuse qu'une conjoncture devenue hostile, en raison de l'infidélité de Jason et de la puissance politique de Créon, transforme en instrument du destin dès lors que ses transports de haine, confortés par l'assurance de pratiquer son art de magicienne orientale - ou de « sorcière » comme le dit en raillant Jason - aux dépens des responsables de son infortune, mènent l'action et lui confèrent sa dimension tragique. Enfin, l'inventivité de Corneille, demeurée très libre au regard des règles du classicisme, s'apparente à celle de la dramaturgie élisabéthaine. L'auteur lui-même s'en explique dans son « Examen » daté de 1660, où il confie que : « Cette tragédie a été traitée en grec par Euripide, et en latin par Sénèque ; et c'est sur leur exemple que je me suis autorisé à en mettre le lieu dans une place publique, quelque peu de vraisemblance qu'il y ait à y faire parler des rois, et à y voir Médée prendre les desseins de sa vengeance. »

Éditions : Flammarion. Collection : "Étonnants classiques". Présentation, notes, dossier et cahier photos par Isabelle Périer

Date de parution : 19 février 2014. Nombre de pages : 187 p. Prix : 3,30 €. EAN 9782081295629

Viol (d'après Titus Andronicus de Shakespeare)
Pièce de théâtre de Botho Strauss ; traduit de l'allemand par Michel Vinaver, Barbara Grinberg

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Cette oeuvre de Botho Strauss est une transposition originale de Titus Andronicus, la tragédie la plus violente de William Shakespeare. Elle se compose de dix-sept scènes dont la progression reprend avec plusieurs variantes celle de l'intrigue du texte source. Strauss situe à cet égard l'action dans un cadre spatio-temporel qui est celui de la fin du XXe siècle et instaure le procédé dramatique du théâtre dans le théâtre, conférant de la sorte à la dimension tragique du sujet, celui du viol de Lavinia, une part d'humour et de distance qui induit un climat d'apaisement.

La mise en scène s'organise autour d'un podium sur lequel les principaux personnages viennent tour à tour s'exprimer et se distingue, là encore, de la pièce de Shakespeare par la sobriété du décor, loin de la surcharge voulue par le contexte historique de l'Empire romain dans lequel s'inscrit celle-ci.

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En outre, Strauss emprunte à la langue parlée. Le dialogue se révèle ainsi d'une grande modernité. Dans la deuxième scène, par exemple, intitulée « Making-Of », les acteurs du drame sont amenés à interpréter et définir leur propre rôle en présence de la metteure en scène et adoptent un langage très libre, proche de celui de la jeunesse d'aujourd'hui : « Mais en même temps, c'est une tragédie, qu'elle disait, les gens souffrent... », ou également : « Nous ne voulons pas de l'habituel "Sex and Crime Show"... »

Il semble, au demeurant, que l'auteur ait choisi d'adapter ou de réactualiser l'oeuvre shakespearienne en s'attachant à traiter le leitmotiv de la violence, qui caractérise le conflit entre le clan des Andronicus et celui de l'impératrice Tamora, sur le mode de la variation, enrichissant le statut des personnages de la double fonction d'actants et d'interprètes à l'instar de Pierre Corneille qui pratiqua cette technique d'écriture dans son « Illusion comique ». « Viol » ressortit donc au remake et apporte à la pièce originelle un regain de jeunesse plus proche du drame que de la tragédie par le fait d'un subtil mélange des genres.

Éditions : L'Arche. Collection : "Scène ouverte".

Date de parution : 23 septembre 2005. Nombre de pages : 85 p. Prix : 11,00 €. EAN 9782851816030

Titus Andronicus ou La Très Lamentable Tragédie romaine de Titus Andronicus
Tragédie de William Shakespeare ; édition Germaine Landre

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Saturninus désire être élu empereur de Rome et le fait valoir auprès de l'assemblée des Tribuns et des Sénateurs. Au même moment, Titus Andronicus, général de l'armée romaine, de retour d'une campagne contre les Goths, fait une entrée triomphale dans la ville en compagnie de ses fils Martius, Mutius, Lucius et Quintus. Avec lui sont également présents des prisonniers de haut rang en la personne de Tamora, reine des Goths, de ses fils Alarbus, Chiron et Démétrius, ainsi que de Aaron le Maure. Dans son discours d'ouverture, après avoir célébré la grandeur de Rome et les vertus guerrières de son armée sous la forme d'un dithyrambe, il répond favorablement à la requête de Lucius, son fils, qui lui demande d'exécuter « le plus fier » de ses prisonniers, et lui livre Alarbus, fils aîné de Tamora, malgré la plainte douloureuse de cette dernière qui tente de le dissuader.

De fait, la popularité de Titus est grande dans Rome. Nombreux sont les citoyens qui veulent l'élire empereur de préférence à Saturninus. En réponse aux voeux de son frère Marcus et de ses fils de le voir accéder au titre suprême, il allègue les inconvénients de son grand âge et son pendant, la brièveté de son règne s'il était élu : « - Il faut un meilleur chef à son corps glorieux / Que celui d'un vieillard affaibli et tremblant. » Il fait donc le choix de céder sa place à Saturninus.

Après son intronisation, celui-ci entend faire preuve de gratitude envers Titus et lui confie qu'il épousera sa fille Lavinia, ce malgré les protestations de son propre frère Bassianus qui a depuis longtemps des vues sur elle dans la perspective de leur mariage. Mais dans un sursaut d'indignation, peu de temps après, l'empereur revient sur sa promesse, accusant la famille des Andronicus de le déshonorer, et prend Tamora pour épouse. Il n'en faut dès lors pas moins à la nouvelle impératrice pour entreprendre de venger la mort d'Alarbus, ourdir une conspiration à l'encontre de Titus et de ses enfants avec la complicité d'Aaron...

Cette oeuvre de William Shakespeare, au demeurant, est une tragédie dont l'intrigue met en exergue avec une rare violence le leitmotiv de la vengeance dans le contexte d'un conflit opposant la famille de l'empereur Saturninus à celle des Andronicus. Le meurtre du jeune Alarbus commis par les fils de Titus dès la scène d'exposition, puis le viol et la torture de Lavinia fomentés par le Maure Aaron et exécutés par Chiron et Démétrius, les deux fils de l'impératrice Tamora, constituent deux moments-clés dans la dynamique du fatum puisqu'ils entraînent tour à tour les péripéties qui voient s'affronter les deux clans sans pitié ni compassion l'un envers l'autre, jusqu'au renversement final. Léone Teyssandier, faisant référence au rapport d'intertextualité qui associe de loin en loin la pièce de Shakespeare aux oeuvres d'Homère, d'Ovide et de Virgile, écrit à cet égard que : « Le couple Aaron / Tamora, c'est la barbarie destructrice qui projette de détruire Rome pour la renvoyer au néant défaisant ainsi l'oeuvre d'Énée. D'un livre à l'autre, d'Ovide à Homère et Virgile, le parcours aboutit toujours à une absurdité tragique, à la destruction d'un ordre solaire, apollinien, par les forces nocturnes du chaos et de l'Érèbe, dont la forêt enténébrée est la représentation : "Les bois sont sans pitié, terribles, sourds, silencieux." »

Éditions : Flammarion. Collection : "GF" n° 661.

Prix : 6,40 €. EAN 9782080700612

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